2.2 L’apparition de la notion d’inclusion dans les textes officiels

Le rapport n°17/2001, approuvé en juillet 2001, contient les actuelles Directives Nationales pour l’Education Spéciale au sein de l’Education de Base, qui se fondent principalement sur les orientations de la Déclaration Mondiale de l’Education Pour Tous et sur la Déclaration de Salamanque. 51

C’est à cette date, du moins d’un point de vue législatif, que s’opère un positionnement clairement inclusif, pour combattre toutes les formes d’exclusion éducative et sociale.

Concernant la politique éducative, le Rapport déclare que la construction d’une société inclusive est un processus dont l’importance est fondamentale pour le développement d’un Etat Démocratique, entendant par inclusion : « La garantie, pour tous, de l’accès continu à l’espace commun de la vie en société, une société qui doit être orientée vers des relations d’accueil à la diversité humaine, d’acceptation des différences individuelles, d’effort collectif pour l`égalisationdes opportunités de développement, avec qualité, dans toutes les dimensions de la vie. »

L’inclusion est présentée comme une avancée par rapport au mouvement d’intégration scolaire, car elle présuppose une restructuration du système éducatif, avec l’objectif de créer un espace démocratique et ouvert à tous les élèves, sans distinction de classe, de genre ou de caractéristiques personnelles, considérant que la diversité ne doit pas uniquement être acceptée mais également désirée.

Le Rapport définit l’éducation spéciale comme une modalité de l’éducation scolaire constituant un « processus éducatif définit en une proposition pédagogique, assurant un ensemble de ressources et de services éducatifs spécifiques, organisés institutionnellement pour appuyer, compléter, s’ajouter et, dans certains cas, substituer les services éducatifs communs, de manière à garantir l’éducation scolaire et à promouvoir le développement du potentiel des élèves qui présentent des besoins éducatifs spécifiques, à tous les degrés, étapes et modalités de l’éducation de base. »

Le document souligne également que la politique d’inclusion des élèves en situation de handicap  dans le réseau régulier d’enseignement n’a rien à voir avec la simple présencephysique de ces élèves avec les autres, mais «  représente l’audace de revoir les conceptions et les paradigmes, et de développer le potentiel de ces personnes, tout en respectant leurs différences et en répondant à leurs besoins.»

La politique inclusive doit impliquer une amélioration qualitative et quantitative des ressources humaines et la garantie de ressources financières et de services de soutien pédagogique publics et privés spécialisés afin d’atteindre le développement éducatif des élèves. Cette amélioration, doit cependant être graduelle pour que l’éducation spéciale et régulière soient appropriées à la nouvelle réalité éducative.

Le Rapport tente de rompre avec la vision traditionnelle clinique et classificatoire, définissant la notion de besoins éducatifs spécifiques comme un concept large qui se concentre sur l’enseignement, l’école et les conditions qu’elle offre et non sur l’élève et sa normalisation. Les besoins éducatifs spécifiques sont alors ceux qui « requièrent de l’école une série de ressources et de soutien davantage spécialisés, qui offrent à l’élève des moyens d’atteindre les compétences. »

Les élèves aux besoins éducatifs spécifiques sont ici définis comme étant ceux qui , au cours du processus éducatif, démontrent :

  • De fortes difficultés d’apprentissage ou des limitations du processus de développement qui les empêchent d’accompagner les activités du programme, qui sont causés par des conditions, des dysfonctions, des limitations ou des déficiences, ou qui ne sont pas liées à une cause physique spécifique
  • Des difficultés de communication et de signalisation différentes des autres élèves, requérant des adaptations d’accès au programme, avec l’utilisation de langage et de codes applicables ;
  • De grandes habilités / qui sont surdoués. 52

