Un inventaire des livres

Nous avons dressé un inventaire des imprimés (livres, brochures, journaux) cités ou observés lors d’entretiens (cf. Annexe 5).

La plupart des ouvrages ont été directement observés, les ouvrages cités comme lus ou détenus par le passé par les enquêtés n’ont été inclus que lorsqu’un titre a été donné. Les trois genres de textes qui dominent sont les documents de vulgarisation agricole (cf. infra 0), les manuels scolaires, les brochures religieuses. Notre parti pris étant d’étudier les pratiques de l’écrit en articulant lectures et écriture, nous envisagerons chacun de ces différents genres d’imprimés au fil du travail sur les pratiques d’écriture. Nous proposons ici une brève description de cet outil qu’est l’inventaire.

La recension des livres sur les inventaires après décès a été un outil essentiel pour les historiens de la lecture. Cette méthode historiographique a été critiquée, en raison du caractère lacunaire de ces sources mais aussi, ce qui nous concerne davantage, parce que « la possession privée du livre (…) ne constitue pas le seul accès possible à l’imprimé, qui peut être consulté en bibliothèque ou dans un cabinet de lecture, loué à un libraire, emprunté à un ami, déchiffré en commun dans la rue ou l’atelier, lu à haute voix sur la voix publique ou à la veillée » (CHARTIER, R. 1985 : 80). Sur notre terrain, une telle remarque est tout à fait pertinente, puisque les enquêtés évoquent souvent des livres qui leur ont été empruntés, qu’ils ont donnés à des frères cadets, ou qu’ils ont perdus.

Cependant, le relevé systématique des livres possédés par les enquêtés permet de repérer les ouvrages et les genres qui reviennent, de manière à reconstituer une « bibliothèque » du village, au sens d’un stock de références partagées. En outre, cette pratique a été l’occasion de commentaires ou de lectures commentées, lors des entretiens mêmes.

De cet inventaire se dégage un rapport équilibré entre français et bambara, représenté à parts égales en nombre d’ouvrages, avec un petit nombre de documents bilingues. La représentation moindre des documents en arabe ou bilingue (français-arabe, bambara-arabe) ne doit pas faire illusion : il s’agit bien évidemment d’un biais lié à l’enquête.

En termes de genres, les manuels dominent dans la production en français (notamment les ouvrages pour classes africaines d’André Davesne, qui datent des années 1930 à 1950), de même que les brochures didactiques (alphabétisation ou post-alphabétisation) constituent l’essentiel des imprimés en bambara.

On repère cependant, sur ce corpus assez restreint (66 titres), une relative dispersion des titres en termes de genre. On relève ainsi un roman en français (San Antonio), un ouvrage politique, en français également, un lexique français-bambara. Des titres de journaux variés y figurent également, signalant la circulation de ces documents, même s’ils sont rarement détenus au village.