La colonisation de l’Ouest se fit tardivement. La première expédition coloniale dont la mission était d’inventorier les nouvelles opportunités de ce territoire encore désertique, eut lieu dans le Puget Sound en 1841 sous l’autorité du capitaine Charles Wilkes. Les colons s’installèrent ensuite progressivement et firent du commerce dans la région d’Elliott Bay. Cette installation permit aux Indiens, la situation du commerce des fourrures étant au plus bas, de continuer à faire du commerce 66 et à remplir leurs obligations communautaires. Les Indiens s’avéraient finalement moins redoutables que ceux de la littérature et du folklore américain. L’un des plus importants « chefs » du Puget Sound, Sealth, avait même la réputation d’être un homme de paix et l’ami des blancs.
Durant l’été 1850, trois colons américains, B.F. Shaw, Isaac N. Ebey et Kinsey, décidèrent de naviguer le long du Puget Sound, à la rencontre de communautés indiennes, disposées à faire du commerce. B.F. Shaw raconta dans un article publié dans Oregon Spectator, qu’ils accostèrent un petit village d’Elliott Bay et qu’en l’espace d’une seconde les Indiens accoururent, s’agglutinèrent sur la plage et les accueillirent en tirant en l’air des coups de feux. Un homme d’âge moyen, accompagné d’un jeune indien qui servait de traducteur, car cet homme ne parlait pas le chinook, s’avança vers eux et prit la parole :
‘« My name is Sealt [Sealth], and this great swarm of people that you see here are my people; they have come down here to celebrate the coming of the first run of good salmon. As the salmon are our chief food we always rejoice to see them coming early and in abundance, for that insures us a plentiful quantity of food for the coming winter. This is the reason our hearts are glad today, and so you do not want to take this wild demonstration (sic) as warlike. […] I am glad to have you come to our country, for we Indians know but little and you Boston and King George men know how to do everything. We want your blankets, your guns, axes, clothing and tobacco, and all other things that you make. We need all these things that you make, as we do not know how to make them, and so we welcome you to our country to make flour, sugar and other things that we can trade for. We wonder why three Boston men should wander so far away from home and come among so many Indians. Why are you not afraid? » 67 .’Puis Shaw ajouta qu’après ce petit discours, il dut à son tour prendre la parole et qu’ensuite ils furent tous invités par un « chef » à regarder une danse de guerre donnée en leur honneur dans la maison communautaire. Ils finirent leur soirée en prenant part à l’initiation d’un jeune homme (Shaw, 1904).
Sealth était très intéressé par une alliance commerciale avec les colons et pour créer ces futurs partenariats, il s’installa un certain temps à Olympia où il rencontra Charles Fay, un marchand de San Francisco avec lequel il créa durant l’été 1851 une pêcherie. Lorsque Fay quitta la région, Sealth rencontra un autre colon, le docteur David Maynard avec lequel il organisa en 1852 une autre pêcherie dans le villageDzidzula’lich, un village indien à l’est du rivage d’Elliott Bay (Buerge, David M.).
Puis, le docteur David Maynard décida d’étendre ses activités commerciales. Il employa quelques Suquamish et Duwamish pour couper du bois qu’il envoya par bateau à San Francisco et installa un comptoir de commerce. Les Indiens profitèrent de la présence de ce comptoir pour échanger du saumon, des baies, des praires, des fourrures contre du café, de la mélasse, des haches et des vêtements. Ils achetaient également avec l’argent qu’ils gagnaient en travaillant, des vêtements, de la quincaillerie dans le magasin du Docteur et d’un nouveau venu appelé Denny Arthur. Ce colon s’installa le long de la rivière Duwamishen septembre 1851 avec deux autres hommes Boren et Bell et leurs familles. Ce groupe sonda l’année suivante la côte d’Elliott Bay et participa à la construction de cette nouvelle colonie appelée Duwamps. Ce nom était un hommage aux Duwamish et à Seatlh (sa mère était Duwamish). Ces derniers les avaient aidés à s’établir dans cette région et à survivre durant quelques hivers en partageant leur nourriture (Boring, 1978 : 38-43). Cette colonie devint plus tard la ville de Seattle que David Maynard suggéra d’appeler Sealth en hommage à son ami indien Seatlh. Mais ce mot était difficile à prononcer et les Blancs décidèrent de l’angliciser et choisirent Seattle (Sale, 1976).
