2.3 Inégalités et limites à la mise en œuvre de l’inclusion

Malgré les avancées législatives, les données éducatives brésiliennes attestent de la difficulté à réaliser l’inclusion scolaire.

Le nombre d’inscriptions des élèves en situation de handicap , de 1996 à 1999 a augmenté de 86% dans le pays. En 2005, le système public d’enseignement concentre 35,59% des inscriptions et le système privé 64,47% comme l’illustre le tableau 1. 59

Tableau 1 – Inscriptions d’élèves en situation de handicap par réseau d’enseignement (2005)
Réseau d’enseignement Quantité d’élèves %
Municipal 68.183 18,04%
D’Etat 65.206 17,25%
Fédéral 922 0,24%
Particulier 243.763 64,47%
Total 378.074 100,00%

Le nombre d’élèves atteints de déficience mentale correspond à 54,279% du nombre total des élèves en situation de handicap  inscrits dans le système d’enseignement en 2005, suivi par les élèves atteints de déficience multiple et de surdité.

La classification « autres », présentée jusqu’en 1999, est davantage détaillée en 2005, et comptabilise séparément le syndrome de Down, l’autisme ainsi que le dédoublement des déficiences visuelles et auditives :

Tableau 2 – Evolution de l’inscription des élèves en situation de handicap  par type de déficience (2005)
  Qté d’élèves %
Total 378.074 100,00%
Cécité 5.189 1,37%
Vision faible 6.866 1,82%
Surdité sévère 28.293 7,48%
Surdité faible ou modérée 6.769 1,79%
Surdité - Cécité 585 0,15%
Physique 13.939 3,69%
Mentale 205.184 54,27%
Autisme 7.123 1,88%
Syndrome de Down 27.049 7,15%
Multiple 55.599 14,71%
Conduites typiques 21.478 5,68%

La concentration d’élèves en situation de handicap inscrits dans l’enseignement de base et dans les centres pour l’éducation des jeunes et adultes (EJA) révèle le problème de la continuité scolaire : 54% des élèves sont inscrits dans l’enseignement de base, 16% dans les EJA et seulement 1% dans l’enseignement du second degré.

Le graphique ci-dessous montre le nombre d’inscriptions d’élèves en situation de handicap par modalité.

Figure 1. Inscriptions d’élèves à BES par niveau d’enseignement
Figure 1. Inscriptions d’élèves à BES par niveau d’enseignement Creche = Maternelle ; Pré-escola = Pré-école ; Fundamental = base (7 à 14 ans) ; Médio = lycée. MEC/INEP, Op.cit.

Concernant les modalités d’accueil, malgré toutes les actions en faveur de l’inclusion au sein des écoles régulières, la majorité des élèves à BES, soit 47%, sont accueillis par la structure considérée comme la plus ségrégative : les écoles spécialisées. 12% sont en classes spéciales et 23% en classe commune sans moyens supplémentaires (salle de ressources)

Figure 2. Inscriptions d’élèves à BES par modalité d’accueil
Figure 2. Inscriptions d’élèves à BES par modalité d’accueil Ibid.

Le système privé regroupe la grande majorité (79,82%) des écoles spécialisées. Pour ce qui est des classes spéciales et communes, elles se concentrent presque exclusivement dans le système public comme le montre le tableau suivant :

Tableau 3 – Inscription dans l’Éducation Spéciale par modalité et réseau d’enseignement (2005)
Réseau d’enseigne-ment
Ecole classe classe ordinaire Total  
spécialisée spécialisée avec salle de ressources sans salle de ressources    
Qté. % Qté. % Qté. % Qté. % Qté. %
Public 60.847 20,18% 73.464 96,05% 109.475 95,33% 139.702 94,77% 383.492 59,89%
Privé 240.739 79,82% 3.024 3,95% 5.359 4,67% 7.707 5,23% 256.829 40,11%
Total 301.586 100,00% 76.488 100,00% 114.834 100,00% 147.409 100,00% 640.321 100,00%

Les régions qui regroupent le plus grand nombre d’inscriptions en éducation spéciale sont les régions sud et sud-est. Les régions centre-ouest, nord et nord-ouest regroupent respectivement 7,65%, 6,04% et 18,06% du nombre d’inscriptions. Si nous considérons également que les deux dernières régions sont économiquement les régions les plus défavorisées et aux plus bas indices éducatifs, nous pouvons en déduire qu’une grande partie des enfants à BES reste tout simplement en marge du système éducatif.

Tableau 4 – Nombre d’inscriptions de l’éducation spéciale par région (2005)
Régions Nº d’inscriptions %
Nord 22.844 6,04%
Nord-est 68.289 18,06%
Sud-ouest 164.889 43,61%
Sud 93.143 24,64%
Centre-ouest 28.909 7,65%
Total 378.074 100,00%

Concernant les évolutions dans le monde du travail, la loi n°8.213 des Bénéfices de la Sécurité sociale par laquelle toute entreprise de plus de 100 salariés est contrainte d'embaucher de 2% à 5% d'employés en situation de handicap, est votée en 1991.

