Tandis que les tribus du Puget Sound réactivaient le canoë, ce « latent symbol » de la « historic culture » (Harkin, 1997), les Heiltsuk de la Colombie Britannique, sous l’impulsion d’un jeune homme, Frank Brown, planifiaient et organisaient en 1986, un voyage en canoë, du village Waglisla (réserve de Bella Bella) à Vancouver où devait se dérouler l’exposition universelle « Transportation and Communication ». Frank Brown 173 souhaitait réactiver et réinterpréter le canoë dans le cadre d’un voyage afin de raviver la culture des anciens, de tisser des liens intertribaux et de construire une unité pan-tribale pour défendre les droits tribaux. Pour Frank Brown le « canoe can be seen. It represents our vision. A people without a vision will perish » 174 (cité par Lincoln, 1995 : 74).
Les Heiltsuk confectionnèrent le Glwa, un canoë de 12 mètres qu’ils baptisèrent en juillet 1986, la veille du départ pour Vancouver. Durant le voyage de plus de 644 kilomètres, l’équipage s’arrêta dans plusieurs réserves pour se restaurer et partager quelques danses et chants « traditionnels ». L’arrivée à Vancouver fut un moment important de ce voyage. Les Heiltsuk furent accueillis par tous les chefs salish de la région. Cette cérémonie de bienvenue fut l’occasion, en cette période de revendication identitaire, de rappeler aux élus que la ville de Vancouver occupait un territoire indien, de parler publiquement de ces griefs envers le gouvernement, de nouer et renouer des contacts avec d’autres tribus et de donner aux médias une image positive et traditionnelle de la culture indienne (Harkin, 1997) et (Lincoln, 1995).
A l’âge de 14 ans, Frank Brown eut des problèmes avec la justice. Sa tribu proposa au juge pour enfant une alternative plus traditionnelle à sa détention. Par le passé, les jeunes étaient envoyés seuls, quelques jours, quelques semaines, en forêt à la recherche de leur esprit gardien. Ce rite de passage leur permettait de se purifier, d’acquérir une certaine confiance et une autonomie. Frank se retrouva seul pendant plus de huit mois sur une île de la Colombie Britannique. Cette expérience changea sa vie et ses engagements et en particulier ce jour, où il vit dans l’une de ses visions, le canoë de mer de son aïeul. Depuis, il se consacre à sa tribu, à sa culture et au retour du canoë sur la côte du Pacifique.
« Le canoë peut être vu [à nouveau le long de la côte du Pacifique]. Il représente notre vision. Un peuple sans vision mourra. »