En 1853, le nombre d’indiens dans le Puget Sound diminua de plus de la moitié 68 tandis que le nombre de colons augmenta considérablement 69 et accentua les tensions avec les Indiens. Le Congrès décida de détacher cette région de l’Oregon et de l’annexer au territoire de l’État de Washington. Il chercha à contrôler les relations interraciales mais la tâche semblait plus difficile que dans l’Est car les villages étaient plus nombreux, différents et très mobiles. Les Indiens se faisaient encore la guerre. Leurs contacts et leurs manières de négocier avec les colons étaient variés : certains écoutaient les missionnaires catholiques 70 ou protestants, imitaient voire se mariaient avec les Blancs tandis que d’autres les évitaient.
Le Congrès nomma Isaac Stevens, nouveau gouverneur du territoire de Washington et le chargea de regrouper les villages indiens dans des réserves pour permettre l’installation des colons et la construction d’un chemin de fer nécessaire au développement économique de la région. Afin d’éviter des mouvements de rébellion et préparer les Indiens à composer avec l’avancée de la colonisation, Isaac Stevens proposa des négociations entre le gouvernement des États-Unis et les tribus en 1854 et 1855. Elles aboutirent à la signature de cinq traités 71 dont trois 72 dans la région du Puget Sound (cf. carte XI)
Il chercha des chefs 73 pour représenter les nouvelles organisations tribales lors de la signature de ces traités. Mais ce statut n’existait pas chez les Indiens qui pouvaient avoir dans leurs villages autant de représentants qu’il y avait de domaines d’activités : la guerre, la pêche, la chasse, la religion et les fêtes etc. Cependant, chaque village avait un riche notable très respecté, chargé d’organiser la vie des familles. Isaac Stevens pensa à ces dignitaires honorables et prestigieux comme Sealth, pour ces fonctions de chefs. Sealth (cf. photo XI) était effectivement l’un des dignitaires les plus honorés de l’un des plus importants villages du Puget Sound. De plus, il avait la réputation d’entretenir de bonnes relations avec les Blancs dont certains étaient ses amis.
Carte : Harmon, Alexandra, 1998, Indians in the making. Ethnic Relations and Indian Identities around Puget Sound.
Photo : University of Washington Libraries, Special Collections Division, Seattle, NA 1511.
Sealth devint l’un des principaux intermédiaires entre le Gouverneur et les tribus du Puget Sound lors des négociations du traité de Point Elliott durant lesquelles il fit un discours éloquent sur les relations que son peuple entretenait avec la terre 74 : « […] Every part of this country is sacred to my people. Every hillside, every valley, every plain and grove has been hallowed by some fond memory or some sad experience of my tribe […] » 75 .
