Un imposant canoë blanc.
Six heures du matin, les Makah et Hoh River étaient déjà partis. Quant à nous, nous n’allions pas tarder à prendre la mer, mais avant notre départ, Jeff souhaita donner un bandeau en cèdre au fils du chef de la tribu pacheenaht, pour le remercier de son dévouement pour l’équipage du Wes-i-dult.
Ces prestations de biens ou de services sont gratuites, dans la mesure où elles n’exigent pas un retour « immédiat » et sont des manifestations volontaires d’affection, de compassion et de politesse. Elles se présentent comme des dons et ne sont pas nécessairement des choses utiles et de grande valeur économique comme une danse, un chant, une fête, un festin. Cependant, cette gratuité n’est que symbolique puisqu’il y a tout de même des contre dons et des prestations qui répondent à un processus triadique : « Donner, recevoir, rendre » (Mauss, 1950). Pierre Bourdieu insiste néanmoins sur cette nécessité de ne pas « projeter rétrospectivement le contre don dans le projet du don » et « de respecter la réalité du don tel qu’il se produit » afin de pouvoir percevoir « le travail symbolique visant à transmuter par la fiction sincère d’un échange désintéressé, les relations inévitables et inévitablement intéressées qu’imposent la parenté , le voisinage ou le travail, en relations électives de réciprocité » (Bourdieu, 1980 : 191).
Cet échange étant terminé, nous mîmes à l’eau le Wes-i-dult. Le lac nitinat était couvert par la brume. Heureusement, le temps change très vite en mer. Un beau ciel bleu et le spectacle d’une dizaine de lions de mer se reposant sur les rochers, nous attendaient à la sortie du lac.
Nous étions désormais à sept kilomètres de Pachena Bay en territoire Ohiaht, lorsque nous vîmes au loin, arriver dans notre direction, à une vitesse impressionnante, un magnifique canoë blanc, de plus de 15 mètres, avec à son bord treize jeunes pagayeurs ohiaht. La coque était décorée par une magnifique figure de l’oiseau tonnerre 210 et sur la poupe et la proue se désignait la forme animale du saumon (cf. photo XXX). Une fois arrivés à notre hauteur, ils levèrent leurs pagaies en signe de bienvenue et nous escortèrent jusqu’à leur village où nous plantâmes nos tentes sur la plage pour la nuit.
Photo : R. Merlet (1999).