3.1.3.2. Formats

Usages différenciés de l’espace du cahier

On peut poursuivre l’analyse du contenu des cahiers en s’intéressant maintenant aux dispositifs graphiques, aux formats d’écriture. Ici les cahiers apparaissent plus divers, mais des régularités sont observables du côté des pratiques qui relèvent de la composition.

Il faut signaler d’emblée que cette investigation suppose que l’on distingue des unités d’analyse, ce qui ne va pas de soi comme nous l’avons vu dans le cahier présenté au début de cette partie. Cette question se pose particulièrement dans les productions de scripteurs qui ne se conforment pas aux habitudes lettrées, comme l’ont montré S. Branca-Rosoff et N. Schneider dans leur corpus d’écrits datant de la période révolutionnaire en France (BRANCA-ROSOFF, S. & SCHNEIDER, N. 1994).

Concernant notre corpus, si les manières d’écrire, et en particulier l’usage de l’espace graphique du cahier, varient selon le capital lettré (scolaire et professionnel) du scripteur, des formes de structuration apparaissent toujours.

Certains scripteurs produisent des cahiers dont l’organisation graphique nous est familière, car ils ont incorporé des habitudes scolaires de découpage en paragraphe et de titrage - telles qu’elles ont été dégagées et analysées sur des corpus français (HUBERT, C. & HÉBRARD, J. 1979). Ainsi, Aminata Samaké, institutrice, distingue soigneusement les différentes recettes (culinaires et magiques) de son bloc-notes par des titres, qui sont centrés et isolés graphiquement par un saut de ligne avant et après ; ces titres servent davantage à séparer des unités qu’à indiquer leur contenu, comme le montre le fait que beaucoup sont des coquilles vides (« un autre », « encore »). Demba Coulibaly a également des pratiques de titrage, souvent dans la marge, comme sur le document où figure une adresse, signalée comme telle dans la marge, et entre parenthèses. Les traits de séparation sont également fréquents, comme dans la liste de formules de Hinda Coulibaly.

D’autres scripteurs, moins lettrés, comme Modou Fomba, ont un usage du cahier où la distinction des unités est moins apparente. Cependant, même dans ce cas analysé en ouverture de cette partie, nous avons dégagé des zones d’écriture qui montrent que le scripteur investit le cahier comme un espace, susceptible de structurations diverses. Nous n’avons pas dans notre corpus de cahier rempli de haut en bas sans aucune aération (dans tout le CEV, le seul texte de ce type est une feuille volante où Baïné Coulibaly copie la même ligne en arabe, sans doute un nombre de fois prescrit). On peut donc dire que l’appréhension du cahier comme un espace graphique est partagée. Un fil conducteur de cette étude des formats d’écriture est de considérer la manière dont la liste est une forme d’écriture des cahiers.