Isaac Stevens prit également la parole 76 et expliqua le bien fondé de ce traité :
‘« You are not my children because you are the fruit of my loins but because you are children for whom I have the same feeling as if you were the fruit of my loins….What will a man do for his own children? He will see that they are well cared for, that they have clothes to protect them against the cold and rain, that they have food to guard them against hunger….I want you as my children to be fed and clothed and made comfortable and happy» 77 (Cité par Harmon, 1998 : 83).’Le traité était composé de quinze articles 78 , dont l’article II précisant que les terres étaient la propriété de la tribu et que les Blancs n’étaient pas autorisés à y vivre sauf si la tribu le permettait :
‘Article II. « […] All which tracts shall be set apart, and so far as necessary surveyed and marked out for their exclusive use ; nor shall any white man be permitted to reside upon the same without permission of the said tribes or bands, and of the superintendent or agent, but, if necessary for the public convenience, roads may be run through the said reserves, the Indians being compensated for any damage thereby done them » 79 .’L’article V mentionnait que la vente de ces terres n’interdisait pas l’accès aux anciens lieux de pêche et de chasse, et à toutes les autres sources de revenu et de nourriture :
‘Article V. « The right of taking fish at usual and accustomed grounds and stations is further secured to said Indians in common with the all citizens of the Territory, and of erecting temporary houses for the purpose of curing, together with the privilege of hunting and gathering roots and berries on open and unclaimed lands. Provided, however, that they shall not take shell-fish from any beds staked or cultivated by citizens » 80 .’L’article X traitait de l’interdiction de consommer et de boire de l’alcool :
‘Article X. « The above tribes and bands are desirous to exclude from their reservations the use of ardent spirits, and to prevent their people from drinking the same, and therefore it is provided that any Indian belonging to said tribe who is guilty of bringing liquor into said reservations, or who drinks liquor, may have his or her proportion of the annuities withheld from him or her for such time as the President may determine » 81 .’L’article XIV évoquait l’introduction des écoles et des médecins dans les réserves :
‘Article XIV. « The United States further agree to establish at the general agency for the district of Puget’s Sound, within on year from the ratification hereof, and to support for a period of twenty years, an agricultural and industrial school, to be free to children of the said tribes and bands in common with those of the other tribes of said district, and to provide the said school with a suitable instructor or instructors, and also to provide a smithy and carpenter’s shop, and furnish them with the necessary tools, and employ a blacksmith, carpenter, and farmer for the like term of twenty years to instruct the Indians in the respective occupations. And the United States finally agree to employ a physician to reside at the said central agency, who shall furnish medicine and advice to their sick, and shall vaccinate them; the expense of said school, shops, person employed, and medical attendance to be defrayed by the United States, and not deducted from the annuities » 82 .’Enfin, l’article XV stipulait que le traité devait être signé par les deux parties, la tribu et le représentant de l’État fédéral, et être ratifié par le Président et le Sénat des États-Unis :
‘Article XV. « This treaty shall be obligatory on the contracting parties as soon as the same shall be ratified by the President and Senate of the United States » 83 .’Certains chefs tribaux signèrent (une croix symbolisait une signature) 84 , plus ou moins en connaissance de cause, la traduction étant souvent approximative. Sealth signa ce traité en tant que chef de la tribu des Duwamish-Suquamish, Pat-Ka-Nam en tant que chef des Snoqualmoo, Snonomish, et autres tribus, Chow-Its-Hoot pour les Lummi et autres tribus, Goliah pour les Skagit et des tribus alliées. D’autres représentants, qualifiés de headmen (sous-chefs) par les officiels du gouvernement fédéral, signèrent ce document, notamment six hommes d’origine suquamish : Mis-Lo-Tche ou Wah-hehl-tchoo 85 , Sloo-Noksh-Tan ou Jim, Moo-Whah-Lad-Hu ou Jack, Too-Leh-Plan, Hoovilt-Meh-Tum, Chul-Whil-Tan, et deux d’origine duwamish : Ts’Huahntl et Now-A-Chais.
Ils cédèrent par cette signature la plupart des terres qu’ils occupaient et acceptèrent en échange, de vivre sur des petits territoires dans des réserves et de recevoir l’aide de l’État fédéral. Ce dernier promettait de verser aux tribus une compensation monétaire, d’installer des écoles et des médecins dans les réserves. Le gouvernement s’engageait à protéger leur terres et leurs droits notamment celui de chasser, pêcher et collecter des richesses dans leurs territoires ancestraux.
Le processus de tribalisation concerna une vingtaine de bandes qui se retrouvèrent affiliées à quatre réserves, la réserve de Port Madison des Suquamish, la réserve Tulalip (cf. carte XII), Lummi et Swinomish. Ces réserves furent créées par ordonnances présidentielles 86 et administrées par l’agence Tulalip qui se trouvait sous la juridiction du Bureau des Affaires Indiennes (BIA) 87 .
Carte : Volume of the U.S Office of Indian Affairs Annual Report of the Commissionner of Indian Affairs to The Secretary of Interior. University .of Washington Libraries, Special Collections, Seattle.
