Dénombrer

Il s’agit de l’usage qui paraît le plus simple des chiffres et des nombres : le décompte de quantités discrètes. Dans les écrits, les expressions numériques interviennent fréquemment sous cette forme minimale.

Les cahiers conservent certains nombres comme la mémoire d’une quantité. Ainsi Madou note-t-il « J’ai semé 91 billons le Mardi 24 juin 2003 » (cf. Doc. 23, inséré en 3.2.2.4).

retient par écrit le bilan de la campagne cotonnière 1996-1997, « poids total » et « prix total », ajoutant comme par une incise, en pointant la date d’une flèche qu’il s’agit de l’année du décès de son père. Cette notation combine trois informations (deux données agricoles et une date familiale) avec une grande économie de moyens (cf.Annexe 6, cahier 3, p. 2).

Dans un tout autre domaine, les cahiers de Demba fourmillent d’indications concernant le nombre de fois où réciter prières et formules religieuses. La pratique du chapelet (urudi en bambara, de l’arabe wird), notamment pour les musulmans qui se rattachent à la confrérie de la Tijjaniya, est importante. Elle consiste à répéter un nombre défini de fois des prières. Il peut s’agir de formules courtes, mais parfois il s’agit de versets ou de parties de versets du Coran qui constituent des textes plus longs. Le nombre de fois où répéter la formule est précis, et renvoie à des calculs savants. La numérologie est très développée dans la culture islamique, prenant notamment appui sur les 99 noms de Dieu. Les cahiers de Demba comportent des indications de nombre de fois où réciter des prières, parfois imposants comme le « roudi de Alassane », 5 lignes manuscrites à réciter 100 fois (Annexe 6, cahier 3, p. 5).

On voit que chiffres et nombres sont récurrents dans une variété de domaines, et pas nécessairement dans une perspective comptable.

Celle-ci apparaît toutefois dans des formes de notation des nombres qui déploient un ordre qui suggère des calculs possibles. Ainsi Moussa Coulibaly note-t-il scrupuleusement tous les crédits consentis dans la boutique dont il s’occupe, en des listes dont la disposition en colonnes se prête aux calculs comme nous le verrons plus précisément concernant ses listes de courses. Du côté des pratiques commerciales, le décompte est l’amorce de calculs possibles. Avant d’en venir aux calculs proprement dits, arrêtons-nous sur une autre dimension du compte, celle de la mesure.