1. Doctrine de la prédestination.

Pendant la première moitié du 17ème siècle, plus de 20000 émigrants anglais, pour la plupart chrétiens, fuirent les répressions religieuses de leur mère patrie. Ils s’installèrent en Amérique où ils établirent sur la base des principes protestants d’inspiration calviniste 57 , un premier établissement permanent en Virginie en 1607, puis un deuxième à Plymouth en 1620. Les colons cultivèrent l’ordre, l’efficacité et l’ascèse rationnelle. Ils transformèrent leur vie en travaillant dur afin de se soustraire au status naturae et parvenir au status gratiae pour la plus grande gloire de Dieu (Fath, 2000).

Les Anglais invoquèrent cette mission divine pour justifier la spoliation des terres indiennes comme ils le firent au 14ème siècle avec les Irlandais. Ils trouvaient que les Indiens ressemblaient étrangement à ces derniers. Ils étaient à l’image des Irlandais, non civilisés, oisifs, incapables de travailler pour gagner leur propre pain. C’étaient des nomades vivant dans des villages et ayant des pratiques plus proches de l’athéisme et du paganisme que du christianisme. Comme Dieu leur en avait donné la responsabilité, ils se devaient donc de les éduquer, de les civiliser et de leur apprendre à respecter et à obéir aux lois anglaises et chrétiennes (Takaki, 1993 : 26-27).

Les Européens se lancèrent dans cette mission divine en colonisant de nouveaux territoires et en civilisant les peuples autochtones. Ils établirent des chartes coloniales afin d’organiser cette colonisation. Le roi d’Angleterre, Jacques 1er, définit en 1606 dans la charte de la colonie de Virginie, les règles coloniales de la Couronne d’Angleterre :

‘« En raison de l’amour et de l’intérêt que nous portent nos Sujets (…) et de la pétition que Gentilshommes et autres ont humblement déposée afin que nous leur accordions Licence de construire et de s’installer et de cette Plantation de faire une Colonie pour gens de notre peuple en cette région de l’Amérique, communément appelée VIRGINIE, ainsi qu’en d’autres régions et territoires d’Amérique, qui nous appartiennent, ou qui sont de fait désormais la propriété d’un Prince ou d’un peuple chrétien (…). Nous, nous en félicitant grandement, acceptons gracieusement leur désir de voir aboutir une si noble tâche, laquelle permettra, si Dieu Tout Puissant le veut, de servir la Gloire de sa Divine Majesté en propageant la Religion Chrétienne parmi ces Peuples qui vivent encore dans l’Obscurité et l’Ignorance affreuse de la vraie Foi et de l’Amour de Dieu et contribuera à la longue à faire des Infidèles et des Sauvages vivant en ces contrées des êtres Civilisés placés sous la règle d’un Gouvernement paisible ; nous, par ces Lettres de Patente, acceptons gracieusement d’accéder à leur humble et bienveillant Désir » (Cité par Delanoë et Rostkowski, 2003 : 62).’

La colonisation du territoire reposa sur le droit d’occupation du sol et du découvreur (Sioui, 1989 : 145) et provoqua de nombreux conflits entre les diverses colonies anglaises, françaises et les nations indiennes encore très puissantes comme la nation iroquoise 58 . Afin de protéger ses intérêts commerciaux, le Parlement britannique de Westminster adopta le 7 octobre 1763 la proclamation royale de George III qui stipulait que pour obtenir des cessions territoriales, il fallait négocier avec les nations autochtones et obtenir leur consentement par la conclusion de traités. La politique coloniale européenne reconnaissait que les nations indiennes possédaient tous les pouvoirs d’un État souverain.

Mais face à l’instabilité territoriale et pour se libérer de la monarchie britannique et des lourds impôts et taxes qui les frappaient, les treize colonies britanniques d’Amérique du Nord firent sécession du Royaume-Uni, se réunirent en congrès et signèrent le 4 juillet 1776, la Déclaration d’indépendance des treize États-Unis d'Amérique. Les États-Unis devinrent les successeurs territoriaux du Royaume-Uni. Les nations indiennes furent soumises au pouvoir du Congrès américain. Elles perdirent leur souveraineté externe mais gardèrent leur souveraineté interne, sauf si un traité ou le Congrès en décidait autrement (Schulte-Tenckhoff, 1997 : 51).

Notes
57.

Ces principes théologiques chrétiens et protestants, élaborés par Jean Calvin, insistent particulièrement sur l’mportance de la grâce divine dans le salut, et sur les fruits de cette grâce, tant dans la vie du croyant que dans la société chrétienne. Ils reposent sur la double prédestination : être élu et recevoir la grâce.

58.

La confédération des Iroquois ou Hau-de-no-sau-nee (le peuple qui construit), ou ligue des Iroquois remonte au début du 16ème siècle. Elle était représentée par cinquante chefs de cinq nations : les Mohawks, les Oneidas, les Onondagas, les Cayugas et les Senecas. Ils étaient chargés de l’organisation, de la surveillance et de la bonne marche des affaires de leur peuple. Durant les guerres coloniales, les Iroquois jouèrent un rôle prépondérant dans le conflit entre la France et l’Angleterre. Les cinq nations se divisèrent au cours de la guerre d’indépendance (Delanoë et Rostkowski, 2003 : 103).