II- Le terrain et la méthode

Ma première rencontre avec les Suquamish de la réserve de Port Madison remonte à 1998. A l’époque, je préparais un mémoire de maîtrise sur le renouveau indien et je cherchais un terrain. Je connaissais depuis quelques années la ville de Seattle et je savais qu’elle portait le nom d’un des chefs les plus connus de la région de Puget Sound, le chef de la tribu suquamish. Cette tribu occupait depuis plus de 150 ans la réserve de Port Madison, sur la route 305, entre Poulsbo et l’île Bainbridge, à trente minutes en bateau de Seattle (cf. carte III).

Je pris la décision de rencontrer les habitants de Port Madison. J’étais consciente que mon statut d’étudiante en anthropologie et mon identité caucasienne allaient peut-être poser un problème. Car depuis quelques temps, l’anthropologue blanc n’était plus vraiment le bienvenu. Le spectre du colon philanthrope, paternaliste et ethnocentrique planait au dessus de sa tête et encore plus en cette période de revendication identitaire.

Cependant, les Français semblaient avoir bonne presse dans cette région. Déjà à l’époque des premiers contacts, les Indiens du Puget Sound avaient entretenu de bonnes relations avec les blancs et notamment avec les commerçants français. Le chef des Suquamish, Sealth, avait lui-même eu de bons contacts avec les Blancs et avait souhaité que sa tribu soit en bons termes avec ces derniers.

J’appris en faisant quelques recherches sur cette réserve que la tribu disposait d’un Centre tribal qui servait de lieu d’affaires, d’accueil social et culturel et dont une partie des locaux était occupée par le Suquamish Museum. L’exposition permanente de ce musée avait fait l’objet d’une exposition temporaire en 1982 en Europe et en France à Nantes, un an avant son inauguration. J’ai donc pensé que mon origine française pouvait être un atout et j’ai proposé d’être bénévole au musée pendant quelques mois.

En juin 1998, j’ai obtenu l’autorisation du directeur du musée de suivre pendant plus de trois mois, l’activité du musée, d’observer les visiteurs, de suivre les guides et de discuter avec les employés tribaux et non tribaux des différents départements du Centre, chargés d’assurer le développement économique, politique et socioculturel de la réserve.

Dans un premier temps, je présenterai le terrain de recherche, la réserve de Port Madison. Je tenterai de montrer quelles sont les caractéristiques, particularités, différences et ressemblances de ce territoire tribal par rapport aux autres réserves de la région. Puis, j’exposerai la méthode que j’ai adoptée tout au long de ces cinq années pour mener cette recherche. Je reviendrai sur mes différentes expériences de terrain, sur ma présence plus au moins longue durant ces années, sur mes rencontres et mes observations participantes.