L’autodétermination (self-determination) et la souveraineté (sovereignty) sont deux concepts problématiques pour les Indiens, dans la mesure où ces derniers ont une relation complexe d’interdépendance avec le gouvernement fédéral. En droit international, précise Umozurike Oji (1972) la self-determination est définie comme :
‘« the right of all peoples to determine their political future and freely pursue their economic, social, and cultural development- [and that it should]…operate both externally and internally to ensure democratic government and the absence of internal or external domination » 132 (cité par Senese, 1991 : xxi).’Quant à la sovereignty, elle est d’après Peter d’Errico, un concept qui « provided state power with an « inside » and an « outside ». States claimed supreme power inside what they called their « domestic » realms and defined other states realms as « outside » 133 (1997 : 7).
Or les nations indiennes sont depuis la signature des traités considérées par le gouvernement fédéral comme des « domestic, dependent tribes », des tribus sous tutelle fédérale, souveraines mais seulement à l’intérieur de leur territoire. Elles ne sont plus des nations et encore moins des États, leur souveraineté est limitée à leur « domestic realms ». Mais, cette autonomie interne n’a jamais été réellement considérée, si ce n’est lors de l’adoption en 1934 de l’Indian Reorganization Act. Cette loi favorisa la création de structures politiques tribales, de Conseils tribaux et de Constitutions tribales. Elle reconnut et accorda aux tribus une forme moderne d’autonomie gouvernementale (self-governance) au sein du système de gouvernement américain. Mais, le fonctionnement de ces Conseils tribaux dépendait du BIA. On était donc très loin d’une autonomie administrative. De plus, le gouvernement fédéral ne reconnaissait aux Conseils tribaux qu’une autorité interne, on était là aussi très loin de l’autodétermination.
Il fallut en fait attendre 1975 et cette nouvelle phase du processus de tribalisation, l’ Indian Self-Determination and Education Assistance Act, pour pouvoir véritablement entendre parler de self-determination ou plutôt -car c’est véritablement de cela qu’il s’agit quand le gouvernement fédéral aborde la question de l’autodétermination des peuples autochtones- de self-governance. D’ailleurs, la quantité de termes pour définir ce concept : « autonomie restreinte », « autonomie interne », « autonomie administrative », « autonomie gouvernementale », « quasi-souveraineté » est conséquente et illustre une fois de plus la complexité des relations des tribus avec le gouvernement fédéral et l’instabilité de la législation en matière de politique indienne.
L’arrivée au pouvoir en 1961 de John Kennedy entraîna la fin mais pas l’abrogation de l’application de la Résolution 108. Toutefois, sous la pression de certaines tribus 134 qui refusaient de se soumettre à cette ordonnance, le gouvernement de Lyndon B. Jackson proposa en 1963 une nouvelle politique pour remplacer la suppression du statut fédéral par une autonomie tribale et par des programmes d’auto-assistance et d’auto-développement des réserves. A la fin de son mandat, le Président mit en place le National Council on Indian Opportunity (NCIO), un corps institutionnel, établi pour permettre la participation des représentants indiens à la prise de décisions du gouvernement américain en matière de politique indienne 135 .
Cette politique fut effective au début des années 1970 lorsque l’administration Nixon réclama l’autodétermination des peuples autochtones et le maintien de la relation de type fiduciaire sur les terres indiennes. L’autodétermination devint l’objectif de la politique officielle du gouvernement américain à l’égard des Amérindiens et Richard Nixon le fit savoir au Congrès lors d’un message spécial, le 8 juillet 1970 :
‘« Les Premiers Américains, les Indiens, constituent la minorité la plus démunie et la plus isolée de notre nation; […] Nous devons commencer à agir sur la base de ce que les Indiens eux-mêmes nous disent depuis longtemps. L’heure est venue de rompre définitivement avec le passé et de créer les conditions pour une ère nouvelle dans laquelle l’avenir des Indiens sera déterminé par leurs actes et leurs décisions. […] Tel doit donc être l’objectif de toute nouvelle politique nationale envers les Indiens : renforcer le sens qu’a l’Indien de son autonomie sans pour autant menacer son sens communautaire. […] Et faire clairement savoir que les Indiens peuvent devenir indépendants du contrôle fédéral sans que le Fédéral renonce à les soutenir et à les aider. […] Au lieu d’une longue liste de réformes au coup par coup, nous suggérons une stratégie nouvelle et cohérente […], non pas plus d’argent mais de l’argent mieux dépensé. […] Nous en avons conclu que la meilleure façon de décider de programmes pour les Indiens, ou de dépenser l’argent public c’est d’en donner la responsabilité à ceux que ces programmes affectent directement. […] Il s’agit d’une relation nouvelle et équilibrée entre les États-Unis et les Premiers Américains […] » (Cité par Delanoë & Rostkowski, 2003 : 342-343). ’L’ère de l’assimilation prit fin et laissa la place à une ère de la décentralisation du pouvoir et de l’autodétermination administrative. Les Indiens retrouvèrent cette relation d’égal à égal avec le gouvernement fédéral grâce à la mise en place d’un ensemble de lois 136 et en particulier à l’ Indian Self-Determination and Education Assistance Act de 1975 137 .
« le droit de tous les peuples de déterminer leur futur politique et de poursuivre librement leur développement économique, social, et culturel [ et cela devrait]... fonctionner extérieurement et intérieurement pour assurer le gouvernement démocratique et l’absence de la domination interne ou externe. »
« Donne à l’État un pouvoir à l’ « intérieur » et à l’ « extérieur ». Les États ont revendiqué un pouvoir suprême à l’intérieur, cet « intérieur qu’ils ont appelé leurs royaumes « domestiques » et à l’ « extérieur » qu’ils ont défini comme les royaumes des autres États. »
En octobre 1966, la tribu des Quinault tenta de soustraire à la Résolution 108.
Trois ans auparavant, le Président nomma un Indien, Robert Lafollette Bennett au poste de Commissaire des Affaires Indiennes.
Voir liste en annexe IV (Nagel, 1996 : 218).
Les informations concernant l’autonomie des gouvernements tribaux proviennent des Affaires Indiennes et du Nord Canada, « Les Indiens des États-Unis », Site des Affaires Indiennes et du Nord Canada, mise à jour 15 mars 2005, [En ligne], http://www.ain-inac.gc.ca , (consulté le 7 février 2007).