3.2 De l’intégration à l’inclusion

C’est à partir de la seconde moitié du XXème siècle que le terme « intégration » apparaît. Il est alors lié à la question de l’intégration sociale et culturelle des populations immigrées dans divers pays d’Europe. Dans ce sens, la nation intègre les populations au sein d’une communauté de citoyens qui partagent l’idée de l’existence d’un domaine politique avec des règles à respecter indépendamment des intérêts particuliers. 89

L’intégration est également analysée en relation aux banlieues. François Dubet et Danilo Martucelli considèrent que les jeunes des banlieues sont intégrés d’un point de vue culturel puisqu’ils partagent les valeurs culturelles communes aux autres jeunes. Cependant, ils ne sont pas intégrés socialement car ils sont victimes de divers processus de marginalisation. Pierre Tap insiste sur la différence entre intégration et assimilation. Cette dernière signifie faire partie du système, dans un sens moins fort que l’intégration qui suppose de « faire partie du tissu sociale, des structures d’affiliation et de reconnaissance ». 90

L’usage du terme intégration scolaire, principalement utilisé pour les enfants à BES, est plus récent et a été adopté par divers pays sous différentes formes.

En France, les formulations les plus explicites en faveur de l’intégration n’apparaissent pas dans la Loi de 1975 mais uniquement dans les textes légaux rédigés à partir de 1982, bien que 1975 marque le début des ces politiques. L’Italie a fait le choix radical d’inclure les enfants en situation de handicap dans les écoles ordinaires, excluant la possibilité de l’existence de classes spéciales dans les écoles régulières. La loi italienne de 1977 impose en priorité une réforme pédagogique, tout particulièrement du programme didactique, avec la présence de professeurs spécialisés au sein des écoles régulières. Ces professeurs, appelés professeurs de soutien s’occupaient en principe de quatre enfants en situation de handicap. Actuellement, ils sont considérés comme une aide pour toute la classe. La Grande Bretagne a élaboré, comme nous le savons, la notion de besoins éducatifs particuliers. En 1988, les élèves en situation de handicap sont inclus dans le programme national et un professeur doit assurer, dans les écoles, la coordination des actions les concernant. L’adhésion des pays, à travers les textes légaux, à l’intégration scolaire commence de manière générale dans les années 70 comme l’illustrent les exemples ci-dessous : 91  :

Il semble qu’il existe actuellement un consensus, du moins concernant la définition du terme intégration. Selon Felicity Armstrong, l’intégration peut être considérée comme un aspect du paradigme de l’éducation spéciale : « L’intégration est, de manière inhérente, « assimilationniste » dans la mesure où elle se réfère aux changements administratifs et techniques opérés entre les écoles ordinaires et les écoles spécialisées, de telle sorte que les élèves considérés comme« aptes » peuvent fréquenter l’école ordinaire partiellement ou provisoirement. » 92

Ainsi, l’intégration ne rompt pas avec le regard ségrégatif porté sur les enfants en situation de handicap dans la mesure où seuls les enfants considérés aptes à fréquenter les classes ordinaires seront mobilisés pour leur adaptation au système existant.

Dans la pratique, l’intégration a été confrontée à de grandes difficultés, en particulier d’ordre pratique. En Angleterre, par exemple, dans les situations d’intégration, les élèves étaient fréquemment présents dans les classes régulières avec leurs camarades, mais disposaient d’un assistant les aidant dans leur apprentissage. Cet aspect est, selon Armstrong, un des plus problématiques de l’intégration car fréquemment, les écoles et les professeurs ne veulent pas « accepter » un élève « hors norme »  dans les classes régulières si ce dernier n’est pas accompagné d’un professeur ou d’un assistant pour l’aider. Se crée dès lors une situation fortement problématique dans laquelle les élèves atteints d’une déficience ou ceux qui présentent des difficultés d’apprentissage ou de comportement n’ont pas l’occasion d’agir de manière autonome. De telles pratiques contribuent à la construction de l’image de l’élève comme différent, mis à part et fragile, ce qui a de graves implications sur son autonomie. 93

Ainsi, à l’image de la notion de besoins éducatifs spécifiques, l’intégration peut être considérée comme une notion polysémique dans la mesure ou les auteurs qui y recourent l’utilisent à des fins diverses : tant pour désigner une conception philosophique que pour désigner un mode d’organisation pédagogique. Le concept d’intégration et le type d’intégration peuvent varier considérablement d’une expérience à l’autre et d’un écrit à un autre. Le terme « intégration » peut aussi bien être utilisé pour des jeunes regroupés au sein d’une classe spéciale dans une école régulière que pour des élèves intégrés au sein d’une classe régulière. A son tour, le degré d’intégration dans la classe régulière peut considérablement varier : il va d’une intégration limitée à des matières dites périphériques (éducation physique et arts, par exemple) à l’intégration au sein de matières dites fondamentales (comme la langue maternelle et les mathématiques) et jusqu’à l’intégration totale. 94

Indépendamment de ses formes et usages divers, la notion d’intégration a peu à peu été confondue voire assimilée à la notion d’inclusion. Mais peut-on considérer l’inclusion comme une évolution de l’intégration ou comme une intégration améliorée ? Pratiquer l’intégration amène-t-il inconditionnellement à pratiquer l’inclusion ?