Le Gouverneur Isaac Stevens ne tint pas compte dans cette répartition, des particularismes culturels de ces groupes ethniques autonomes. L’importance était avant tout d’établir un minimum de réserves pour laisser la place aux colons. Il regroupa donc l’ensemble des villages de la région de Seattle dans la réserve de Port Madison, sur un territoire de 7.284 hectares, près de l’ancien village D ’suq’wub 88 . Cette réserve délimita les frontières tribales de la tribu suquamish 89 dont le chef n’était autre que Sealth. Les Duwamish se retrouvèrent affiliés aux Suquamish alors qu’ils souhaitaient restés vivre près des rivières Duwamish, Black et Green. Ils perdirent leurs territoires de pêche, de chasse et de collecte comme bon nombre de groupes ainsi qu’une partie de leur culture puisque cette dernière était en étroite relation avec toutes ces activités et ces territoires. Néanmoins, ceux qui s’installèrent à Port Madison retrouvèrent des parents, car ces bandes étaient liées depuis toujours (Schweabe comme Sealth avaient épousé une femme d’origine duwamish). De plus, les Duwamish avaient déjà vécu à certaines périodes dans ce territoire. Les Suquamish et les Duwamish avaient la chance, contrairement aux Snoqualmie, Snohomish, Skagit, Suiattle, Samish et Stillaguamish regroupés dans la réserve tulalip 90 , dans la région snohomish, de continuer à occuper un territoire, certes restreint mais ancestral.
Toutes n’avaient pas le statut de Recognized Tribes , de « tribus domestiques, dépendantes ». Certaines étaient considérés comme des L andless Tribes, des tribus sans terre, car elles avaient soit signé le traité mais avaient été affiliées à d’autres tribus et n’avaient pas leur propre territoire, ou avaient refusé de signer et avaient perdu leurs terres (Porter III, 1947 : 37). Certaines d’entre elles, comme les Samish, Skykomish et les Snoqualmie 91 ont obtenu au milieu des années 90, le statut de Recognized Tribes et ont, depuis, accès à tous les droits stipulés dans le traité. Cependant, elles ne possèdent toujours pas de territoire. Quant aux Duwamish et Steilacoom, ils continuent de se battre pour obtenir cette reconnaissance et tout ce qui en découle : le territoire et les droits tribaux.
Les Recognized Tribes, d’après le traité, possédaient un territoire, des droits tribaux et bénéficiaient des aides gouvernementales. Mais l’État fédéral ignora ces clauses pendant plus quatre ans. Le traité n’ayant été ratifié par le Sénat que le 8 mars 1859 et proclamé par le président des États-Unis, le 11 avril 1859. Les réserves étaient très pauvres, inhabitables et non cultivables. Les Indiens continuaient à pêcher et chasser pour se nourrir et survivre. Ils vendaient une partie de leur pêche aux habitants des villes. D’autres, comme les Nisqually 92 , prirent les armes et furent à l’origine de la guerre dans le Puget Sound de 1855-1856. Le gouvernement fédéral anéantit la rébellion en brûlant les villages et en forçant les familles et les bandes à rejoindre les réserves surpeuplées.
Les tribus signataires durent attendre 1861, deux ans après la ratification du traité par le Congrès, pour bénéficier des premiers paiements prévus lors de la signature. Les premiers services et biens furent distribués aux Duwamish et Suquamish, installés dans la réserve de Port Madison. Cette initiative encouragea des Landless Tribes à prendre part à ce traité alors que d’autres profitèrent de l’occasion pour réclamer les terres que le gouvernement leur avait promis.
