L’approche barthienne est qualifiée d’ « interactionnelle », de « situationnelle » et de « subjectiviste ». Elle permet d’étudier la constitution et la persistance des groupes ethniques et de leurs frontières, et de les penser dans la modernité et le changement en d’autres termes que l’assimilation et l’acculturation. Elle met en avant un processus d’identification modulable et flexible qui évolue en fonction du contexte. Cependant, cette approche est restée à un niveau dit « individuel » et « microsocial ». Barth a peu tenu compte des implications macrosociales et du niveau groupal et mésosocial de l’ethnicité. Il s’est essentiellement intéressé aux processus ethniques interpersonnels et aux acteurs individuels. Il a très peu envisagé l’action collective et le rôle de l’État dans la mobilisation et le développement de l’identité ethnique. Or les groupes ethniques, en l’occurrence ici les tribus indiennes du Puget Sound, sont considérées comme des formes d’organisations sociales et politiques résultant de l’interaction de ces communautés et de leur environnement soumis, dans le cas nord-américain, aux changements de la politique coloniale de la société dominante. Je l’ai souligné en introduction, la situation autochtone nord-américaine est très particulière car le gouvernement fédéral entretient avec les tribus indiennes une relation qui sous-tend une obligation fiduciaire et une tutelle fédérale. L’État est très présent dans la vie de ces groupes considérés comme des tribus domestiques, dépendantes. Il est donc impossible dans ce contexte singulier de comprendre les processus organisationnels par lesquels le fait ethnique est socialement reconstruit sans tenir compte des contraintes structurelles comme le rôle de l’État dans la construction de l’identité tribale. Je m’inscris donc ici dans cette problématique de la réorganisation ethnique de Joane Nagel. Cette dernière a tenu compte, tout comme Cynthia Enloe (1981), du rôle de l’État Américain dans l’explication de la mobilisation ethnique et dans le développement des identités collectives. Elle s’est intéressée à un mécanisme de réorganisation politique mais également culturelle, sociale et économique 6 de l’ethnicité que Matthew Snipp et elle (1993) appellent le « processus de réorganisation ethnique ».
Je n’aborderai pas ici la question de la réorganisation économique. Voir Nagel & Snipp (1993).