Le contexte autochtone nord-américain des années 70 et 80 fut marqué par le mouvement noir pour les droits civiques des années 60. Ce mouvement incita des minorités comme les Amérindiens, à revendiquer une identité ethnique, une indianité. Le gouvernement fédéral mit fin à sa politique d’assimilation. Il reconnut la pluralité culturelle de la société américaine et procéda à une décentralisation du pouvoir. Dans le cadre de l’Indian Self-Determination and Education Assistance Act de 1975, l’État transmit aux Conseils tribaux la responsabilité des services et des financements, auparavant pris en charge par le Bureau des Affaires Indiennes (BIA). Il reconnaissait le statut d’organisation politique tribale et la souveraineté interne aux tribus indiennes. Cette nouvelle politique ouvra le débat sur la légitimité autochtone et le droit à l’autodétermination.
Dans le Puget Sound, les tribus obtinrent de la Cour fédérale du district de Washington le droit de pêcher 50% du poisson disponible dans les territoires qu’ils leur étaient attribués par les traités (Rostkowski, 1986 : 136-145). De plus, la découverte de certains vestiges, comme ceux du villageOzette,à Neah Bay, en territoire makah en 1969 et du site suquamish Ole-Man-House en 1976, permit d’ouvrir le Makah Cultural and Research Center en 1979 et le Suquamish Museum en 1983. Enfin, l’intérêt de la société blanche pour l’art autochtone de la côte nord-ouest favorisa le développement de cet art et sa présence dans les galeries et les marchés d’art.
Toutes ces nouvelles orientations de la société américaine et des peuples autochtones annoncèrent un « renouveau indien », fondé sur la reformulation des symboles culturels appartenant à une histoire commune et sur la transmission de valeurs, des us et coutumes susceptibles de conférer aux individus le sentiment d’appartenir à une communauté et de partager une identité ethnique commune.
Au milieu des années 80, le canoë de mer devenu obsolète depuis les années 1910 sous l’effet de la politique assimilationniste du gouvernement fédéral et du progrès, fit son grand retour le long de la côte du Pacifique. En 1985, la Bank of British Columbia de Vancouver (Canada) commanda à l’artiste haida Bill Reid et à une équipe de sculpteurs skidegate 2 (cf. carte II) un canoë en cèdre de quinze mètres de long. Cette embarcation devait devenir, à la fin de l’Exposition Universelle de Vancouver de 1986 3 , la pièce centrale de la vitrine d’un nouveau bâtiment du centre ville de Vancouver. Mais la banque changea de propriétaires et ne souhaita plus garder le canoë Lootaas (Wave Eater). Il fut remis aux Skidegate qui profitèrent de cette opportunité pour raviver la culture des anciens (Lincoln, 1995 : 43-51). Les Heiltsuk de Bella Bella 4 décidèrent également de participer à ces festivités et demandèrent au maître sculpteur David Gladstone de leur fabriquer une embarcation (cf. carte II). En août 1986, l’équipage heiltsuk, sous le commandement de Frank Brown, embarqua à bord du canoë Gla’wa et arriva après des jours de navigation (643 kilomètres) au port de Vancouver (Lincoln, 1995 : 76-78).
Cette Exposition Universelle fut très médiatisée et ce fut l’occasion pour les représentants des communautés indiennes de sensibiliser le gouvernement canadien à la question des terres et des traités, de donner une certaine visibilité de leur culture et de renouer des contacts avec d’autres tribus afin de développer et renforcer une unité pan-tribale.
Carte redessinée d’après Kirk, Ruth, 1986, Tradition and change on the Northwest Coast.
La tribu skidegate des îles de la Reine Charlotte en Colombie Britannique appartient au groupe ethnique haida. Le skidegate est aussi un des dialectes de la langue haida (Duff, 1969 : 18).
L’Exposition Universelle eut lieu du 2 mai au 20 octobre 1986. Le thème était « Transportation and Communication ». Il évoquait l’arrivée des premiers voyageurs sur la côte du Pacifique et le centième anniversaire de la construction de la ville de Vancouver.
Cette tribu habite au nord de l’île de Vancouver en Colombie Britannique et appartient au groupe ethnique kwakiutl (Northern Kwakiutl). Elle parle le dialecte heiltsuk qui fait partie de la langue kwakiutl (Duff, 1969 : 20).