Mais comme le rappelle George Emerson, dans le livre Courage to Follow the Vision. The Journey of Lyle Emerson George,
‘« The treaty promised the Indians that they would be given land that would always be theirs…land that they could call their own…the government would own it, but it was theirs. The treaty promised to provide educational benefits and health care. The treaty also promised harvesting rights on their usual and accustomed hunting grounds. All of these promises were made in exchange for ceding all rights to thousands of acres of pristine territory…territory that had provided the Indians with subsistence for countless generations. The Federal Government promised that for each acre the Indians ceded, or signed over to the government, a fee of ten cents would be paid…ten acres for a buck! The Indians were unable to comprehend an offer of money in exchange for land. To the Indians the land, like the wind, the sun, or the seasons, was not something that could be owned. […]. Congress ratified the treaties, but the money was never appropriated » 93 (Wilson, 2002 : 13-14).’Avec la fin de la guerre civile américaine, l’expansion nationale et l’arrivée dans l’Ouest du chemin de fer, le nombre de nouveaux immigrants (Américains, Chinois, Irlandais) à l’Est des montagnes Cascades augmenta. Les Indiens adoptèrent de nouvelles stratégies économiques et sociales en travaillant dans les moulins, les mines, les scieries et les fermes.
La domination américaine semblait assurée. Les officiels mettaient systématiquement en avant leur statut de « gardien de pupille » pour justifier leurs méthodes de socialisation. Ils étaient persuadés que le gouvernement devait jouer un rôle de tuteur pour aider les Indiens à devenir de bons citoyens américains. Mais la plupart des réformateurs pensaient que ce paternalisme n’était pas suffisant et qu’il fallait une politique plus radicale qui mettrait fin à la politique des traités.
En 1873, le superintendant du Puget Sound, R H. Milroy proposa de donner des parcelles de terre aux Indiens afin de développer chez eux un intérêt pour la propriété individuelle et les éloigner de leur attachement communautaire, qui, paradoxalement était maintenu voire renforcé par le système tribal des réserves. Il pensait que leur donner l’occasion d’être propriétaire d’une terre sur laquelle ils pouvaient mettre leur maison, leur permettrait de voir ce que pouvait leur apporter la civilisation. Mais cette méthode coercitive ne fonctionna pas car la situation dans le Puget Sound était un peu différente de la situation dans l’Est. Les traités assuraient aux Indiens le droit de travailler et de collecter de la nourriture en dehors des réserves. Cette mobilité leur permettait de trouver des alternatives à la médiocrité des terres et à l’inefficacité des services du Bureau des Affaires Indiennes. Les officiels étaient d’ailleurs surpris de voir que les Indiens dans le Puget Sound étaient de remarquables et d’habiles travailleurs. Gardner, un inspecteur de terrain raconta en 1890 :
‘« These Indians are workers and not lazy or leading lives of idleness and dependency. Numbers of them are working in the woods, and at the various saw mills on the Sound, and as they are good workers they receive the same compensation as white laborers. […] Their greatest source of revenue is from fish which they obtain in large quantities, and utilise for home consumptions and sale to canneries and individuals. These Indians are apparently well to do. They dress well, have an abundance to eat, and the majority of them have more or less money » 94 (Cité par Harmon, 1998 : 169).’Quant à l’agent indien de l’agence Tulalip, Daniel C. Govan, il nota que les Indiens du Puget Sound n’étaient pas systématiquement des agriculteurs. Certains avaient certes réussi dans l’agriculture et vivaient dans des maisons, mais une grande majorité continuait à pratiquer des activités traditionnelles de subsistance comme la pêche, la collecte et la chasse (cf. photo XII). Il écrivit d’ailleurs dans son rapport annuel de 1895 :
‘« A large majority spend most of their time in the canoes fishing, especially during the salmon season. In the summer time they are absent most of the time picking berries. In the Early fall, with few exceptions, all, little and big, young and old, go to the hop fields, where they meet old friends from all over the Sound, and east of the mountains ; here they drink, gamble, and, as they say, have a good time generally[…] » 95 (cité par Porter III, 1947 : 44).’
Photo : University of Washington Libraries, Special Collections Division, Seattle, NA 698.