En vérité, le concept d’inclusion semble être en rupture avec l’intégration. Il transfère le problème de l’individu vers la société, de l’élève vers l’école. Ici la question n’est plus de savoir quels sont les élèves qui peuvent s’adapter à l’école régulière mais plutôt comment modifier l’école, et par conséquent la société afin qu’elle soit apte à accueillir tous les élèves sans exception. L’inclusion suppose de ne laisser personne en marge, exclu du système ou discriminé par ce dernier.

La transition vers une éducation inclusive ne consiste pas uniquement en un changement technique et administratif mais en un mouvement prenant une direction philosophique qui peut se développer et s’associer à différents niveaux :

L’inclusion peut être associée à des réformes démocratiques fondamentales. Dans divers pays d’Europe de l’Est, au Chili, et en Afrique du Sud, il est impossible de séparer le mouvement inclusif d’un mouvement plus large de reconstruction de la démocratie. 95

Il est évident que l’inclusion se forge à partir de la réalité contextuelle dans laquelle elle se développe. Cependant, il est fondamental de comprendre qu’elle se différencie dans son essence même de la notion d’intégration. En référence aux personnes à BS, nous pouvons affirmer que  « l’intégration est centrée sur le devoir de normalisation du sujet présentant une déficience, alors que l’inclusion privilégie le droit de la personne à être elle-même et valorise la diversité. Il s’agit d’une rupture politique qui soutient une mutation culturelle, engageant plus que des structures et des dispositifs. Elle interroge directement la société sur le rôle que cette dernière réserve à chacun de ses membres. » 96

Ainsi, comme le constate Mel Ainscow, au lieu de se concentrer sur l’idée d’intégration, accompagnée de la conception que des mesures supplémentaires doivent être prises pour répondre aux besoins des élèves spécifiques dans un système éducatif qui se maintient fondamentalement intact, nous assistons à l’émergence de mouvements qui cherchent à atteindre une éducation inclusive, dont l’objectif est de restructurer les écoles, afin qu’elles répondent aux besoins de tous les enfants. Ce changement de conception se base sur la croyance que les échanges méthodologiques et organisationnels qui cherchent à aider tous les élèves présentant une déficience, pourront aider tous les enfants. En réalité, ceux qui sont considérés comme ayant des besoins spécifiquesdeviennent une stimulation qui encourage des stratégies destinées à créer un environnement éducatif plus riche pour tous. 97

Pour Mittler, l’éducation inclusive comprend un processus de réforme et de restructuration de l’école dans son ensemble, afin de garantir l’accès des élèves à toutes les opportunités éducatives et sociales offertes par l’école. Tous les niveaux (programme, évaluation, pédagogie et formes de regroupement des élèves pour les activités dans la salle de classe, etc) doivent être l’objet de cette réforme radicale. 98

Pour Armstrong, la pédagogie et l’organisation de l’enseignement et de l’apprentissage se résument en une différenciation importante entre les modèles d’intégration et d’inclusion. Alors que l’intégration se concentre sur les voies qui permettent d’aider les élèves en tant qu’individus, l’inclusion signifie que les difficultés éducatives doivent être considérées comme liées au contexte, émanant de l’interaction d’un enfant avec un programme éducatif particulier. Contrairement à l’approche traditionnelle dans laquelle l’accent est mis sur les causes des difficultés inhérentes à l’enfant qui tendent à créer une atmosphère de découragement, la perspective interactive se concentre sur une série de facteurs sur lesquels les enseignants peuvent avoir une influence pour encourager les apprentissages des élèves. L’inclusion valorise les actions des professeurs dans la mesure où les décisions, les attitudes, les relations qu’ils développent et les formes données à l’organisation de la classe constituent des facteurs qui peuvent aider les enfants à connaître le succès à l’école. 99

Cependant, dans la pratique, le passage de l’intégration à l’inclusion ne se vérifie pas facilement et le simple fait de transférer les élèves vers une école destinée à tous est souvent entendu comme inclusion. Cependant, l’inclusion implique la restructuration des cultures, des politiques et des pratiques au sein des écoles afin que ces dernières prennent en compte la diversité des élèves et de leur contexte. Elle dépend ainsi de questions plus largement politiques sur la nature de la société et le statut attribué aux personnes dans des formes et structures d’organisation sociale variées. Mouvement politiques tout d’abord, l’inclusion réside dans le fait de rendre tout accessible à tous. 100

La politique relative à l’éducation inclusive transforme les écoles, augmentant la participation de tous les élèves au sein des écoles régulières, quelque soient leurs particularités. Il s’agit du droit de tout enfant à participer à la vie scolaire et communautaire de manière équitable, sans aucun type de marginalisation ou d’exclusion, la compréhension et la valorisation de la diversité revenant à l’école.

Il est important de noter le déplacement qui s’est effectué en relation à ce que représentait traditionnellement le « problème »  de l’éducation. L`aiguille qui indiquait jusqu`alors l’élève a commencé à indiquer l’école et l’enseignement en général. Traditionnellement appréhendés comme objet, le problème et la difficulté étaient attribués à l’élève, sans aucun questionnement de la part de l’entité qui se présentait comme étant le sujet observateur : l’école. Le questionnement du sujet par l’objet (qui devient également sujet), le questionnement du centre par ce qui a été laissé en marge reflète la contribution de la diversité des études sur les enfants en situation de handicap, ou, pour le dire autrement, la contribution de la diversité à l’éducation en général. Comme l’illustre Gaston Bachelard, « la lumière projette toujours, quelque part, l’ombre. Ce n’est pas en plein lumière, c’est au bord de l’ombre, que le rayon, en se diffractant, nous confie ses secrets ». Sans nul doute, les enfants en situation de handicap ont de nombreux secrets à confier à l’éducation régulière et à la société dans son ensemble. 101

