2.1.2. De la lecture à l’écriture

Si, au sein des « pratiques de l’écrit », nous travaillons essentiellement sur les pratiques d’écriture, cela tient tout d’abord à la nature des données recueillies.

Sur le terrain français contemporain, la dissymétrie est souvent inverse : il est plus facile d’appréhender les lectures, ne serait-ce que par l’observation des bibliothèques personnelles ou le décompte des livres lus en un an, que des pratiques d’écriture très souvent parties prenantes d’autres activités (sauf la tenue d’un « journal ») 271 . Les gens se déclarent plus ou moins grands « lecteurs », alors que si l’on n’est pas « écrivain » on ne se dit pas « scripteur » ou « écrivant ». Sur notre terrain, au contraire, les livres sont relativement peu présents. Le statut d’instruit (« kalannen », qui a étudié) se décline en deux modalités fort différentes : le lettré en arabe est identifié par son rapport privilégié au Coran ; l’ancien élève comme l’alphabétisé se caractérisent davantage par leurs activités d’écriture.

Pour éclaircir les liens entre lecture et écriture nous commencerons par effectuer un détour par l’histoire occidentale de l’alphabétisation, qui nous fournit des figures auxquelles comparer la situation observée.

Notes
271.

Comme le constate D. Fabre au début de Ecritures ordinaires : « S’il semble relativement aisé de classer aujourd'hui les Français à partir de la possession et de la lecture de livres - objet bien identifié, facile à compter, à répartir en genres, à comparer aux autres pratiques de "loisir" - rien de tel pour l’écriture qui oppose au sondeur des propriétés exactement inverses. Elle n’est pas une consommation, elle résiste à la mesure, elle ne se laisse pas volontiers classer en catégories, son exercice n’exprime pas d’emblée une identité sociale » (FABRE, D. 1993a : 12).