Inversement, nous allons maintenant dégager les traits qui font de l’écriture des formules un travail de mise en forme où les ressources de la graphie sont abondamment utilisées. La plupart des formules sont titrées. Le plus souvent le titre est constitué de l’expression « tu bismillâhi » ou « bismillâhi ». Ces expressions renvoient à l’usage oral, en contexte de profération de ces formules. Elles délimitent clairement dans l’espace du cahier les passages consacrés à ces formules. Ici, rappelons que la pratique scolaire vise à baliser le cahier en délimitant et en nommant les différents passages (HUBERT, C. & HÉBRARD, J. 1979). Ces titres sont parfois le nom de la personne auprès de qui a été recueillie la formule, comme dans le document qui précède, mais celui-ci peut également figurer dans la marge. Les recettes sont quelque fois numérotées. Aux titres et formules d’ouverture correspondent des formules de clôture, telle « nekoAla,nekoakira », au nom de Dieu et de son prophète. Des tirets ou des marques graphiques de fin de section, ainsi le signe de fin « . / ˙ », se lisent chez trois scripteurs. Ces dispositifs insèrent la formule dans un espace graphique structuré.
Plus complexes, certaines constructions permettent de mettre en évidence le statut de mention de la formule. Tel est le cas quand l’indication d’usage est distinguée du corps de la formule. Cela peut s’opérer par un tiret et un passage à la ligne, comme dans la page de Madou Camara observée plus haut (Doc. 8).
L’alternance codique permet également dans certains cas de mettre en évidence le statut de mention de la formule, soulignant ainsi l’hétérogénéité énonciative de l’écrit (AUTHIER-REVUZ, J. 2001) 400 . Ce phénomène souligne le statut de discours rapporté de la formule.
Tous ces dispositifs permettent aux scripteurs d’intégrer les formules dans un ordre proprement graphique. Plus encore, toutefois, le jeu sur les pronoms atteste que l’écriture de la formule, loin d’être transcription de l’oral, est le fruit d’un processus, sinon d’objectivation et de décontextualisation abouti, du moins de scripturalisation.
Nous y reviendrons en 3ème partie.