3.2.2.1. Répertoires et contextes

Répertoires : langues et graphies

De même qu’à l’oral l’analyse du code-switching suppose l’identification du répertoire plurilingue d’un individu (les langues qu’il comprend et/ou parle), l’analyse du code-switching écrit doit débuter par un repérage des langues de l’écrit et de la manière dont elles s’articulent dans un répertoire scriptural (les langues qu’un individu lit et/ou écrit). Cette expression permet de souligner que les répertoires ne sont pas nécessairement identiques à l’oral et à l’écrit.

Les langues de l’écrit disponibles sont le français, le bambara et l’arabe. Le français a une norme écrite reconnue ; il est appris dans une seule filière (l’école, les contextes d’apprentissage informels du français écrit étant dans le village d’enquête inexistants). Concernant le français, l’usage écrit de la langue repose sur une compétence linguistique, mais celle-ci peut ne pas être mise en œuvre à l’oral. Ainsi, des enquêtés déclarent lire et écrire le français et non le parler.

Le bambara quant à lui est la langue première de nos enquêtés, et à ce titre constitue la principale langue de leur répertoire oral. Comme nous l’avons vu, cette langue disposer d’une orthographe officielle, mais peut être pratiquée à l’écrit de deux manières : soit en référence à cette norme, soit dans une transcription sur le schéma orthographique français. On peut considérer que le bambara peut être présent dans un répertoire scriptural sous des formes variables.

L’arabe possède deux formes que distingue la graphie, selon qu’il est utilisé en graphie arabe ou en translittération latine. Cette langue peut être incluse dans le répertoire scriptural de locuteurs dont elle ne constitue pas une des langues d’expression orale. En effet, il peut y avoir des usages de l’arabe écrit (lecture, copie) sans recours à cette langue dans des interactions orales, ni compétence linguistique développée dans cette langue.

Le repérage de ces différentes langues de l’écrit et de leurs rapports complexes aux mêmes langues à l’oral permet de souligner qu’il faut analyser dans sa spécificité l’articulation des langues de l’écrit. Le répertoire scriptural se constitue dans des liens étroits avec le répertoire oral, mais ne se réduit pas nécessairement à un sous-ensemble de celui-ci (comme le montre le cas de l’arabe).

Les répertoires décrits ici évoluent dans des dynamiques liées à des trajectoires individuelles d’une part (les langues disponibles à l’écrit peuvent varier au cours d’une vie selon les formations, les habitudes prises etc.) et à une variation des contextes d’autre part (les langues mobilisables par un locuteur varient selon le genre du texte). Nous avons travaillé en 1ère partie sur les variations des profils individuels selon le moment de la trajectoire et selon les domaines de la pratique. Ce dernier type de variation, la variation contextuelle, peut être à nouveau abordé ici à d’autres échelles : premièrement celle du contexte immédiat d’écriture ; deuxièmement celle du genre discursif mobilisé.