1. Perpétuer la tradition et les savoir-faire

Pour le premier projet, la tribu sélectionna six jeunes hommes, membre tribaux, de plus de quatorze ans, prêts à être respectueux des instructions des aînés et du maître sculpteur, à représenter la tribu et leur famille, à accepter de se soumettre pendant trois mois à des tests de drogue et d’alcool, à ne pas fumer et à s’abstenir d’avoir des relations sexuelles. Ces apprentis sculpteurs s’engageaient à transmettre et à partager tous les savoir-faire acquis au cours de cette expérience afin de préserver l’héritage culturel suquamish et de renforcer le rôle de la culture dans la communauté et au-delà.

La tribu engagea Ray Natrall car aucun de ses membres ne maîtrisait la technique de sculpture et elle ne souhaitait pas, comme par le passé, perdre beaucoup d’argent et un canoë. Ray Natrall appartenait à une longue lignée de sculpteurs. Il avait à son actif des sculptures de masques, de totems, de canoës de compétition et de voyage. Il avait réalisé pour sa tribu en 1998 un canoë de mer de plus de dix mètres. Les Suquamish le connaissaient bien, il était marié avec une Suquamish et il avait pagayé à plusieurs occasions dans le canoë Tana Stobs de la famille Armstrong. Il avait eu l’occasion de suivre des activités de ce type dans sa tribu et il était donc en mesure non seulement d’enseigner la technique mais également de transmettre des histoires, des mythes, des connaissances, des savoir-faire, des chants salish 272 et d’apprendre aux apprentis comment prendre soin du canoë et d’eux-mêmes. Car dans ce projet, il n’était pas seulement question de technique et de savoir-faire mais également de respect et d’estime de soi. L’essentiel était de réactiver et de renforcer l’héritage et l’esprit communautaire.

En accord avec les Squamish et Ray, le canoë fut sculpté en territoire squamish, loin des familles et des problèmes de la réserve afin que l’engagement physique et moral des apprentis soit total. La réalisation fut un succès. Les apprentis ramenèrent à Port Madison en janvier 2002, un canoë en cèdre de dix-huit mètres cinquante de long, appelé « Si ? ə m ?a ?utxs : See-em ah oat-ks » qui signifie « Honorable Canoe of This Type » 273 ainsi que l’autre moitié du tronc de 18 tonnes et de plus de 1000 ans qu’ils avaient acheté aux Squamish. La communauté organisa à cette occasion une cérémonie de bénédiction afin d’accueillir et d’honorer les sculpteurs qui ramenaient avec eux le See-em ah oat-ks, symbole de la renaissance de la culture suquamish 274 .

La tribu avait maintenant son canoë en cèdre. Cependant, elle envisagea la fabrication d’une deuxième embarcation. Car il lui restait une moitié du tronc qu’elle ne pouvait pas laisser à l’abandon. L’acquisition de ce bois avait été difficile et onéreux. De plus, quelques uns de ces membres maîtrisaient désormais la technique de sculpture.

Les représentants du deuxième projet Full Circle Cedar Carving,soutenu par le Suquamish Tribe Cultural Co up Committee 275 présentèrent leurs idées au Conseil. Ils souhaitaient construire un atelier à canoë où les apprentis et le maître sculpteur pourraient ranger le matériel et les embarcations 276 et réparer le See-em ah oat-ks, abîmé pendant le voyage à Taholah (réserve des Quinault) en 2002. Il s’agissait aussi de fabriquer le nouveau canoë, le Qalqalaxic, dans la réserve afin de permettre un engagement et une participation des familles, des amis et de la communauté. Cette émulation collective et communautaire devait renforcer la structure sociale et politique de la tribu et préparer la communauté au prochain voyage et rassemblement de 2009.

Il était toujours question de transmettre des connaissances et un héritage mais l’orientation devait être plus sociale et éducative. Le département Human Service s désirait créer des partenariats avec des écoles prêtes à considérer certaines activités culturelles, notamment ces trois mois d’apprentissage, comme une formation, un enseignement reconnu et pris en considération pour valider un diplôme. Il envisageait aussi de se servir de ce projet pour améliorer les services du Wellness Program et proposer un programme de sevrage pour au moins deux des apprentis. Enfin, il s’agissait de favoriser une communication avec le public non indien pour développer la confiance, la collaboration et la coopération afin d’établir un respect mutuel.

Notes
272.

Les Suquamish de Port Madison et les Squamish de la région de Vancouver appartiennent à la branche salish : Les Squamish dépendent de la branche nord et les Suquamish de la branche sud.

273.

« L’honorable canoë de ce type ».

274.

Voir Clarridge, Christine, January 6, 2002, « Can-do canoe : Carving an identity with work sacrifice », Site of The Seattle Times. [En ligne], http://seattletimes.nwsources.com , (consulté le 24 février 2007).

275.

Ce comité vit le jour fin 2001, après l’annonce du potlatch suquamish de 2009. Il rassemble des responsables de différents départements du Centre tribal. Son objectif est de faire régulièrement le point sur les différents projets et budgets de la tribu afin de mieux les répartir en fonction des besoins et de présenter au Conseil des rapports très précis afin que celui-ci puisse se prononcer rapidement sur tel ou tel projet. Il doit permettre une meilleure gestion et organisation de tous les budgets et activités. Car sans des budgets conséquents et une bonne organisation, la préparation du rassemblement de 2009 risque d’être difficile.

276.

Le Canoe shed, l’atelier à canoë fut inauguré en mai 2002. Une cérémonie de bénédiction eut lieu. Les Suquamish invitèrent les tribus voisines et amies à prendre part à leur fête. L’occasion de leur montrer leur premier canoë tribal en cèdre, leur attachement à la culture de leurs ancêtres et aux voyages annuels.