Dans le document élaboré en octobre 2001, l’élève de l’Education Spéciale, généralement appelé « porteur de besoins spécifiques », est défini comme celui qui, présentant des besoins propres et différents à ceux des autres élèves dans le domaine des apprentissages qui correspondent à leur âge, requiert des ressources pédagogiques et des méthodes éducatives spécifiques. Ces élèves sont classés en trois catégories :

  • Les porteurs de déficience (mentale, visuelle, auditive, physique, multiple)
  • Les porteurs de conduites typiques (problèmes de conduite)
  • Les porteurs de grandes habilités (surdoués)

On entend par conduites typiques, des manifestations de comportements caractéristiques des porteurs de syndromes et dont l’état psychologique, neurologique ou psychiatrique occasionne des retards de développement et nuit aux relations sociales, à un niveau qui requiert un accueil éducatif spécialisé. 53

Le Rapport marque également un engagement politique avec l’éducation inclusive par le biais de stratégies de communication et d’activités communautaires visant à  :

  • Encourager des attitudes actives des familles, des élèves, des professeurs et de la communauté scolaire en général ;
  • Surmonter les obstacles tels que l’ignorance, la peur et le préjugé
  • Faire connaître les services et les ressources existantes
  • Diffuser les expériences réussies d’éducation inclusive
  • Stimuler le travail volontaire pour le soutien à l’inclusion scolaire

Les services de soutien pédagogique spécialisés comprennent le soutien réalisé :

  • Dans les salles de classe communes aux professeurs et autres professionnels spécialisés
  • Dans les salles de ressources qui s’ajoutent ou complètent l’accueil réalisé dans les salles communes grâce à des équipements et des ressources pédagogiques spécifiques
  • Les services itinérants développés par les professeurs spécialisés qui visitent les écoles pour une orientation et une supervision pédagogique
  • Les professeurs interprètes pour aider les élèves sourds, aveugles et autres qui montrent une volonté de communication et d’apprentissage du langage des signes.

L’accueil spécialisé dans des classes au sein des hôpitaux ou à domicile est prévu pour les élèves qui ne peuvent fréquenter l’école pour des raisons de santé, et qui vont demeurer pendant de longues périodes dans ces lieux de soin.

Concernant le programme, il est prévu une flexibilisation des contenus et des évaluations, de même qu’un examen de fin d’année spécifique qui assure un diplôme de fin de scolarité, d’après une évaluation pédagogique réservée aux élèves dont les besoins éducatifs spécifiques sont associés à une grave déficience mentale ou multiple.

Il existe globalement deux profils de professeurs qui se destinent à l’enseignement des élèves à BES :

  • Le professeur certifié des classes régulières : ce dernier doit prouver, qu’au cours de sa formation de second degré ou supérieure, des contenus ou disciplines concernant l’éducation spéciale lui ont été dispensés et qu’il a acquis des compétences minima pour cette pratique
  • Le professeur spécialisé en éducation spéciale. Ce dernier a suivi les cours, s’est spécialisé et a été formé à l’éducation spéciale ou à un de ses domaines.

Selon le rapport de l’UNESCO, en 2001, la formation du corps enseignant brésilien était identique à celle de l’Egypte, avec moins d’un quart des professeurs de primaire ayant une formation supérieure. C’est en Tunisie, au Brésil et en Chine que les indices des professeurs ayant suivi des études supérieures sont les plus bas. 54

En 1997, seuls 25,5% des professeurs des quatre premières années de l’enseignement de base avaient une formation supérieure. Les régions nord et nord-est sont en tête de cette triste réalité avec respectivement 5,3% et 10,5% de leurs professeurs formés à l’université. 55

A partir de la loi sur les Directives et les Bases de 1996, la formation de niveau supérieur des professeurs de l‘enseignement de base devient obligatoire, offrant cependant encore la possibilité de suivre l’ancienne formation, avec un niveau bac.

La précarité des stratégies formatives pour les professeurs dits « communs » est accompagnée par la réelle formation des professeurs de l’enseignement spécial. Le premier cours de niveau supérieur en éducation spéciale au Brésil n’a été créé qu’en 1972. L’absence de recherches dans ce domaine est en grande partie le reflet de ce retard.

