Convertir des dates

Cet usage apparaît dans trois cahiers de notre corpus, chez des scripteurs qui ont des profils assez contrastés, ce qui suggère une relative extension de la pratique.

Ainsi, Mamadou Fomba (alphabétisé), sur la page que nous analysons en ouverture de cette partie, signale les dates de naissance en chiffres dans le calendrier grégorien, avant de donner parmi d’autres détails (le sexe et l’heure) la date dans le calendrier lunaire, introduite par cette cheville « n’obεna»[n’obεnna], qui correspond à 458 . Il garde ainsi la mémoire des deux dates dont la transposition ultérieure risque d’être difficile. La date civile est la date de naissance destinée à figurer sur tout document officiel ; la date de naissance en bambara, notamment le jour de la semaine, est une information personnelle importante, à ne pas divulguer car des pratiques magiques malveillantes sont possibles, qui prennent appui sur cette donnée.

Makan Camara et Demba Coulibaly ont une pratique plus mixte puisqu’à la différence des calendriers est associée la pluralité des langues. Chez Makan Camara, les énoncés débutent en français mais incluent une partie en bambara pour la transposition dans le calendrier lunaire (cf. Annexe 6, cahier 2, p. 3). Le mélange des langues apparaît alors induit par le double référentiel. Demba a également une pratique mixte, mais plus organisée, dans le document qui reprend le modèle du contrat entre un pasteur peul et lui (Annexe 6, cahier 3, p. 10). La transposition de la date du début du travail du pasteur intervient dans un énoncé qui débute en français. La date en bambara dans le calendrier lunaire apparaît à la ligne (avec un tiret), en graphie script ; elle semble destinée à éviter des contestations liées à une confusion de dates. Il semble que le bambara soit destiné au pasteur peul, qui se référerait à ce calendrier (dans les cahiers de Demba, il s’agit de l’unique occurrence de ce calendrier).

La traduction-transposition de la date est un phénomène plus complexe que la traduction ponctuelle d’un élément du lexique. Cependant, il s’agit toujours d’une forme relativement figée. Dans notre corpus, le document qui mêle le plus les langues dans une perspective de traduction est le cahier de Ba Madou Sanogo sur lequel nous allons nous arrêter maintenant 459 .

Notes
458.

Makan Konaté a la même pratique sur une feuille quadrillée (écrit qui ne fait pas partie du corpus des cahiers, mais sur lequel nous reviendrons dans l’analyse de l’abréviation, pour laquelle nous considérons dans un premier temps le CEV dans son ensemble (3.4.1.2.). Il juxtapose les deux dates, en allant à la ligne et en suivant une structure régulière, ce qui permet de se repérer aisément. Il liste en bambara les dates de naissance de ses enfants en donnant en premier la date dans le calendrier officiel, le calendrier grégorien, (mois, quantième, année) puis la date équivalente dans le calendrier « bambara » (mois, quantième, jour de la semaine, heure).

459.

Il s’agit de la première des six études de cas présentées dans cette partie sur les cahiers, où nous proposons une analyse de l’ensemble d’un cahier, en nous appuyant sur les éléments connus de la trajectoire du scripteur. Pour chacun de ces cas, nous donnons dans l’Annexe 6 le cahier commenté (intégralité des photos prises).