Le Traité de Salamanque marque un tournant pour le mouvement inclusif. 92 gouvernements sont représentés à la « Conférence Mondiale sur les besoins éducatifs spécifiques : accès et qualité », en 1994. La déclaration de Salamanque réaffirme le droit de toute personne à l’éducation conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et renforce l’engagement international fait à l’occasion de la Conférence Mondiale sur l’Education pour tous, en 1990. 102

Dans l’article 3 de la Déclaration Mondiale sur l’Education pour Tous, l’éducation des personnes en situation de handicap commence à être considérée comme un engagement du système éducatif dans son ensemble : « Les besoins éducatifs des handicapés exigent une attention spéciale. Il est nécessaire de prendre des mesures pour assurer, dans le cadre même du système éducatif, l'égalité d'accès à l'éducation de toutes les catégories de personnes handicapées. »  103

L’engagement du Brésil pour l’éducation est également renforcé dans la Déclaration de New Delhi sur l’Education Pour Tous, en 1993, au côté de l’Indonésie, la Chine, le Bangladesh, l’Egypte, le Mexique, le Nigeria, le Pakistan et l’Inde : « Nous, leaders des neuf pays en voie de développement les plus peuplés au monde, réitérons par cette déclaration notre engagement à chercher à atteindre avec zèle et détermination les objectifs définis au cours de la Conférence Mondiale sur l’Education Pour Tous et au cours du Sommet Mondial de l’Enfant, réalisés en 1990, à répondre aux besoins éducatifs de tous nos peuples en rendant l’éducation de base universelle et en augmentant les chances d’apprentissage pour les enfants, les adolescents et les adultes. » 104

C’est dans le Traité de Salamanque que les principes politiques et pratiques en matière d’éducation et de besoins éducatifs spécifiques furent énoncés de manière plus claire. Dans ses principes, la Déclaration de Salamanque réaffirme le droit fondamental de l’enfant à l’éducation, reconnaît le fait que chaque enfant possède les caractéristiques, les intérêts, les aptitudes et des besoins d’apprentissage propres et affirme que les systèmes éducatifs doivent être conçus de manière à répondre à la diversité des élèves. Elle proclame le fait que les personnes présentant des besoins éducatifs spécifiques doivent avoir accès aux écoles régulières et que ces dernières doivent les intégrer dans un système pédagogique centré sur l’élève et capable de répondre à leurs besoins.

Les écoles régulières ayant une tendance intégrative, conformément aux principes cités, constituent, selon la Déclaration, le moyen le plus efficace de combattre les attitudes discriminatoires, en créant des communautés d’accueil, en édifiant une société intégrative et en atteignant l’objectif de l’éducation pour tous.

Dans la sphère politique, elle exhorte les gouvernements de chaque pays à donner la plus grande priorité au sein des politiques et des budgets à l’amélioration de ses systèmes d’enseignement afin de pouvoir accueillir tous les enfants, indépendamment des différences ou des difficultés individuelles. Chaque pays doit ainsi adopter, par loi ou politique, le principe de l’éducation intégrée accueillant tous les enfants dans les écoles régulières, à moins que des raisons impérieuses ne les en empêchent. Les pays doivent également mettre en place des mécanismes décentralisés de participation pour la planification, le contrôle et l’évaluation des services effectués en faveur des enfants et des adultes qui présentent des besoins éducatifs spécifiques, encourager et faciliter la participation des parents, de la communauté et des organisations des personnes en situation de handicap dans la planification des mesures prises pour répondre aux besoins éducatifs spécifiques et aux décisions prises.

En accord avec la Déclaration de Salamanque, les besoins éducatifs spécifiques s’appliquent à tous les enfants et adolescents dont les besoins découlent de déficiences ou de difficultés d’apprentissage. 105

Concernant les pratiques pédagogiques, elle prévoit que :

  • Le programme doit être flexible en adaptant les programmes aux besoins des enfants et non l’inverse
  • Les enfants présentant des besoins éducatifs spécifiques doivent bénéficier d’un appui pédagogique supplémentaire pour garantir le droit à la même éducation
  • L’enseignement devra être lié à l’expérience personnelle des élèves et à leurs préoccupations pratiques, afin de mieux les motiver
  • L’évaluation sera formative, intégrée au processus éducatif commun.

Pour Baumel, les fondements de l’école inclusive résident essentiellement dans la valorisation de la diversité, la réelle participation de l’élève dans l’expérience scolaire et de celle de toute la communauté pour l’inclusion ; l’engagement d’offrir un appui afin que tous les élèves réussissent avec succès et la recherche de la qualité de l’éducation. Un programme inclusif doit garantir l’accès de tous les élèves à l’acquisition de la connaissance à travers leur participation. Ainsi, Baumel rappelle que le programme inclusif doit s’appuyer sur sa fonctionnalité et orienter les pratiques extérieures à l’environnement scolaire tout au long de la vie des élèves, en leur proportionnant des apprentissages qui font appel à des situations significatives. 106

Gordon Porter définit le programme inclusif comme étant  «un programme commun à tous les élèves, qui garantisse un enseignement aux niveaux diversifiés et donne aux élèves de tous les niveaux l’opportunité de participer de manière positive aux activités de la classe. Cela implique le développement d’un programme basé sur des activités qui permettent que les élèves « apprennent en faisant ». Un programme inclusif se base sur un processus et des contenus qui faciliteraient la collaboration entre les élèves et les professeurs, de manière à atteindre un apprentissage significatif pour chaque élève. » 107

Selon la Déclaration de Salamanque, la gestion de l’école est appelée à développer des modalités de gestion plus flexibles, à faire une nouvelle planification des ressources pédagogiques, à diversifier les options éducatives, à organiser une assistance mutuelle entre les élèves, à développer un appui pédagogique en faveur de ceux qui présentent des difficultés d’apprentissage et à établir d’étroites relations avec les parents et la communauté. Une bonne gestion de l’école dépend de la participation active et créative des professeurs et du reste du personnel, de la collaboration et du travail en équipe, afin de satisfaire les besoins des élèves.

