L’école public élémentaire suquamish, situé dans le village Suquamish de la réserve de Port Madison, scolarisait en 2000/2001 468 élèves dont 85 d’origine indienne soit 54 Suquamish. D’après les derniers chiffres le nombre d’enfants indiens a augmenté et est passé à 97. Mais malgré cette légère augmentation, les jeunes indiens restent toujours minoritaires et ne représentent que 21% de l’effectif total. La grande majorité des élèves, environ 68%, de cet établissement scolaire est d’origine caucasienne, ce qui est également le cas des professeurs (cf. tableau X) 297 .
Tableau : Suquamish Elementary School. Annual Performance Report. 2000-2001/2005-2006. North Kitsap School District.
Cependant, l’école a un nouveau principal d’origine mexicaine, ce qui semble ravir les parents des élèves indiens qui le trouvent plus à l’écoute de leur demande et de leurs attentes. Des changements sont en cours, l’école envisage avec l’aide du district du North Kitsap de proposer des cours qui initieraient à la langue lushootseed. L’administrateur des écoles de ce district s’est d’ailleurs engagé en 2002
‘« […] to open a class next fall, open a Puget Salish language class in kidden garden […]. So the kids can get exposed to their language even know they won’t be fluently as an emergent model […] they would have enough languages exposure to value the culture and understand the differences and appreciate the differences […]. The Suquamish children would be able to carry that language home to their parents.[…] use the language as the cultural educational tool. […] so like you know you learn a word, the word has an important culture base, so you learn about culture so you get on activity day » 298 (Entretien avec Gene Medina, le 13/06/2002).’La langue vernaculaire est un outil pédagogique voir thérapeutique dont se servent les Indiens pour revitaliser leur culture et renforcer leur identité. Elle est un système complexe de moyens d’expression (Karsenti, 1997 : 112) qui permet de comprendre comment les individus perçoivent, conceptualisent, classifient et utilisent leur environnement (Thornton, 1997 : 209-228). Les noms donnés aux lieux, aux places et les chants sont des exemples significatifs du poids sémantique et de l’importance qu’elle peut avoir dans ce processus de revendication ethnique.
‘« It is important to know learn one’s own Native language. Nuances within a language are essential to capture the full meaning of what is being communicated. Language is an important part of defining culture. Communicating traditional Native knowledge to the younger generation is essential in maintaining the culture » 299 (Assembly of Native Educator Associations, 1998).’En attendant ces cours de lushootseed, l’école élémentaire suquamish inaugura le 30 mai 2002, le projet Basket Marsh :« Galk’All : The place of weaving, Think globally, Act Locally » 300 . Jan Jackson, bibliothécaire de cette école et responsable du projet m’expliqua que 43.000 US $ de dons avaient servi notamment à acheter les plantes et le matériel. Les donateurs étaient la tribu, le casino Clearwater et d’autres institutions comme Captain Planet Foundation, Pacific Northwest Timbers. Le Basket Marsh consistait à recréer un petit marécage avec des animaux et des plantes utilisées par les ancêtres. Il devait permettre aux professeurs d’enseigner les mathématiques, les sciences, l’art et l’écriture en utilisant d’autres supports que les livres. Il s’agissait de sortir des salles de classe, de mettre en pratique un ensemble de savoirs, d’initier tous les élèves à la culture indienne et suquamish et leur apprendre à respecter les différences.
Jan Jackson travaillait dans cette école élémentaire depuis 20 ans et c’était la première fois qu’elle participait à un projet qui impliquait à la fois l’école et la tribu. Il y avait parfois des échanges avec la culture indienne mais c’était toujours à l’initiative de quelques enseignants. Cette activité était donc importante car,
‘« It permitted us to help the Native American students in our school. Though it, they felt like they are special. I mean I know they are in their own culture but they aren’t necessary feel that way when they are in a white culture. I think that it is really important for us to be conscious of about it. I really think it is important for us to help them to be successful and to show that we honor their heritage » 301 (Entretien avec Jan Jackson, le 10/06/2002).’La tribu suquamish avait également un partenariat avec le lycée Spectrum, un établissement public de Kingston, une ville du comté de Kitsap. Cette école est en activité depuis 1986. Elle accueillit les premières années 18 élèves. Puis, forte de son succès, elle scolarisa en 2002 plus de 146 élèves soit 28 lycéens indiens dont 9 élèves d’origine suquamish. Ce chiffre restait faible mais était cependant plus élevé que dans la plupart des établissements scolaires à l’exemple du collège de la ville de Poulsbo qui scolarisait à cette date, 801 élèves dont 15 élèves indiens dont deux lycéens suquamish (cf. tableau XI) 302 .
