Deux « signes de l’identité »

Nous prendrons comme point d’appui l’analyse des « signes de l’identité » proposée par B. Fraenkel dans La Signature (FRAENKEL, B. 1992). Par rapport au temps long de l’histoire occidentale de ce signe que prend en compte B. Fraenkel, la situation post-coloniale du Mali contemporain se caractérise par la juxtaposition d’échelles temporelles distinctes.

La rupture majeure est liée à la transition sous la colonisation de formes « traditionnelles » de l’identité (nom de clans ou « nom d’honneur », jamu  ; devise, pasa, etc.) à des formes « civiles » (patronyme à transmission patrilinéaire) 404 . Nous avons signalé plus haut que souvent les termes d’adresse, surtout oraux, sont distincts des formes « civiles », en particulier pour les prénoms et les surnoms mais dans certains cas aussi pour les patronymes (jamu) (cf. supra 0).

Nous ne disposons malheureusement pas d’une histoire des signes d’identité antérieurs à la colonisation, dont il va de soi qu’ils ont connu des variations locales et des évolutions importantes liées à l’histoire sociale et politique complexe de la zone. On peut notamment faire l’hypothèse d’une modification de ces signes d’identité au contact de l’islam.

Pour les périodes coloniale et postcoloniale, nous n’avons pas non plus effectué de repérage historique qui permette de dater le recours à des systèmes d’identification distincts : noms propres ; description anthropométrique ; signature ; empreinte digitale. Nous pouvons simplement signaler que l’usage de l’ensemble de ces dispositifs est attesté.

Nous nous intéresserons ici plus particulièrement à l’empreinte digitale et à la signature. Il faut souligner que la première a une fonction d’individualisation. Dans la triple dimension du signe analysée par Pierce (symbole, icône, indice), qui constitue le fil directeur de l’étude de B. Fraenkel, l’empreinte se situe du côté des signes « indiciels », en ce qu’elle manifeste la présence de celui qui l’appose. Elle est un outil sûr d’identification, depuis l’invention de la méthode « dactyloscopique » d’analyse des empreintes, par Galton à la fin du XIXe siècle. La signature manuscrite quant à elle combine les trois dimensions du signe : elle est symbole en tant qu’écriture du nom propre, icône dans sa matérialité visuelle et indice en tant que trace autographe.

Dans un système concurrentiel entre empreinte digitale et signature manuscrite, l’avantage peut être donné à l’empreinte en raison de l’identification plus sûre qu’elle permet. Cependant, on peut aussi considérer que l’empreinte n’est que l’indice d’une présence et non d’une intention de signer, ce que montre B. Fraenkel dans l’analyse d’un cas français de 1931 (FRAENKEL, B. 1992 : 250-252). Nous trouvons un écho de ces débats sur notre terrain, où l’empreinte digitale apparaît dans certains cas comme une garantie de fiabilité, et dans d’autres comme un pis-aller pour des populations partiellement alphabétisées. Dans ce dernier cas, il faut noter que c’est l’empreinte qui est retenue et non le tracé d’une croix.

Notes
404.

Ce moment a été décrit précédemment à propos de l’état civil en 3.3.2.