Nous avons évoqué du côté des imprimés les formes du lexique ou du dictionnaire bilingue. Comme nous l’avons signalé en 2ème partie, ce dispositif apparaît dans les écrits de trois scripteurs de notre corpus, sous la forme de listes lexicales qui mettent en regard des termes de deux langues différentes (cf. supra 2.4.2.3).
En dehors de cette forme figée du lexique bilingue, des pratiques de traduction apparaissent de manière plus ponctuelle. Dans un des cahiers de Demba Coulibaly, un terme du lexique agricole français (emprunté au latin) est ainsi traduit en bambara.
‘Le Moringa = Basi yiri (Annexe 6, cahier 3, p. 12).’Sur cet exemple, on retrouve comme dans le lexique recopié par Thiémokho Coulibaly, une équivalence entre langues et graphies, le français étant écrit en cursive, le bambara en script. Le terme bambara est une expression qui signifie « arbre à couscous ». Le signe égal effectue l’opération de traduction qui est l’objet de cet énoncé (le même signe apparaît dans un des lexiques de Baïné Coulibaly).
Dans d’autres cas, la traduction apparaît en incise, entre parenthèses, avec un statut différent, celui d’une élucidation ponctuelle au sein d’un énoncé qui a un sens par ailleurs. Cet usage des parenthèses comme espace de traduction n’est pas la fonction principale des parenthèses dans notre corpus 457 . Nous l’analysons en détail plus loin, car il renvoie à l’opération de mise à distance sur laquelle nous nous arrêtons (cf. infra 0).
Dans un cas récurrent, la traduction concerne non plus un terme mais une expression : il s’agit de la traduction-conversion de dates.
On peut distinguer différents usages des parenthèses dans les cahiers donnés en Annexe 6 : chez Mamoutou Coulibaly, ce signe intervient pour isoler des items dans une énumération ; Ba Madou Sanogo généralise l’usage de la parenthèse qui veut qu’un chiffre en toutes lettres soit suivi du même chiffre en chiffres et entre parenthèses ; Dramane Coulibaly use de ce signe de différentes manières (indication de genre, d’usage, etc.) mais toujours pour indiquer une rupture énonciative. On peut donc contraster des usages conformes aux normes (ceux de Dramane Coulibaly) et d’autres usages qui nous semblent relativement aberrants par rapport aux normes lettrées (mais à prendre tout autant en compte dans une analyse de l’appropriation de l’écrit). Sur ces exemples, le profil plus ou moins scolarisé du scripteur semble décisif dans le rapport à la norme. Sur la parenthèse, nous renvoyons au travail de S. Pétillon-Boucheron qui l’analyse comme un signe de « décrochement typographique » (PÉTILLON-BOUCHERON, S. 2002).