Comme le souligne Roseli Baumel, il faut considérer dans la formation des professeurs d’éducation spéciale diverses dimensions liées :

  • A la formation centrée sur les besoins, classés ou non comme spécifiques, de l’élève dans son processus de développement et d’apprentissage
  • A l’articulation entre la formation initiale et la formation continue
  • Aux problématiques de l’intégration et de l’inclusion. 56

Or, au vu de la concentration d’élèves en situation de handicap  inscrits dans le niveau de base et de la situation actuelle dans laquelle se trouve la formation des professeurs, on comprend l’immense distance qu’il reste à parcourir pour atteindre une éducation de qualité pour tous. Le manque de préoccupation historique concernant la formation des professeurs vient s’ajouter à la complexité de la question de l’inclusion. Nous pouvons affirmer que la place occupée, dans la pratique, par le professeur qui travaille avec les enfants en situation de handicap  est encore très éloignée de l’équipe idéalisée multi- et interdisciplinaire dont rêve le mouvement inclusif.

Quoi qu’il en soit les actions et les lois en faveur de l’inclusion se sont multipliées à partir de cette époque.

En 2001, le Conseil National pour Combattre la Discrimination (CNCD) est créé. Son rôle est de proposer, d’accompagner et d’évaluer les politiques publiques en réaffirmant la promotion de l’égalité et de la protection des droits des personnes et des groupes sociaux et ethniques affectés par la discrimination raciale et par d’autres formes d’intolérance. 57

En 2002 la Langue Brésilienne des Signes (LIBRAS) est reconnue comme un moyen légal de communication et d’expression des personnes sourdes, à travers la loi 10.436/02. Elle encourage l’usage et la diffusion de la LIBRAS dans les institutions et assure l’insertion de cette discipline dans les cours de formation d’éducation spéciale, d’orthophonie de pédagogie et de lettres. La réglementation de cette loi n’entre en vigueur que le 22 décembre 2005, par le biais du décret 5.626.

En 2004, le Décret 5.296/04 réglemente et établit les normes et critères de base pour la promotion de l’accessibilité des personnes porteuses de déficience ou à la mobilité réduite. Il statue sur les règles de mise en place de l’accessibilité architectonique et urbaine des services de transport collectif et de l’accès à l’information et à la communication. 58

Notes
51.

MEC. Diretrizes Nacionais para a Educação Especial na Educação Básica, MEC, 2001 p.15 Disponible sur : < http://portal.mec.gov.br/seesp/arquivos/pdf/parecercne17.pdf > Accès le : 06 avr. 2004

52.

MEC, O p.cit., pp. 18-19

53.

Ibid ., p. 13

54.

UNESCO. Les enseignants pour les écoles de demain : Analyses des indicateurs de l´ éducation dans le monde, 2001. Disponible sur < http :unescostat.unesco.org/en/pub/pub _p/ wei2001.htm.>

55.

MEC/INEP. Perfil do Magistério da Educação básica. Censo do professor  , 1997Disponible sur <http://www.inep.gov.br/basica/levantamentos/outroslevantamentos/professor/1997/perfil.htm>

56.

BAUMEL, (R.C.R.C.), « Formação de professores. Algumas reflexões », in BAUMEL, (R.C.R.C) ; RIBEIRO, (M.L.S.), Educação especial. Do querer ao fazer, São Paulo : Avercamp, 2003, pp. 27-40

57.

MEC, Decreto 3.952 de 04 de outubro de 2001. Disponible sur <http://portal.mec.gov.br/seesp/ arquivos / pdf/dec3952.pdf >

58.

MEC, Decreto 5.296 de 02 de dezembro de 2004, disponible sur <http://portal.mec.gov.br/seesp /arquivos/pdf/decreto% 205296-2004.pdf>