En définitive, les anglais et les différents gouvernements coloniaux signèrent 175 traités entre 1607 et 1776 et le gouvernement des États-Unis ratifia 367 traités de 1778 à 1871. La politique des traités, certes, obligea les Indiens à s’installer dans des réserves, à abandonner leurs villages, leurs maisons communautaires et à concéder des territoires ancestraux. Mais elle leur garantit aussi, paradoxalement, des droits de pêche, de chasse et de collecte en dehors des réserves, dans les territoires ancestraux. Elle leur permit indirectement de survivre et de continuer une vie semi-nomade indispensable à leur développement social et culturel. Le système des réserves leur assura des frontières territoriales, même restreintes et leur permit d’établir de nouvelles frontières ethniques, sources d’unités tribales. Il ne fut à cette période qu’un instrument de la politique coloniale. Il ne servait qu’à gérer la colonisation de ces nouveaux territoires et correspondait à la première phase du processus de tribalisation envisagé par le gouvernement américain.
Les femmes indiennes vendaient du poisson, des praires, des pommes de terre et des fruits aux familles américaines.
Shaw, B. F., [1904*], My First Reception in Seattle, Transcribed verbatim from an undated newspaper clipping in the Clarence Bagley papers, Box 17, Folder 8, ACC. 36, Site of Digital Collection. Special Collection, University of Washington Libraries, [En ligne], http : //content.lib-washington.edu/ aipnw/my_first_reception_speech.html, (consulté le 5 juin 2006). Voir l’article : annexe I « Mon nom est Sealt, et cette foule que vous voyez ici, c’est mon peuple ; ils sont ici pour célébrer le retour du saumon. Car les saumons sont notre nourriture de base et nous nous réjouissons toujours de les voir revenir en abondance, car ils nous assurent une quantité abondante de nourriture pour le prochain hiver. C’est la raison pour laquelle nous sommes heureux aujourd’hui, aussi ne prenez pas cette démonstration sauvage (sic) comme un acte guerrier. Je suis heureux de votre présence dans notre pays, parce que, nous Indiens, savons mais peu, tandis que vous, les hommes de Boston et du roi George, savez tout faire. Nous voulons vos couvertures, vos pistolets, haches, vêtements et votre tabac, et toutes les autres choses que vous faites. Nous avons besoin de toutes ces choses que vous faites, car nous ne savons pas les faire, donc nous vous accueillons dans notre pays pour que vous fassiez de la farine, du sucre et d’autres choses que nous pourrons échanger. Nous nous demandons pourquoi trois hommes de Boston doivent errer jusqu’ici loin de leur maison et viennent parmi tant d’Indiens. Pourquoi n’avez-vous pas peur ? ».
En 1850, la population indienne du Puget Sound était estimée à 5000. Handbook of North American Indians, Vol.7, Washington, Smithsonian Institution, p. 501.
Les colons étaient environ 1000 en 1852 et 2000 en 1853 soit le double (Harmon, 1998 : 67).
Sealth s’était converti au catholicisme ainsi que Jacob, un autre leader suquamish devenu le représentant des Indiens catholiques. Jacob fut à l’origine de la construction de la première église catholique dans le village Suquamish. Buerge, David M., « Chief Seattle and Chief Joseph: From Indians to Icons », Essay, Site of Digital Collections, Special Collections, University of Washington Libraries, Seattle, [En ligne], htpp://www.content.lib.washington.edu.
Le traité de Point Elliott, Point no Point, Medecine Creek, Neah Bay et Quinault River.
Le traité de Medecine Creekconcernait les résidents du Sud. Il fut signé durant Noël 1854. Le traité de Point No Point fut signé en 1855 par les Indiens du détroit de Juan de Fuca et Hood Canal. Enfin, le traité de Point Elliott fut signé le 22 janvier 1855 près de Mukilteo. Il concernait les Suquamish, les Duwamish et leurs alliés comme les Lummi, les Swinomish, les Snohomishou encore les Skagit.
J’enlève désormais les « » car avec la création des réserves et la formation des tribus, le chef devient le référent dans les relations entre l’administration coloniale et les Indiens. Ces derniers ont adopté ce statut et la structure politique qui lui est associée afin d’assurer leur survie.
