Tôt dans la matinée du 18 janvier 2003, les apprentis transportèrent les deux canoës au Centre tribal et les préparèrent pour la cérémonie. Ils posèrent les embarcations sur deux rondins, les recouvrirent de branches de sapin et éparpillèrent de la cendre et des copeaux de cèdre 327 sur le sol (cf. photo LIV).
Photo : R. Merlet (2003).
Pendant ce temps, une partie des membres tribaux s’affairèrent en cuisine et préparèrent les feux et les pierres à l’extérieur pour assurer la cuisson des crabes, des huîtres et du saumon offert par la Suquamish Seafood Entreprise. Quand des bruits de tambour s’échappèrent de la plage, des canoës arrivaient. Tout le monde se retrouva le long du rivage pour accueillir les invités. Le Duk w č ə ł et le Tana Stobs escortaient les canoës squamish, s’klallam et muckleshoot. Comme de coutume, les représentants de chaque embarcation demandèrent la permission, à la vice-chef suquamish, de se restaurer sur leur territoire et de prendre part aux festivités. Les Squamish s’avancèrent et leur capitaine prit la parole et demanda l’autorisation d’accoster et de se restaurer et précisa que le maître sculpteur honoré en ce jour était de leur tribu. La vice-chef convia les invités à un grand repas, avant le début de la cérémonie.
Ce don de nourriture cérémonielle fait partie des devoirs et des obligations de l’hôte. Il contribue à renforcer les liens intertribaux. Cette profusion de nourriture (crabes, huîtres, saumon, palourdes, praires…) dont les quantités étaient considérables, pour plus de 200 convives, était une façon de montrer sa richesse et de dire que l’événement était particulièrement important. C’était un don compensatoire pour les invités qui acceptaient d’être les témoins de cette fête. Elle permettait aussi d’honorer et de reconnaître publiquement le travail et le statut d’artisan des sculpteurs.
Dans les temps anciens, le chef ou un membre de l’élite organisait une distribution de nourriture afin d’asseoir, de maintenir et de valider sa position dans sa communauté. Aujourd’hui, c’est la tribu représentée par le Conseil tribal qui distribue cette richesse et met en jeu son image et son autorité. Le « donner-recevoir-rendre » dont parlait Mauss est plus que jamais un symbole de la revitalisation culturelle mais aussi d’une organisation politique et économique tribale et d’un renforcement des liens sociaux tribaux et intertribaux voire supratribaux.
Le cèdre symbolise l’esprit des ancêtres. Le cèdre rouge de l’Ouest, le Thujaplicata est considéré comme le Great Life Giver, le Sacred Tree.