Cette organisation créée en 1961, réclama la suppression du Bureau des Affaires Indiennes et demanda un versement direct sans intermédiaire des fonds prévus aux tribus (Rostkowski, 1986 : 111-119). Elle lutta pour préserver les « droits spéciaux » des Indiens, la souveraineté des tribus reconnues par les traités et participa au débat concernant le droit de pêche des Indiens du Puget Sound en organisant en 1964 dans l’État de Washington et de l’Oregon des fish-in 125 .
En 1855, le Gouverneur de l’État de Washington, Isaac Stevens avait assuré aux Indiens lors de la signature du traité de Point Elliott, un territoire, des aides fédérales et le droit de continuer à pêcher et à chasser sur les territoires ancestraux. Les Lushootseed continuèrent à pêcher aux filets et dans tous les endroits où ils avaient l’habitude de prendre du poisson avant la colonisation. Mais les Blancs contestèrent ce droit et l’État de Washington finit par reconnaître que dans ce traité, le gouvernement n’avait pas clairement délimité les zones de pêche et n’avait pas traité de la question de la pêche au filet. Les Indiens contestèrent et continuèrent d’utiliser cette technique et en 1964 un groupe de pêcheurs de plusieurs tribus fut arrêté et le matériel confisqué. La presse s’empara de l’affaire et la médiatisa à tel point que l’on décela une certaine sympathie de l’opinion publique qui encouragea les fish-in des années suivantes. Les tensions s’amplifièrent en 1968 lorsque la Cour suprême donna raison aux autorités locales en se basant sur le fait que le traité assurait certes ce droit mais ne délimitait pas les territoires de pêche et ne se prononçait pas sur l’usage du filet. Il fallut attendre 1974 et la décision du Juge George Boldt de la cour fédérale 126 . Le Juge précisa qu’aucune décision de justice ou acte du Congrès n’avait annulé les conditions contenues dans les traités signés avec les Indiens de l’État de Washington. Autrement dit l’article V du traité du Point Elliott restait valide :
‘« The right of taking fish at usual and accustomed grounds and stations is further secured to said Indians in common with the all citizens of the Territory, and of erecting temporary houses for the purpose of curing, together with the privilege of hunting and gathering roots and berries on open and unclaimed lands. Provided, however, that they shall not take shell-fish from any beds staked or cultivated by citizens » 127 .’Les Suquamish se sont donc vus accorder en avril 1975, le droit de pêcher dans la zone prévue par le traité de Point Elliott. Cette zone était désormais clairement délimitée par l’Usual and Accustomed Fishing Places (U&A) 128 (cf. carte XIII). L’État de Washington fut dans l’obligation de réglementer les pêcheurs blancs pour que la moitié des poissons migrateurs, comme le saumon, puisse atteindre l’Usual and Accustomed Fishing Place. Enfin, suite à ce jugement fut créée la même année, la Northwest Indian Fisheries Commission (NWIFC) dont la fonction était de développer des programmes de gestion de l’environnement et de s’assurer que la décision du Juge George Boldt était appliquée et respectée (Harmon, 1998 : 218-244).
La cour fédérale ne régla pas toutes les questions concernant le droit de pêche (quotas, permis, filets…). Mais elle permit de reconnaître la validité des traités et des droits des Indiens et une visibilité des tribus sur le plan national voire international. L’opinion publique fut plus sensible à la question indienne, les tribus devinrent de plus en plus organisées et le gouvernement fédéral dut désormais tenir compte de leurs opinions avant de prendre des décisions afin d’éviter les conflits et les cours fédérales.
La société américaine prit conscience de sa diversité ethnique et des problèmes de ses groupes défavorisés. Certains réformistes proposèrent de mettre en place des politiques préférentielles (affirmative action) car note Denis Lacorne « […] : puisque le rêve américain leur était interdit, il fallait, prétendirent certains réformistes, leur accorder des droits spéciaux, et même des passe-droits ou des privilèges, pour leur permettre de rattraper leur « retard » » (1997 : 10).
Ces « droits spéciaux », les tribus indiennes en bénéficiaient depuis la politique des traités. Ils relevaient de la relation fiduciaire qu’il y avait entre les nations indiennes et le gouvernement fédéral. C’est une des raisons pour lesquelles le mouvement activiste indien décida de prendre ses distances avec le mouvement noir dont il partageait certaines valeurs comme le retour aux traditions, le droit à la différence et à l’autodétermination mais dont l’histoire avec l’État américain était trop différente et éloignée de celle des Noirs pour pouvoir envisager une fusion.
Carte : United States v. Washington No.5 Order, April 18, 1975.
Les fish-in consistaient à pêcher dans des lieux interdits par le gouvernement mais reconnus par les traités. Cette méthode fut empruntée au Pouvoir noir. Ce dernier utilisait la technique des sit-in pour faire pression sur le gouvernement. Les Indiens du Puget Sound adaptèrent cette technique à leurs besoins et créèrent sur la base des sit-in noirs, les fish-in indiens.
Consulter A Report of the United States Commission on Civil Rights, June 1981, « Indian Tribes. A continuing Quest for survival », U.S Commission on Civil Rights , p.p. 61-100.
« Le droit de prendre des poissons dans les zones habituelles et occupées par les ancêtres, est assuré pour lesdits Indiens comme pour tous les citoyens du territoire, ainsi que le droit d’ériger des maisons provisoires pour le besoin de ces activités, avec le privilège de la chasse, de la collecte des racines et des baies sur les terres non occupées et non réclamées. Cependant, ils ne doivent pas prendre les mollusques et les crustacés dans les lieux habités et cultivés par les citoyens sur lesquels ces derniers ont des droits. »
Elle correspond pour les Suquamish au territoire qui comprend le comté de Mason, Kitsap, Island et San Juan.