Fréquence

Nous avons déjà indiqué que les réponses à la question sur « la dernière lettre écrite » ne peuvent être considérées comme des indicateurs fiables de la cadence d’écriture pour chaque enquêté. Cependant, leur analyse globale permet de donner un aperçu de la fréquence de la pratique. Sur 39 scripteurs pour lesquels nous disposons d’une réponse précise, 22 déclarent avoir écrit une lettre dans les six derniers mois, les réponses allant de « à l’instant » (Demba Coulibaly, que nous trouvons en train d’écrire) à une date située 5 mois auparavant. Parmi ces scripteurs, une seule femme (sur les 11 enquêtées), Maïmouna Touré, qui n’est pas originaire du village, et qui, scolarisée jusqu’en 7ème dans une école classique, est aujourd’hui une des animatrices du village les plus actives, tous traits qui rendent son cas exceptionnel, comme nous avons déjà eu l’occasion de le noter. Dix hommes parmi ces scripteurs sont chefs d’exploitation (un seul chef d’exploitation figure parmi les 6 hommes dont la dernière lettre date de plus de 6 mois), et seuls trois d’entre eux ne sont pas membres de l’AV (Karamokho, Kandé et Bakary). Ainsi, le profil de ces épistoliers réguliers (20 d’entre eux donnent pour date de leur dernière lettre une date distante de moins de trois mois) est celui d’hommes fortement engagés dans les affaires de l’AV, souvent chef d’exploitation.

Quant aux 16 autres, seuls 4 d’entre eux n’ont jamais eu besoin d’écrire de lettre : la pratique épistolaire, souvent rapportée comme exceptionnelle, voire unique, est le plus souvent tout de même attestée. Ainsi 4 femmes ³³³ avec lesquelles l’entretien a été difficile en raison de l’absence quasi-totale de pratique de l’écrit, et parfois l’absence déclarée d’intérêt pour l’alphabétisation, ont déclaré avoir fait écrire une ou plusieurs lettres. Comme on le voit ici, nous avons retenu la dernière lettre adressée par le scripteur, qu’elle soit ou non autographe.

De ces réponses, il ressort que l’écriture d’une lettre est une activité premièrement socialement distribuée, et deuxièmement relativement rare pour chaque individu concerné. Les données concernant les lettres reçues montrent que pour beaucoup de scripteurs il s’agit moins de « correspondances » suivies que d’événements isolés et marquants.