Tableau : North Kitsap School District, December 2002, Native American Education District profile. North Kitsap School District, 2002-2003, Spectrum Community School and Poulsbo Junior High School Annual Reports.
Le lycée Spectrum fait partie des structures dites alternatives. Il prépare aux études universitaires, mais surtout à entrer dans la vie active. Car la grande majorité des élèves ont des difficultés scolaires et ne poursuivent pas des études universitaires. Il se différencie des autres écoles alternatives par son mode d’enseignement basé sur la musique et l’art. Les professeurs sont en quelque sorte des éducateurs. Ils adaptent leurs cours en fonction de la situation sociale de leurs élèves. Notre difficulté, me dira le directeur Chris Wendelyn,
‘« It is that student come from home where they don’t value knowledge, value intellectual sense and especially things that come from white culture. They know what the white culture has done to their people. Not all native are successful here.[…] we try to get student to think about what they are doing in their life and what they are learning. The knowledge, it is result of their experiences and not just what they are doing in a class. […] we believe also it is important to show that for example mathematics it is not nearly as valuable as if you are using mathematics and tools to accomplish something in a world around. [...] you see that mathematic is not something in a book, something in the world but a tool you need to succeed in created and doing things in the world » 303 (Entretien avec Chris Wendelyn, le 08/05/2002).’L’école proposa des classes de tissage de paniers traditionnels, organisa des manifestations culturelles durant l’année et créa une équipe de basket dont les responsables étaient Suquamish. Samy, aujourd’hui ancien élève, fut l’un de ces responsables. Selon lui, l’école Spectrum
‘« is really supporting student. We didn’t have to call the teachers by their last name. They try to be very personal with all kids. […] They try to work on native program like if I wanted to go to take lushootseed class I took it and I got foreign language credit. The teachers support a lot the students 30% of the students are native. They really recognize themselves as alternative school. That mean, you learn on your own space and time. They don’t give assignment like if you don’t turn tomorrow it could be half of the credit but you turn back at the end of the week and if you can’t they try to help you » 304 (Entretien avec Samy Mabe, le 29/03/2002). ’Cet établissement envisagea un partenariat avec le Conseil tribal suquamish dans le cadre du projet Full Circle Cedar Carving de 2001/2003. La tribu voulait sculpter son propre canoë et profiter de cette occasion pour initier et former des jeunes à la sculpture. Cette formation de trois mois devait permettre à certains de ces apprentis de participer à une activité culturelle tout en poursuivant leur scolarité et pour quelques autres en échec scolaire ou n’ayant pas terminé leurs études, de finir leur cursus, voir d’obtenir leur diplôme. Le directeur du lycée Spectrum trouvait le projet intéressant. Il correspondait à l’idée que se faisait cette école de l’éducation : s’intéresser et prendre en compte la culture des élèves, montrer que l’on peut également apprendre en dehors d’une salle de cours.
Ce partenariat, même s’il concernait qu’une école ou deux écoles et quelques élèves, il était pour la tribu une grande réussite sur le plan socioculturel et politique. Les Suquamish utilisaient en tant qu’organisation politique tribale leur droit à l’autonomie gouvernementale en matière d’éducation 305 . Elle utilisait et faisait valoir ce droit des peuples autochtones, formulé dans l’article 16, al. 1 de la Déclaration Universelle des Droits des Peuples Autochtones : « Les peuples autochtones ont droit à ce que toutes les formes d’enseignement et d’information publique reflètent fidèlement la dignité et la diversité de leurs cultures , de leurs traditions , de leur histoire et de leurs aspirations » 306 . Ce droit des familles et des communautés autochtones à conserver la responsabilité partagée de l’éducation, de la formation, de l’instruction et du bien-être de leurs enfants.
Cette dernière décennie, l’ethnique a investi le système scolaire américain et le champ politique. Il est passé du statut de symbole à celui d’un instrument de la quête identitaire puis de la lutte pour l’égalité (Constant, 2000 : 30). Les Suquamish profitent de ce contexte sociopolitique favorable à un modèle pluraliste et multiculturel dont les exigences sont le devoir de réciprocité et l’obligation d’équité. Ils négocient avec les établissements scolaires, la place que ceux-ci doivent accorder à leur histoire et à leur culture dans leurs programmes. Leurs enfants doivent pouvoir être fiers de leur héritage tribal, réussir à l’école et aller à l’université sans être obligés de choisir entre le savoir de leurs ancêtres et celui des blancs. Les Suquamish deviennent des interlocuteurs légitimes, des partenaires et des collaborateurs. En proposant des idées et des projets différents et pertinents, ils investissent le domaine public fédéral et participent aux prises de décisions et agissent officieusement en qualité de peuple autochtone.