Par son caractère stratégique et fondamental, la formation des professeurs a attiré l’attention de nombreux auteurs qui souhaitent développer une éducation inclusive.

De fait, l’Unesco a débuté, en 1988 un projet expérimental de formation des professeurs qui devait être le point de départ de la transformation de l’éducation dans une persective inclusive.

Les notions de collaboration et de réflexion sont les piliers sur lesquels le projet s`est construit. Il souhaitait « encourager les professeurs à inspirer confiance et à être davantage compétents dans l’apprentissage, grâce à un processus de réflexion », en comprenant l’importance du dialogue avec les collègues, les parents et les autres professeurs dans le but d’arriver à une meilleure compréhension et de trouver davantage de possibilités entraînant, dans la pratique, une amélioration. 108

Le projet partait du constat que les professeurs, dans de nombreux pays, n’étaient pas habitués à l’idée de la pensée stratégique et ne considéraient pas que l’implantation de changements au sein de la classe relevaient de leurs responsabilités.

Le projet se base sur les courants de pensée issus de la psychologie cognitive qui défendent l’idée qu’apprendre relève d’un processus personnel de signification - action, dans lequel chaque participant, au cours d’une leçon ou d’une activité déterminée, construit sa propre version de cette expérience partagée. Le projet a pour objectif de travailler en reconnaissant dans le processus personnel de signification – action les implications de chaque participant dans le chemin que chaque professeur va suivre pour planifier ses leçons et les techniques qu`il va utiliser pour organiser la classe.

Parmi les diverses conclusions apportées par le projet de l’UNESCO qui donna naissance à la Déclaration de Salamanque, nous pouvons noter certaines constatations intéressantes pour notre thèse :

  • En relation aux aspects clés de l`enseignement en classe, les professeurs reconnaissent que les débuts de chaque leçon ou activité sont particulièrement importants lorsque les élèves reçoivent de l’aide pour comprendre leur but et leur sens. Ainsi, les professeurs ont l’habitude d’interroger les élèves pour les aider à se souvenir d’expériences antérieures et de connaissances auxquelles la nouvelle connaissance peut être reliée.
  • Une stratégie particulièrement forte semble consister à reconnaître que les deux ressources les plus importantes pour apprendre sont les professeurs et les élèves. La coopération entre les élèves semble être une manière particulièrement bonne pour créer les conditions en classe qui peuvent maximiser la participation et permettre à tous d’atteindre un bon niveau d’apprentissage.

Dès lors, la valorisation professionnelle des professeurs à partir de cette expérience extensive, dans près de cinquante pays, s’est concentrée sur la manière dont les travaux sont conceptualisés. Les opportunités de nouvelles possibilités, l’appui à l’expérimentation, la réflexion et l’apprentissage à partir de cette expérience, sont considérés comme les principales stratégies. 109

Pour construire des classes davantage inclusives, le projet suggère trois facteurs clés :

  • La planification pour la classe comme tout
  • L’utilisation des propres élèves comme ressources naturelles de soutien à l’apprentissage, reconnaissant que l’apprentissage est un processus social.
  • L’improvisation, la capacité de modifier les plans et les activités au fur et à mesure, en réponse aux réactions des élèves de la classe. C’est essentiellement à travers ce processus que les professeurs peuvent encourager une participation active et en même temps, aider chaque élève à s`approprier personnellement le contenu de la leçon.

Concernant le travail de coopération entre les professeurs, Ainscow réaffirme l’importance des dialogues qui doivent aller au delà de simples discussions. Ils représentent des formes d’interaction qui apportent une aide dans la résolution des problèmes. Cela conduit à une « aventure critique » dans laquelle une communauté de professeurs, engagée dans une action de perfectionnement, utilise ses multiples perspectives comme des opportunités pour une réciprocité d’interprétations. 110

Cette forme de réflexion critique, réalisée en collaboration avec les collègues, est spécialement importante, selon Ainscow, dans le domaine des besoins éducatifs spécifiques. Il souligne l’importance de l’action et de la réflexion, ainsi que de la compréhension du fait que les méthodes sont des constructions sociales basées sur des idéologies. Elles peuvent , dans de nombreux cas, empêcher la compréhension des implications pédagogiques des relations de pouvoir au sein de l’éducation. Une vision ‘non critique’ peut conduire à des formes de travail qui entretiennent un regard centré sur la déficience de certains enfants. Il est donc nécessaire d’aider les professeurs dans leur perfectionnement en tant que professionnel plus réflexif et critique, afin de dépasser les limitations et les dangers de conceptions rétrogrades. 111

