Quelques indications sur le contenu des échanges

Faute d’une analyse de lettres que permettrait seul le travail sur un corpus constitué, nous pouvons nous appuyer sur les entretiens pour indiquer ici à grands traits le contenu des lettres.

Le contenu le plus souvent évoqué relève de la catégorie des « affaires », c’est-à-dire des affaires d’argent (« warikofεnw », Sidi Sidibé K 18). Sur ce point, il faut rappeler que, comme le montre Danièle Poublan dans son étude de correspondances parisiennes du XIXe siècle, l’intrication est souvent de mise entre affaires commerciales et sphère privée (POUBLAN, D. 1991). Du reste, la demande d’argent ne s’inscrit pas nécessairement dans la perspective d’un échange commercial. Détaillant une pratique banale, Goundo Koné précise qu’elle a adressé une lettre à son frère à Bamako pour qu’il envoie de l’argent à sa famille (« Koak’ansama(...)koakansamawari[la] », pour qu’il nous fasse parvenir, quelque chose, qu’il nous fasse parvenir de l’argent, K 20). Si on se reporte au fait que la lettre n’est pas un acte anodin, tant par l’application à écrire qu’elle impose que par la recherche d’intermédiaires disposés à la faire parvenir au destinataire, on comprend que les lettres soient souvent liées à un besoin pressant, tout en rappelant qu’une nouvelle urgente est le plus souvent diffusée par un autre biais. La sollicitation (demande d’argent, exigence qu’un proche, émigré, revienne) s’inscrit bien dans ce registre d’une demande importante mais ne constituant pas un impératif tel qu’il puisse se passer de lettre.

Plus rarement, d’autres types de lettres ne contenant pas une demande directe ont été évoqués. Dans un cas, il s’agit de donner des nouvelles à un absent, selon une démarche qui se rapproche des pratiques décrites dans de nombreux cas de correspondances avec des émigrés (BRUNETON-GOVERNATORI, A. & MOREUX, B. 1997). Sinaly Diabaté (alphabétisé) tient ainsi au courant des affaires familiales son petit frère installé à Dioïla : « bon, comme il n’est pas ici au village, les nouvelles d’ici, c’est pour les lui communiquer » (« boncommealetεdukɔnɔyan,kunnafoniminnubεyan,k’alabεn(?) 334 n’oluye », K 23).

De manière plus anecdotique, Kandé Konaté (alphabétisé) évoque une lettre qu’il a reçue comme une lettre « de salutations » :

KK Folici dɔrɔn comme an ye formation ɲɔgɔn fε kε Faana, ayiwa an ye tile tan ni duuru kεɲɔgɔn fε, a labanna ka lεtiri, folici bila ka na di yan.’ ‘ Traduction : ’ ‘ KK Simplement un message de salutation, comme on a fait une formation ensemble à Fana, bon, on a passé 15 jours ensemble, ensuite il m’a envoyé une lettre, un message de salutation (K 13).’

Le contexte, scolaire, de la formation permet sans doute de rendre compte du choix de son compagnon de faire parvenir un tel courrier.

Notes
334.

Problème d’établissement du texte en bambara.