En ce samedi matin du 7 août, les Quinault décidèrent de faire le point sur leur voyage avant de quitter Pachena Bay. Le groupe forma un cercle dans lequel il suffisait d’entrer pour prendre la parole. D’autres tribus utilisaient une pagaie, une plume ou un bâton pour symboliser cette prise de parole. Cet instant permit à l’équipage de régler les différends au sein du groupe et de recadrer les jeunes qui oubliaient parfois les règles du voyage.
Après plus de quarante-quatre kilomètres, nous atteignîmes le territoire ucluelet et nous prîmes part à la cérémonie de bienvenue, une des plus ritualisée depuis le début du voyage (cf. photo XXXI). A mesure que nous nous rapprochions de l’île Flores, les canoës (il y en avait maintenant dix) et les participants étaient plus nombreux et les protocoles devenaient plus importants et codifiés.
Photo : R. Merlet (1999).
Un des représentants de la tribu nous présenta les personnes les plus influentes de la communauté et exprima sa joie de voir autant de monde et notamment des jeunes, s’intéresser au voyage.
‘« I am happy to see what occurs today, to see that our tradition and our culture are always present and for always. Two hundred years ago, we were the first to arrive on this territory and we are still there today and for always. I am happy to see that the young people share that with us. Do not forget all that and I hope that you will continue. I am sure you will » 211 (Représentant ucluelet). ’Durant ces deux jours, les adultes discutèrent de l’organisation de la prochaine étape et les capitaines se réunirent pour échanger sur différents points de navigation et sur la façon dont ils arriveraient à Ahousaht. D’autres terminèrent les derniers préparatifs avant le jour « j », sculptèrent une dernière pagaie, répétèrent une danse, un chant ou tout simplement firent une sortie en canoë avec les plus jeunes. Beaucoup d’enfants ne pouvaient pas monter dans les canoës pour des raisons de sécurité et ne comprenaient pas toujours cette décision. Ces petites promenades en mer leur permettaient tout de même de participer au voyage et de mieux accepter les décisions prises par les adultes. Quant à moi, je profitai de ces instants pour m’isoler, écrire et prendre de la distance par rapport à ce terrain. Sans succès, les bruits du camp envahissaient ma tente et me replongeait au cœur de cette réalité indienne.
« Je suis heureux de voir ce qui se passe aujourd’hui, de voir que notre tradition et notre culture sont toujours présentes et pour toujours. Il y a deux cents ans, nous étions les premiers à arriver sur ce territoire et nous sommes toujours là, aujourd’hui et pour toujours. Je suis heureux de voir que les jeunes partagent cela avec nous. N’oubliez pas tout cela et j’espère que vous continuerez. Je suis sûr que vous le ferez. » (représentant ucluelet).