Pour cet auteur, la pratique de ces principes tend à influencer la perception que les professeurs ont d’eux-mêmes et la manière dont ils voient leur travail, développant une organisation d’apprentissage. Dès lors, un changement plus profond de toute la culture scolaire tend à se concrétiser. La présence d’enfants qui ne correspondent pas au stéréotype traditionnel du « bon élève » encourage, d’une certaine manière, les professeurs dans leur recherche d’un culture davantage collégiale et d’une aide mutuelle pour expérimenter de nouvelles réponses éducatives. Ainsi, les activités de résolution des problèmes peuvent peu à peu se transformer en des fonctions qui définissent la réalité de l’école inclusive, constituantes de sa culture. 112

Enfin, le projet souligne l’existence d’un autre facteur tout aussi décisif dans la construction de l’école inclusive : l’engagement, au delà de l’équipe pédagogique, des parents et des membres de la communauté. Il est fondamental, dans cette perspective, de repenser les rôles des spécialistes traditionnels de l’éducation spéciale.

Le passage des enfants en situation de handicap vers des institutions d’enseignement régulier est fréquemment vécu comme une perte pour les institutions spécialisées : perte de pouvoir, redéfinition des territoires et besoin de transformation des structures et du personnel. De ce point de vue, l’inclusion peut apparaître comme une menace pour l’outil de travail des professionnels des secteurs spécialisés qui ont besoin de reconsidérer leur identité professionnelle. 113

Concernant les rôles des spécialistes, il est possible de constater, selon Ainscow, trois situations qui reflètent clairement le passage de l’intégration vers l’inclusion :

  • Permanence des rôles : situation dans laquelle nous répondons aux élèves qui ont des difficultés, dans les conditions éducatives existantes, et, en agissant de cette manière, nous contribuons probablement à maintenir inconsciemment le statu quo.
  • Des rôles en mutation : situation dans laquelle nous répondons aux élèves qui ont des difficultés, avec les conditions éducatives existantes, en cherchant à adapter ces mêmes conditions
  • Des rôles en développement : situation dans laquelle nous répondons aux élèves qui ont des difficultés, à partir d`un travail réalisé avec les collègues, faisant naître de nouvelles conditions qui facilitent l`apprentissage des élèves. 114

En Juin 1999, à Guatemala City, la Convention Interaméricaine pour l’élimination de toutes les formes de discrimination envers les personnes en situation de handicap visait à prévenir et à mettre fin à toutes les formes de discrimination dont elles sont victimes, afin de favoriser leur intégration dans la société.Elle définissait clairement la notion de discrimination en la distinguant de la différenciation à des fins éducatives. La discrimination contre les personnes ayant une déficience signifie « toute différenciation, exclusion ou restriction basé sur la déficience (…) qui a pour effet ou but de faire obstacle ou d’annuler la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales des personnes présentant une déficience. » 115

Elle indique que ne sont pas considérés comme discrimination «  la différenciation ou la préférence adoptée par l’Etat pour promouvoir l’intégration sociale ou le développement personnel des handicapés à partir du moment où la différenciation ou la préférence ne limite pas le droit à l’égalité de ces personnes et qu’elles ne soient pas obligées d’accepter une telle différenciation. » 116

Dix ans après la Conférence de Jomtien, le Sommet Mondial sur l’Education, qui se tient à Dakar, au Sénégal, expose la situation de l’éducation dans le monde :

‘« Le Bilan mondial de l’éducation pour tous (EPT) à l’an 2000 montre que des progrès importants ont été accomplis dans beaucoup de pays. Cependant, il est inacceptable, en l’an 2000, que plus de 113 millions d’enfants n’aient pas accès à l’enseignement primaire, que l’on dénombre encore 880 millions d’adultes analphabètes, que la discrimination sexuelle continue de sévir dans les systèmes éducatifs et que la qualité de l’apprentissage et l’acquisition de valeurs humaines et de compétences soient loin de répondre aux aspirations et aux besoins des personnes et des sociétés. Des jeunes et des adultes n’ont pas accès aux compétences et aux connaissances nécessaires pour trouver un emploi rémunéré et participer pleinement à la vie de la société.» 117

Face à ce contexte, le Sommet de Dakar cherche à renforcer les droits d’accès à l’éducation, en particulier pour les groupes les plus défavorisés. Il définit six objectifs qui doivent être réalisés d’ici à 2015 : 118

  1. Développer et améliorer sous tous leurs aspects, la protection et l’éducation de la petite enfance
  2. Garantir une éducation primaire universelle, gratuite et obligatoire d’ici à 2015.
  3. Un accès équitable à des programmes adéquats ayant pour objectif l’acquisition de compétences pour la vie courante
  4. Améliorer de 50% les niveaux d’alphabétisation des adultes
  5. Eliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire d’ici 2005 et instaurer l’égalité d’ici à 2015.
  6. Améliorer sous tous ses aspects la qualité de l’éducation

En juin 2001, le Conseil Canadien de la Réadaptation et du Travail, organise le Congrès International sur une Société Inclusive dans le but de faire avancer les politiques et les pratiques inclusives. La Déclaration Internationale de Montréal vise l’engagement des différents secteurs de la société : les gouvernements, les travailleurs et la société civile avec le développement de la société inclusive dans tous les milieux, produits et services. Elle souligne le fait que la question de l’inclusion est de la responsabilité de la société dan son ensemble et non seulement du secteur éducatif. 119

Au Québec, les contributions dont les stratégies visent la construction d’écoles inclusives sont innombrables. Les auteurs, dans un travail sur l’éducation inclusive soulignent neuf facteurs ou conditions pouvant influencer la qualité de l’inclusion :

