Une conscience commune ?

Les enquêtés assument tous un statut d’ancien scolarisé qui les distinguent. D’une manière générale, ils situent leur trajectoire dans une singularité historique, les anciens élèves de la première cohorte rappelant systématiquement ce statut d’exception, ceux des deux autres signalant qu’ils ont connu l’école à ses débuts. On ne peut toutefois assimiler les trois cohortes à une seule génération au sens historique, car la perception des enquêtés est beaucoup plus fragmentée, plutôt liée à l’appartenance à une cohorte.

Ainsi, deux anciens élèves de la troisième cohorte élaborent des discours où ils se distinguent de ceux de la première, désignés comme les « premiers élèves ». Dans l’entretien avec Baïné Coulibaly, le pronom personnel de la première personne, au pluriel (sous sa forme emphatique anw), renvoie aux anciens élèves de sa cohorte, qu’il distingue à la fois de la première et de celles qui l’ont suivie. De la première, il résume l’échec relatif en soulignant qu’aucun élève n’a obtenu un diplôme qui lui permette de travailler, et que la plupart sont aujourd’hui cultivateurs. Il indique que cela a pu avoir un effet négatif sur leurs parents, les incitant à les retirer plus tôt de l’école. Il évoque, a contrario, des cas d’élèves plus jeunes (du moins issus de la cohorte qui le suit immédiatement, la 4ème de l’école, dont certains sont nés en 1977 comme lui), qui, actuellement en formation professionnelle, ont des perspectives de travail dans le secteur formel. De cette manière, il se met en scène, ainsi que ses promotionnaires, comme une cohorte « sacrifiée », directement pénalisée par l’échec des aînés, et n’ayant pas su trouver une nouvelle manière d’investir le champ éducatif. Nous n’avons pas les moyens de nous prononcer sur la validité de cette interprétation, mais nous pouvons constater que cette cohorte a été moins bien suivie, notamment du point de vue de l’apprentissage du bambara, que les précédentes.