Consulter Suquamish Elementary School « Annual Performance Report 2000-2001 et 2005-2006 » Site of North Kitsap School District , [En ligne], http://www.nksd.wednet.edu/district /publications/performance%20Reports/Suq.PDF .
« […] à ouvrir à la prochaine rentrée, à la maternelle, une classe de langue salish [... ]. Les enfants peuvent alors être exposés à leur langue vernaculaire et même s’ils ne la parlent pas couramment comme une langue courante [...] ils auront suffisamment d’initiation pour valoriser leur culture, comprendre et apprécier les différences[...]. Les enfants suquamish pourraient transmettre ce savoir chez eux, à leurs parents.[...] utiliser la langue comme un outil culturel pédagogique. [...] vous apprenez un mot, le mot a une signification culturelle importante, ainsi vous apprenez des choses sur la culture et vous avez une journée enrichissante. » (Entretien avec Gene Medina, le 13/06/02).
« Il est important de connaître et d’apprendre sa propre langue indienne. Les nuances dans une langue sont essentielles pour avoir une compréhension complète de ce qui est communiqué. La langue est une partie importante qui sert à définir la culture. La transmission des savoirs traditionnels autochtones à la jeune génération est essentielle au maintien de la culture ». Assembly of Native Educator Associations, February 3, 1998, « Alaska Standards for culturally responsive schools », Site of Alaska Native Knowledge Network, [En ligne], http : //www.ankn.uaf.edu/index.html, Anchorage, Alaska, (consulté le 4 mars 2006).
« Galk’All : le lieu où on tisse, penser globalement, agir localement. »
« Elle nous permettait d’aider les élèves américains autochtones de notre école. Grâce à ce projet, ils se sentaient importants. Je veux dire je sais qu’ils le sont dans leur culture mais cela n’est pas toujours le cas quand ils sont dans la culture des Blancs. Je pense qu’il est important que nous en ayons conscience. Je pense vraiment qu’il est important pour nous de les aider à réussir leur étude et de leur montrer que nous respectons leur héritage. » (Entretien avec Jan Jackson, le 10/06/02).
Consulter Poulsbo Junior High school, « Annual Report 2002-2003 » et Spectrum Community School, « Annual Report 2002-2003 », Site of North Kitsap School District , [En ligne], http://www.nksd.wednet.edu/district /publications/performance%20Reports /
« C’est que ces élèves viennent de famille où on ne valorise pas la connaissance, les facultés intellectuelles et tout particulièrement lorsqu’elles viennent de la culture blanche. Ils savent ce que cette culture a fait à leur peuple. Les Indiens ne réussissent pas tous dans cette école. [...] Nous invitons les élèves à réfléchir à ce qu’ils font dans leur vie, à ce qu’ils apprennent. La connaissance est le résultat de leur expérience et pas seulement ce qu’ils font en classe. [...] Nous croyons que c’est important de montrer par exemple que les mathématiques sont tout aussi importants quand vous les utilisez pour accomplir quelque chose dans le monde qui vous entoure. Vous voyez que les mathématiques ne sont pas que des chiffres dans un livre mais un outil dont vous avez besoin pour réussir dans la vie, en créant et en faisant des choses. » (Entretien avec Chris Wendelyn, le 08/05/2002).
« soutient vraiment les élèves. Nous n’avions pas à appeler les [professeurs] par leur nom. Ils essayent d’être très proches des enfants.[…] Ils essayent de travailler sur des programmes autochtones comme par exemple si je voulais prendre des cours de lushootseed, non seulement je pouvais mais j’obtenais des crédits en langue étrangère. Les professeurs aident beaucoup les élèves. 30% d’entre eux sont Indiens. Ils se reconnaissent comme une école alternative. Ce qui veut dire que vous apprenez à votre rythme. Quand ils vous donnent du travail et que vous n’arrivez pas à le rendre à temps, ils vous aident et ne vous sanctionnent pas. » (Entretien avec Samy Mabe, le 29/03/2002).
L’Indian Education Act de 1972 accorda des financements pour l’éducation des jeunes indiens et en laissa la gestion aux gouvernements tribaux.
Droits et Démocratie, 18 mai 2002, « Séminaire Droit à l’autodétermination des peuples autochtones. Exposés des participants et synthèse des discussions », Site de Droits et Démocratie, New York, [En ligne], http://www.ichrdd.ca , (consulté le 15 mai 2006).