  • Les aspects sociaux et légaux (lois, médias, opinion publique…)
  • L’organisation scolaire (politiques scolaires)
  • L’enseignement (l’ensemble des aspects pédagogiques liés à l’enseignemen / l’apprentissage, ex. la coopération, etc)
  • Les services de soutien (ressources humaines qui viennent appuyer régulièrement l’enseignement ou l’apprentissage, le développement global de l’élève et le processus d’inclusion dans son ensemble, thérapeutes, spécialistes, soutien pédagogique…)
  • Le milieu communautaire ( lieux extérieurs à l’école, travail, loisir…)
  • L’encadrement et le suivi ( l’inclusion scolaire est un processus lent qui doit être encadré. Plusieurs mécanismes comme la création du comité consultatif ou le plan d’intervention personnalisé et le plan des services individualisés qui traitent des mesures progressivement mises en place pour assurer un passage harmonieux de l’élève à l’enseignement moyen et supérieur.
  • Les attitudes. Cet aspect est transversal par rapport aux autres puisqu’il porte sur les attitudes adoptées à l’égard des élèves par les différents acteurs sociaux
  • La préparation des agents ( par « agents »nous entendons l’ensemble des personnes ou organismes du monde scolaire. Il y a ensuite les autres intervenants tels que les parents, les entreprises, les élèves...). 120

Le Royaume-Uni a également développé par le Centre d’Etudes en Education Inclusive un matériel connu comme l’Index for Inclusion : Developing Learning and Participation in Schools. Ce matériel, publié en 2000, a été distribué à toutes les écoles et autorités locales anglaises afin de contribuer, dans une perspective inclusive, au processus de transformation des écoles d’enseignement de base et moyen. 121

L ‘Index est organisé à partir de trois dimensions, de manière à agir au niveau culturel, au niveau des politiques et des pratiques pédagogiques.

Chaque niveau est divisé en sous niveaux comme par exemple la dimension des pratiques qui se divise en 2 chapitres : « en planifiant l’apprentissage » et « en mobilisant les ressources ». De manière générale, les pratiques réaffirment les principes de base de l’école inclusive, en soulignant l’importance de l’apprentissage en collaboration, de la participation de tous les élèves, de la réduction des barrières, de l’engagement de tous à soutenir l’apprentissage et à utiliser l’expérience de la communauté, des spécialistes, des élèves et des professeurs comme des ressources pour l’apprentissage

Une différenciation du travail pédagogique est également préconisée, définie comme « un processus par le biais duquel la planification et la manière dont le contenu des programmes est travaillé dans la classe, prennent en compte les différences individuelles et associent ce qui est enseigné et comment cela est enseigné aux styles d’apprentissage et aux besoins individuels e chaque élève. » 122

L’Index est une importante contribution à l’éclaircissement du concept de soutien. Largement utilisé, le soutien a traditionnellement été utilisé pour les élèves ayant des difficultés d’apprentissage. Comment le situer dès lors dans une perspective inclusive ?

Ce soutien est entendu ici comme provenant aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur de l’univers scolaire. Partant de l’ expérience vécue par les professeurs en classe, l’Index renforce l’idée que le concept de soutien ne doit pas dévaloriser ou déconsidérer la pratique quotidienne. Ainsi, dans une pratique inclusive, le soutien peut prendre différentes formes :

  • Une des formes de soutien est issue des structures qui permettent aux professeurs de s’aider mutuellement (...) Un groupe de professeurs se retrouve régulièrement pour discuter d’un enfant en particulier ou plus communément, d’un problème plus général relatif aux barrières qui font obstacle à l’apprentissage et à la participation des groupes d’élèves. Une variation de ce thème est la participation d’un consultant visiteur
  • La présence d’un second adulte en classe (enseignement en collaboration)
  • Des enfants aidant des enfants. En Chine, un tel soutien est considéré comme un devoir des enfants les plus brillants. Le soutien mutuel a été particulièrement effectif pour l’enseignement de la lecture, lorsque le « tuteur » (l’élève qui sert de soutien) est bien préparé et que l’élève qui reçoit le soutien est disposé à accepter cette aide.
  • Le soutien du coordinateur des besoins spécifiques et ou des assistants de soutien à l’apprentissage (travail en groupe dans la classe)
  • Des psychologues éducatifs (soutien externe)
  • Des liens entre le foyer et l’école, comme par exemple, les professeurs qui visitent les familles. 123

Concernant le soutien, Armstrong note que contrairement aux dispositifs de soutien associés à l’intégration, le modèle d’éducation inclusive suppose l’acceptation du fait que tous les adultes présents dans la salle de classe sont là pour enseigner et apporter leur soutien à tous les élèves, quelques soient leurs différences. Ainsi, les élèves ont le même droit de recevoir soutien et attention et cela remet en cause le modèle déficitaire de l’élève handicapé dépendant, sans autonomie et ayant besoin d’aide. Cela suppose également plus de flexibilité et de collaboration, supérieures au simple fait d’imposer un modèle dans lequel un élève ou un groupe reçoit visiblement et de manière évidente un traitement différencié de celui des autres. 124

Pour mieux visualiser les fondements se référant à l’inclusion, nous résumerons dans le tableau ci-dessous, les points analysés jusqu’ici :

Tableau 9 – Fondements de l’inclusion
Tableau 9 – Fondements de l’inclusion

Nous pouvons constater jusqu’ici, que d’innombrables efforts ont été fait pour atteindre cette transformation de l’éducation vers l’inclusion. Cependant, il existe une réelle difficulté à sa réalisation de fait. En tant que processus complexe et long, l’inclusion ne peut simplement être décrétée par lois et arrêtés administratifs. De nombreux pays doivent encore face à une réalité frustrante et distante des principes inclusifs aussi bien quantitativement que qualitativement.

