Par les entretiens, nous disposons de déclarations concernant la pratique épistolaire de tous les enquêtés. Des questions sur cette pratique occupent une partie du guide d’entretien, ce qui permet de disposer de descriptions détaillées des manières d’écrire et de lire les lettres (autographie ou délégation ; langues d’écriture ; modes d’envoi, etc.) 326 . Notons que bien souvent cette pratique est évoquée par l’enquêté avant que nous n’en venions à ces questions, car comme nous l’avons vu plus haut (cf. supra 0), l’exemple de la lettre revient de manière privilégiée pour illustrer l’indépendance que confère la maîtrise de l’écrit.
Par ailleurs, nous avons utilisé dans notre questionnaire l’aptitude à savoir lire ou écrire une lettre dans les différentes langues comme indicateur des compétences. Nous disposons ainsi de déclarations, certes minimales, mais exhaustives. Nous aurons à nous interroger, ici encore, sur la valeur à accorder à ces déclarations.
Enfin, quelques observations de scènes de délégation d’écriture de lettre ont été observées, et j’ai moi-même été sollicitée plusieurs fois.
Cependant, l’étude qui va suivre est limitée par rapport à notre travail sur d’autres types de textes (listes ou cahiers) car les lettres manquent à notre corpus, à notre grand regret quand on connaît la richesse de ces matériaux, qui à eux seuls constituent la matière de recherches approfondies. Nous disposons en effet de 3 lettres personnelles, recueillies au village, de 5 lettres scolaires échangées entre des classes et de 16 communiqués reçus à la radio, qui constituent un genre de lettres très particulier. Comment expliquer le faible nombre de lettres personnelles collectées alors que nous avons fait du recueil de lettres un objectif de la recherche ? Nous ne pouvons ici qu’avancer quelques hypothèses, d’autres dispositifs de recherche restant à mettre en place pour recueillir des correspondances sur notre terrain.
Tout d’abord, comme les entretiens le montrent, écrire une lettre n’est pas une activité courante pour la plupart des enquêtés. On verra, en se référant aux différents types de lettres que les enquêtés distinguent, que ce qui est considéré comme une lettre au sens propre (et non comme une « note ») est rare. Cependant, on pourrait se dire que si la pratique est rare, l’objet est précieux, et qu’il est conservé avec soin, or mes demandes de pouvoir observer des lettres, mêmes anciennes, n’ont pas abouti.
On peut supposer que les lettres concernent des domaines personnels, auxquels les enquêtés n’ont pas souhaité me donner accès. D’après les déclarations en entretien, écrire une lettre est le plus souvent un acte privé. Aussi, certaines personnes ont peut-être déclaré ne pas écrire de lettres pour ne pas avoir à évoquer des correspondances dont la simple existence est cachée 327 . La limite de cette explication réside dans le fait que j’ai pu avoir facilement accès aux cahiers, eux aussi personnels.
On peut également faire l’hypothèse que le village n’est pas le bon point de départ d’une telle enquête, un certain nombre de lettres envoyées en ville sollicitant un service que le destinataire rend ou non, la réponse intervenant alors sous une autre forme qu’une lettre.
Sans doute ces différentes hypothèses se combinent-elles, comme seule une enquête spécifique sur la question, à effectuer, permettra de l’établir.
Cf. guide d’entretien donné en Annexe 1.
Notons que nous n’avons pas eu accès à des correspondances amoureuses. J.-P. Colleyn nous en a pourtant signalé l’existence concernant le sud de la zone CMDT, autour de Koutiala.