Les Quileute, furent comme les Heiltsuk au Canada, à l’origine du premier voyage en mer dans l’État de Washington. Ils décidèrent en 1988 de sculpter un canoë de voyage de 17 mètres de long et de l’utiliser pour rejoindre la Ole Man House 178 suquamish le 19 juillet 1989. Ils envisageaient après un voyage en mer de deux semaines de rester deux jours sur la réserve de Port Madison avant de rejoindre en canoë le parc Golden Gardens dans la baie Shilshole, ancien territoire des Duwamish, à Seattle. Ils proposèrent aux autres groupes de prendre part à ce périple intitulé Paddle to Seattle. Onze tribus acceptèrent le défi et se préparèrent chacune à leur manière, en fonction de leurs connaissances et des moyens financiers dont elles disposaient. Certaines décidèrent de fabriquer des canoës en cèdre comme les tribus tulalip, quinault, s’klallam et samish.
Les Samish, qui n’avaient pas sculpté de canoë depuis plus de trente ans, envisagèrent dès 1986 de construire un canoë de style salish. Les Tulalip avaient quant à eux, une embarcation de style nootkan de 10,66 mètres qui appartenait à leur ancien chef Shelton. Mais la coque était trop fragile et abîmée. Leur Conseil tribal demanda donc à Jerry Jones et à son apprenti Joe Gobin, tous deux membres tribaux, de fabriquer 179 un autre canoë. Les deux hommes consultèrent Bill Holm et passèrent du temps au Burke Museum à observer un canoë kwagiulth de 13 mètres de long afin de se remémorer et s’approprier les procédés techniques de la sculpture. Le 3 juin 1989, la tribu mit à l’eau le nouveau canoë et invita Bill Holm à prendre la place d’honneur, celle du capitaine (Lincoln, 1995 : 93-104).
Les S’Klallam de Port Gamble réalisèrent dans un premier temps, en collaboration avec Duane Pasco, deux canoës de style salish de 4,87 mètres. Puis, un troisième canoë de 10,66 mètres qu’ils baptisèrent Nuwhq’weeyt et qu’ils mirent à l’eau le 24 juin 1989. Ils demandèrent également à Duane Pasco, spécialiste de la langue chinook, de leur écrire quelques chants.
Quant aux Duwamish, ils avaient la chance de compter parmi leurs membres tribaux, un sculpteur, Frank Fowler 180 . Ce dernier leur réalisa un canoë de style shovelnose de 6,70 mètres et aida Martin Sherwood et une classe d’histoire du lycée de Renton à construire un canoë nootkan de 10 mètres. (Lincoln, 1995 : 118-119). Enfin, les tribus upper skagit, lummi, nooksack, swinomish, suquamish se tournèrent vers les canoës de compétition car ils maîtrisaient mieux cette technique de sculpture que celle des canoës de mer. De plus, ce type d’embarcation avait un coût financier moins élevé et demandait beaucoup moins de bois. Enfin, certaines tribus ne souhaitaient pas faire appel à un maître sculpteur « blanc » pour fabriquer leurs canoës. Les Upper Skagit confectionnèrent -cela ne s’était pas produit depuis plus de trente ans - un Eleven man canoe de 15 mètres de long, le Rolling Thunder qui pouvait transporter onze personnes. Les Suquamish fabriquèrent aussi, avec l’aide de Joe Waterhouse, un Eleven man canoe et utilisèrent le temps du voyage, avec la permission de la Kitsap Historical Society, le Dugout war canoe exposé dans leur musée. Enfin, le Suquamish Museum produisit en partie grâce aux financements de la Washington State Centennial Commission et à l’aide des anciens, le documentaire « Waterborne : Gift of the Indian Canoe ».
Au total dix-sept tribus de l’État de Washington participèrent à ce voyage : les Tulalip, S’Klallam Port Gamble, Lower Elwka, Skokomish, Suquamish, Duwamish, Samish, Quileute, Puyallup, Nisqually, Swinomish, Upper Skagit, Lummi, Makah, Hoh River, Quinault, Nooksack. Les Heiltsuk du Canada se joignirent au rassemblement organisé dans la réserve de Port Madison et leur porte-parole, Frank Brown, profita de l’occasion pour inviter toutes les tribus du Puget Sound et de la côte du Pacifique, à la grande fête dans le village Waglisla à Bella Bella en 1993 :
‘« We invite all the tribes to come to our village because what we’ve experienced over the last 470 miles that we’ve paddled to get down here over these last little while, it was an Odyssey. We’ve passed through over twenty tribes on our way down and we’re challenging you in the next stage. In four years we want you to come up to Bella Bella. And we’re going to host an encampment of ocean-going canoes » 181 (Cité par Lincoln, 1995 : 162-163).’Les Quileute acceptèrent l’invitation et reçurent en gage une pagaie heiltsuk, qu’ils devaient redonner lors de cette fête. Mais certains, comme les Suquamish, furent beaucoup moins confiants et pensèrent ne pas être prêts, même dans quatre ans, à tenir à un tel engagement. Peg Deam, la spécialiste culturelle suquamish se souvient avoir pensé cette nuit là que sa tribu ne serait pas prête, ni dans quatre ans ni dans mille ans 182 , à accepter une telle proposition. Mais sa rencontre quelques temps plus tard, avec Frank Fowler la fit changer d’avis. Car ce sculpteur duwamish avait accès au canoë de Martin Sherwood 183 et cherchait un équipage pour participer à ce rassemblement heiltsuk en territoire kwagiulth à Bella Bella. Le défi devenait donc possible même si les moyens financiers, matériels et humains étaient quasi inexistants et que le Conseil suquamish n’était pas vraiment convaincu par l’idée.
Ce lieu était au 18ème siècle un haut lieu de rassemblement des communautés indiennes du Puget Sound.
La tribu tulalip a investi plus de 10.000 US$ pour ce projet.
Il a appris à sculpter le bois avec son père et son grand-père.
« Nous invitons toutes les tribus à venir dans notre village car pour venir jusqu’ici, nous avons pagayé 756 kilomètres et ce voyage a été riche en aventures et en péripéties. Nous avons rencontré plus de vingt tribus tout au long de ce voyage et nous vous lançons ce même défi. Dans quatre ans, nous voulons que vous veniez à Bella Bella. Nous sommes prêts à accueillir un campement de canoës de haute mer. »
Notes de l’entretien avec Peg Deam, le 7/10/2002.
Frank Fowler aida Martin Sherwood et une classe d’histoire du lycée de Renton à construire ce canoë nootkan de 10 mètres.