Au Québec, en 1994, le pourcentage d’élèves inclus dans les classes régulières recevant un soutien ou fréquentant les classes de ressources étaient de 59% en maternelle, 23% dans l’enseignement de base et seulement 2% dans l’enseignement moyen. 125

En Angleterre, après le rapport Warnock et la Loi de 1981, l’éducation spéciale fut réimplantée dans les écoles et les collèges réguliers. Cependant, comme le constate Armstrong, malgré les efforts fournis pour rompre avec l’approche médicale concernant les enfants en situation de handicap, dans la pratique, les Anglais continuèrent à utiliser les catégories originaires de cette approche médicale, s’efforçant de substituer les catégories jugées négatives par d’autres terminologies. La compétitivité entre les écoles dont les résultats sont divulgués chaque année favorisent encore le processus d’exclusion. 126

En France, Jean Ferrier, alors directeur du Ministère de l’Education Nationale, déclarait, au cours d’une de ses interventions en 1991 : « Quoiqu’on en dise, je ne pense pas que les moyens soient le grand problème (...) Selon mon point de vue, la difficulté réside dans la communication entre des partenaires qui ont des cultures, des besoins, des attentes et des champs de compétence différents ». 127

Le rapport de l’Inspection générale française offre en 1999, une vision globale de l’état actuel de l’inclusion scolaire. Il dénonce avec une grande vivacité, aussi bien les processus d’exclusion de certains enfants du système médico – psycho – pédagogique que ce qui freine le développement de l’inclusion scolaire : les préjugés, les peurs, le refus de la responsabilité de la part des acteurs, et sur le plan institutionnel, les dysfonctionnements des dispositifs et la bureaucratie qui entravent les chances de mettre en place des actions coordonnées. A l’image des autres pays, en France, l’inclusion en maternelle est apparemment mieux prise en charge que dans les niveaux d’enseignement suivants. 128

Concernant le partenariat ou le travail de coopération entre les professionnels, aspect fondamental de l’inclusion, une étude a été réalisée en France par Brigitte Belmont et Aliette Vérillon à partir d’enquêtes menées sur les relations entre les professeurs des classes ordinaires et les professeurs spécialisés relatives à l’inclusion scolaire en maternelle et dans l’enseignement de base. L’hypothèse de départ consiste à dire que les collaborations mèneraient à une meilleure adaptation des processus pédagogiques si les partenaires développaient des relations accompagnées où ils auraient la possibilité de parler des pratiques mises en action. Cette étude a été réalisée auprès de 98 professeurs au cours des années 1993 et 1994. Les chercheurs constatent tout d’abord qu’il existe un grand nombre d’interlocuteurs spécialisés avec lesquels les professeurs sont en relation tout au long de l’année et plus précisément chaque trimestre. Cependant, la majeure partie du temps, ces professeurs ont un interlocuteur privilégié, en maternelle, cet interlocuteur est l’éducateur spécialisé. Le thème des progrès et des difficultés des enfants est plus fréquemment mentionné que le thème des pratiques à adopter. D’où les conclusions des chercheurs : « Les modes de rencontre qui existent généralement ne semblent pas offrir les meilleurs conditions pour que s’établisse une collaboration centrée sur les pratiques». 129

La recherche montre également qu’au delà des attitudes d’ordre pédagogique, des dimensions d’ordre plus général apparaissent. Par exemple, les professeurs qui se disent « partisans de la peine de mort » sont proportionnellement plus nombreux à préconiser l’orientation vers un circuit spécialisé. Pour les auteurs, derrière cela, se cachent des visions plus globales du monde qui structurent fondamentalement l’acceptation par les professeurs des enfants en situation de handicap.

Les barrières des attitudes semblent constituer uns des plus grandes entraves à l’inclusion. En Roumanie, une récente étude révèle que les attitudes négatives des professeurs et des adultes constituent la plus grande barrière à l’inclusion. Il est clair que les enfants n’ont pas de préjugés avant que les adultes ne les leurs enseignent. Le témoignage d’une personne en situation de handicap renforce l’idée que les « attitudes sont plus importantes que les faits, les circonstances, les échecs ou les succès. Les attitudes peuvent construire ou détruire une entreprise, un foyer. Cependant, tous les jours, nous pouvons choisir l’attitude à adopter. La vie est à 10% quelque chose qui nous arrive et à 90% comment nous y réagissons. Nous sommes maître de nos attitudes » 130

En Italie, selon Andrea Canevaro, « l’intégration est l’effort de connexion entre diverses données, et c’est avant tout dans notre tête que nous devons faire cet effort ». L’Espagne suit cette même lignée : le manque d’informations de la société et des professeurs est cité en premier lieu mais la rigidité administrative et l’insuffisance de moyens sont également mentionnés. Les Pays-Bas et la Grèce dénoncent le mur existant entre l’enseignement régulier et l’enseignement spécial et la Suisse se désespère de constater que « rien, au moment actuel, ne permet d’affirmer que le personnel enseignant se différencie radicalement des autres acteurs sociaux en relation à l’adoption d’une attitude ouverte face à l’intégration scolaire. Le Danemark insiste sur le fait que les moyens doivent être mis à disposition de l’institution scolaire pour que l’inclusion soit effective. 131

En résumé, bien que variant selon les contextes, tous les pays sont plus ou moins confronté aux mêmes problèmes concernant la construction d’une éducation inclusive.