L’existence de la discrimination dans les relations de travail est officiellement reconnue par le Brésil au cours de la 82ème Conférence Internationale du Travail, en 1995, à Genève. En 1997, débute le programme « Brésil genre et race, tous unis pour l’égalité des chances », réalisé en coopération avec l’Organisation Internationale du Travail. Ce programme vise une meilleure compréhension entre les entreprises et le travailleur, par l’intermédiaire de la médiation pour combattre toute forme de discrimination. 64

Le travail réalisé par ce programme permet de recevoir les plaintes des travailleurs concernant l’accès et les relationsau travail.

À partir de décembre 1999, et par le biais du Décret n°3.298, l’insertion des personnes en situation de handicap sur le marché du travail relève de la compétence du Ministère du Travail et de l’Emploi. Cependant, l’ignorance de la législation par les personnes en situation de handicap et le mauvais contrôle par le gouvernement,ouvrent de grandes brèches dans ce système.

Dans une enquête sur l’insertion des personnes en situation de handicap effectuée en 1999 et en 2000 dans l’Etat de São Paulo, 6 entreprises publiques et 30 entreprises privées ont été analysées. Il a été constaté que les entreprises publiques comptaient 248 salariés en situation de handicap, présentant donc un déficit de 744 salariés. Les 30 entreprises privées employaient 118 employés en situation de handicap et présentaient un déficit de 351 employés. Le nombre d’employés en situation de handicap travaillant correspond, selon cette étude, à un tiers des quotas prévus par la loi. 65

À partirde 1999 , les actions en faveur de l’insertion des personnes en situation de handicap sur le marché du travail se sont intensifiées : la Commission du Sénat pour la valorisation de la personne porteuse d'une déficience, créée en décembre 2005, lance, en mars 2006, le programme de valorisation et la campagne « avec nos différences, nous sommes tous identiques », cherchant à sensibiliser la société sur l’importance de la garantie de l’accessibilité et de l’inclusion des personnes souffrant de déficience physique.

De 2001 à 2005, le nombre de personnes ayant une déficience, concrètement employées par le système de quotas institué en 1999, passe de 601 à 35 782. Le nombre total d’entreprises qui respectent ces quotas est passé de 12 à 4 004. 66

Malgré cette évolution, en juin 2005, la Sous-Commission Permanente des Affaires Sociales des Personnes ayant une Déficience informe qu’il existe au Brésil, 24,5 millions de personnes atteints d’une déficience, parmi lesquelles 9 millions en âge de travailler, mais seulement 1 million d’entre elles sont en activité (11%). Les données montrent que le faible niveau de scolarité des personnes atteintes de déficience : elles ne sont que 1,55% à avoir effectué plus de 12 ans d’études. 78,7% n’ont fait que 7 ans d’études. 67

Malgré les protections légales et les progrès effectués, dans la pratique, l’insertion de la personne en situation de handicap sur le marché du travail et son inclusion de manière plus générale dans la société demeureproblématique au Brésil. Le manque de scolarisation et/ou l’interruption de cette dernière au cours de l’enseignement de base, le manque de qualification professionnelle, le manque d’accessibilité des rues, des établissements et des transports publics illustrent la réalité actuelle.

Face à cette situation, comment pouvons-nous parler d’intégration et d’inclusion alors que l’accès à la scolarisation est si précaire ? La scolarisation est ségrégative et en grande partie de faible qualité ; la continuité scolaire dans le second degré et l’enseignement supérieur est infime ; la qualification et l’insertion dans le marché du travail sont minimes et la participation à la vie sociale et civique est également restreinte. Malheureusement, telles sont les caractéristiques de la réalité excluante brésilienne.

Avant d’approfondir la problématique de l’inclusion scolaire au Brésil, nous tenterons de comprendre et de distinguer les principales notions qui s’y rapportent, leur origine et leur évolution.

Notes
59.

MEC/INEP, Resultados do censo escolar 2005, Disponible sur <http://www.inep.gov.br/basica /censo/ Escolar/Sinopse/sinopse.asp>

60.

MEC/INEP, Op.cit.

61.

Creche = Maternelle ; Pré-escola = Pré-école ; Fundamental = base (7 à 14 ans) ; Médio = lycée. MEC/INEP, Op.cit.

62.

Ibid.

63.

MEC/INEP, Op.cit

64.

CLEMENTE, (C.A.), Vencendo barreiras – Histórias de superação e inclusão de pessoas portadoras de deficiência , São Paulo : Espaço da Cidadania , 2002. p.33

65.

Ibid., p.38

66.

AGENCIA SENADO. « Apoio ao diferente », Jornal do Senado, 18 jan. 2007 Disponible sur <www.senado.gov.br/jornal/noticia.asp?codEditoria=1467&dataEdicaoVer=20070118&dataedicaoAtual=20070118&nome Editoria=Sa%FAde> Accès le 02 fev. 2007

67.

Ibid.