Les aléas du voyage.

Le jour suivant, le réveil fut difficile pour la plupart d’entre nous. La nuit fut courte et les quarante-deux kilomètres prévus pour la journée s’annonçaient difficiles. Malgré tout, il y eut une bonne nouvelle. Ed enrôla un pagayeur pacheenaht, le fils du chef qui nous avait hébergé la veille. Sa tribu travaillait encore sur son canoë et ne pouvait pas participer au voyage. Ce dernier était très enthousiaste à l’idée de pagayer jusqu’à la réserve des Nitinat où l’attendait la famille de sa femme. En fait, Ed avait assez de pagayeurs et son geste était plutôt un moyen de remercier le chef de son hospitalité.

Cette aide supplémentaire fut malgré tout appréciable car le temps était exécrable. La mer était très agitée, il y avait beaucoup de brouillard et il était impossible de voir à plus d’un mètre. Les canoës avaient des difficultés à naviguer sur cette mer houleuse, les pagayeurs étaient épuisés et certains souhaitèrent se reposer comme ce pagayeur quinault que je remplaçai afin qu’il puisse se reposer dans le bateau de sauvetage nisqually. Je me retrouvai assise dans un canoë de style nootkan totalement différent du Wes-i-dult. Nous étions deux par fauteuils, ou plutôt par planches, ce qui compliquait les déplacements lorsque nous devions changer de place. Tout était question d’esprit d’équipe, de confiance et d’échange entre les membres de l’équipage, car à la moindre inattention, nous risquions non seulement de chavirer mais également l’hypothermie.

Après ces quelques heures mouvementées, nous entrions dans le territoire des Nitinat. Ces derniers nous attendaient à l’entrée du lac, sur la plage où ils étaient en train de faire fumer du saumon et de cuire des palourdes, des crabes, des moules et des pommes de terre en attendant l’arrivée de tous les canoës. Ce fut donc autour d’un feu et en dégustant quelques fruits de mer sous un brouillard épais, que deux aînés nitinat firent les présentations dans leur langue vernaculaire, puis en anglais, des membres de la famille du plus haut dignitaire de la tribu et nous remercièrent de notre visite avant de nous convier à nous restaurer et à monter nos tentes dans leur village à quelques kilomètres de là.