Voir annexe II: discours, publié dans le Seattle Sunday Star, le 29 octobre 1887 sous le titre : Chief Seattle’s Speech, 1854.
« Chaque parcelle de cette terre est sacrée pour mon peuple. Chaque coteau, chaque vallée, chaque plaine et plantation ont été marqués par le souvenir et l’expérience de mon peuple. »
Un traducteur était présent lors de la signature de ces traités pour traduire en chinook ou en lushootseed les propos des administrateurs. Cependant certaines conceptions, comme « l’aliénation des terres », étaient complètement étrangères au monde autochtone et il était difficile de les traduire et de les expliquer. Car comme le rappela Sealth lors de son discours : « […] la terre est la mère de l’homme rouge. Nous sommes une partie de la terre, et elle fait partie de nous ». De plus, le chinook était surtout utilisé lors des échanges commerciaux et était limité à une centaine de mots. Il fut donc difficile durant les négociations de traduire le contenu exact du traité. Ceci créa des confusions et des incompréhensions qui sont aujourd’hui débattues et mises en avant par les tribus dans les tribunaux.
« Vous n’êtes pas mes enfants parce que vous n’êtes pas de mon sang mais je vous considère comme si vous étiez mes propres enfants…Que fera un homme pour ses propres enfants ? Il fera attention à ce qu’ils soient en bonne santé, qu’ils aient des vêtements pour se protéger du froid et de la pluie, et qu’ils aient de la nourriture pour ne pas mourir de faim…Je veux que vous soyiez comme mes propres enfants, nourris, habillés et heureux. »
Voir annexe III. Traité de Point Elliott. Treaty between the United States and the Dwamish, Suquamish, and other Allied and Subordinate Tribes of Indians in Washington Territory, January 22, 1855. Ratified April 11, 1859, Facsimile Reproduction 1966, Seattle, Washington.
« Toutes ces résidences devront être mises à part, et, si cela est nécessaire, passées en revue et délimitées à leur usage exclusif; tout homme blanc ne sera autorisé à résider sur ces terres qu’avec la permission des dites tribus ou bandes, du surveillant ou de l’agent, mais, si cela est nécessaire pour l’intérêt public, des routes peuvent être construites sur lesdites réserves, les Indiens étant dédommagés pour tous les préjudices qu’ils peuvent subir. »
« Le droit de prendre des poissons dans les zones habituelles et coutumières, est assuré pour lesdits Indiens comme pour tous les citoyens du territoire. Ils ont ainsi le droit d’ériger des maisons provisoires pour le besoin de ces activités, avec le privilège de la chasse et de la collecte des racines et des baies sur les terres non occupées et non-réclamées. Cependant, ils ne doivent pas prendre les mollusques et les crustacés dans les lieux habités et cultivés par les citoyens sur lesquels ces derniers ont des droits. »
« Les tribus et les bandes ci-dessus sont désireuses d’exclure de leurs réserves l’utilisation des esprits ardents, et d’éviter que leur peuple touche à l’alcool, et ceci signifie que tout Indien, membre de ladite tribu et qui est coupable d'introduire une boisson alcoolisée dans lesdites réserves, ou qui boit une boisson alcoolisée, se verra refuser ses annuités sur une période que le président aura établi. »
« Les États-Unis sont d’accord pour établir l’agence générale pour le district du Puget Sound, dans l’année de la ratification, et de soutenir pour une période de vingt ans, une école agricole et industrielle, ouverte aux enfants desdites tribus et bandes en commun avec les autres tribus dudit district, et de procurer à ladite école un instructeur ou des instructeurs, de fournir également une forge et un magasin de charpentier, leur donner les outils nécessaires, employer un forgeron, un charpentier, et un fermier pour une période de vingt ans durant lesquelles les Indiens seront initiés à ces métiers. Et les États-Unis acceptent finalement d’employer un médecin pour résider à ladite agence centrale, qui fournira soin et conseil à ces malades, et devra les vacciner ; les dépenses de ladite école, des magasins, des personnes employées, et de l’assistance médicale doivent être assurées par les États-Unis, et ne pas être déduites des rentes. »
« Ce traité doit être respecté par les parties contractantes à la minute où il est obligatoirement ratifié par le Président et le Sénat des États-Unis. »
Voir en annexe III. Traité de Point Elliott.
Wah-hehl-tchoo devint à la mort de Sealth en 1866 et jusqu'à 1910 le nouveau et dernier chef indien suquamish. Car le fils de ce dernier n’avait pas les compétences requises pour succéder à son père.
Dix-sept réserves furent crées par ordonnances présidentielles dans l’État de Washington. Elles étaient sous l’autorité de trois agences locales qui dépendaient de la juridiction du Bureau des Affaires Indiennes (BIA). Quatre réserves étaient sous la juridiction de l’agence Neah Bay, neuf sous l’agence Puyallup et les quatre autres sous l’agence Tulalip (Porter III, 1947 : 33-34).
Le département de la Guerre créa en 1824 un appareil administratif, le Bureau des Affaires Indiennes (Bureau of Indian Affairs (BIA)) dont le rôle était d’appliquer la législation de la politique indienne promulguée par le Congrès. Dès 1848, il fut intégré au Département de l’Intérieur pour centraliser toutes les Affaires Indiennes au sein d’une agence.
Certaines familles refusèrent ce regroupement et retournèrent vivre dans leur village.
Isaac Stevens donna à cette tribu le nom de l’ancien village de Sealth. Suquamish est la traduction de D ’suq’wub en anglais.
Le mot tulalip vient de dx w lilap qui était le nom de la baie où le gouvernement avait décidé de placer la réserve.
Voir Corsaletti, Louis T. & Reang, Putsata, August 23, 1997, « Snoqualmies a tribe again », The Seattle Times, A1-A8.
Les Nisqually menèrent, sous l’autorité de Leschi, leur chef de guerre, des raids contre la population blanche et participèrent à bataille de Seattle, le 26 janvier 1856.
« Le traité a promis aux Indiens des terres qui seraient toujours à eux... des terres qu’ils pourraient appeler leurs terres...le gouvernement les posséderait, mais elles seraient à eux. Le traité a promis de mettre des médecins et des écoles dans les réserves. Le traité a promis également un ensemble de droits sur les territoires de chasse ancestraux. Toutes ces promesses ont été faites en échange de droits sur des milliers d’hectares de territoire... territoire qui avait fourni aux Indiens les ressources indispensables à la survie d’innombrables générations. Le gouvernement fédéral a promis que pour chaque hectare cédé par écrit par les Indiens au gouvernement, des honoraires de dix cents seraient payés...cinq hectares pour un dollar ! Les Indiens n’étaient pas en mesure de comprendre une offre en argent en échange de la terre. Pour les Indiens la terre, comme le vent, le soleil, ou les saisons, n’était pas quelque chose qui pouvait être possédée. […]. Le Congrès a ratifié les traités, mais l’argent n’a jamais été à la hauteur du préjudice. »
« Ces Indiens sont des travailleurs et non des paresseux, ils ne sont pas dépendants et oisifs. Nombres d’entre eux travaillent dans les bois, et dans diverses scieries, et comme ce sont de bons ouvriers, ils reçoivent la même compensation que les travailleurs blancs [...] leur plus grande source de revenu provient du poisson qu’ils pêchent en grande quantité, qu’ils consomment et vendent aux conserveries et aux particuliers. Ces Indiens s’en sortent apparemment bien. Ils s’habillent bien, ont suffisamment à manger, et la plupart d’entre eux ont plus ou moins d'argent. »
« Une grande majorité passe la majeure partie de son temps dans les canoës de pêche, particulièrement pendant la saison du saumon. Les Indiens passent tout l’été à collecter des baies. Au début de l’automne, tous, à quelques exceptions près, petits ou grands, jeunes ou vieux, vont dans les champs de houblon où ils rencontrent de vieux amis des environs, et de l’est des montagnes ; ils boivent, jouent, et, comme ils disent, passent du bon temps généralement […]. »