Face au besoin de mobilisation, la Déclaration de Madrid est proclamée en mars 2002 par trente-quatre pays afin d’orienter les actions à développer à l’occasion de l’Année Européenne des Handicapés en 2003.

Cette Déclaration cherche à analyser la situation actuelle des handicapés dans l’Union Européenne et les facteurs qui mènent fréquemment à la discrimination, à l’exclusion sociale et à la pauvreté. Elle développe un programme avec des suggestions d’actions dans lesquels tous les acteurs clés ont un rôle important à jouer. Invitant à abandonner les attitudes discriminatoires et tendancieuses archaïques et à reconnaître les droits de tous les citoyens, elle renforce l’idée que la question des handicapés ne doit pas se limiter à quelques secteurs spécifiques mais doit faire partie de toutes les sphères de la société afin de construire une société pour tous. 132

En résumant sa vision par la formule : Non discrimination + action positive = inclusion sociale, la Déclaration de Madrid a développé un vaste programme incluant des mesures légales, des changements de comportement, des services pour la promotion de la vie autonome, une aide aux familles des handicapés, une attention particulière aux femmes en situation de handicap, des efforts en relation à l’emploi des handicapés, à leur inclusion sociale ainsi qu’à leu participation active dans tous les programmes et mesures.

La déclaration de Madrid est, avant tout, la constatation que beaucoup doit encore être fait dans le combat à l’exclusion scolaire et sociale.

Au Brésil, les programmes contre l’analphabétisme et la faim se sont ajoutés à la formation des professeurs, à l’amélioration des ressources et de l’accessibilité au système éducatif. Cependant, malgré les différentes mesures prises en faveur d’une école et d’une société inclusives, le pays souffre de grandes difficultés aggravées par la situation précaire de l’éducation en général.

Le rapport global de l’Education pour Tous, divulgué par l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (Unesco) en 2005 présente le classement des pays selon l’Indice de développement de l’Education (IDE) – une formule qui additionne toutes les données de l’alphabétisation, l’inscription en école primaire, la qualité de l’éducation et la parité de genre à l’école.

Parmi les 121 pays, le Brésil se place à la 71ème place pour ce qui est de la qualité de l’éducation, en 85ème place par rapport au nombre d’enfants qui entrent au collège. 133

Le même Rapport montre que le pays compte près de 16 millions d’analphabètes, ce qui le place parmi les douze pays ayant le plus grand nombre d’analphabètes et concentre 1,9% de la population mondiale ne sachant ni lire ni écrire.

En octobre 2006, le rapport annuel Education for All Global Monitoring Report, publié par l’UNESCO constate que l’achèvement de l’école primaire reste un grand défi: en Amérique Latine et aux Caraïbes , moins de 83% des enfants inscrits en CP à l’école primaire atteignent le CM2. 134

Au vu de ces chiffres, comment transformer le système scolaire pour atteindre l’inclusion ? Comment mettre fin à cette impression que nous stagnons depuis des années avec des discours, des dispositifs et des institutions sans atteindre de transformation effective ? Quels référents pourraient aider à une inclusion scolaire effective au Brésil ?

Tournons notre regard vers Paulo Freire, philosophe et pédagogue, produit de la culture brésilienne, internationalement reconnu pour sa lutte contre l’exclusion des groupes opprimés. Jusqu’à quel point sa pensée et son œuvre sont-elles susceptibles de constituer des référents pour penser et agir l’inclusion des enfants en situation de handicap au sien de l’actuelle école brésilienne ? Nous avançons l’hypothèse que la notion d’ « Ecole Populaire », comme la définit Paulo Freire, trace les ruptures nécessaires au passage de pratiques éducatives et pédagogiques « excluantes » à des pratiques ouvertes à la diversité, en particulier pour les enfants atteints d’une déficience et présentant des besoins éducatifs spécifiques.

Aussi analysons-nous maintenant les travaux de Paulo Freire.

Notes
89.

SHNAPPER, (D.), Cité par PLAISANCE, (E.), « Quelle intégration ? », in Dossier documentaire. L’intégration scolaire des élèves en situation de handicap I : Politiques et dispositifs., N°13, Paris : CTNERHI/CNEFEI, 1999. pp. 3-9

90.

DUBET, (F.) ; MARTUCELLI, (D.), Dans quelle société vivons-nous ? Paris : Seuil. 1998. p. 36

91.

BONJOUR, (P.) ; LAPEYRE, (M.), Handicaps et vie scolaire : L’intégration différenciée, Lyon : Chronique sociale, 1994. p. 157

92.

ARMSTRONG, (F.), « Intégration ou inclusion ? L’évolution de l’éducation spéciale en Angleterre. Une étude de cas », Revue Française de Pédagogie, n°134, INRP, 2001. pp.87-96

93.

Ibid.

94.

DORÉ, (R.) ; WAGNER, (S.) ; BRUNET, (J-P.), « L’intégration scolaire au Québec : les principales conceptions, les défis et les facteurs de réussite au secondaire », in Reliance n°7, Lyon : CRHES, 2002. pp. 3-7

95.

SALEH, (L.) ; VÄYRYNEN, (S.), « Inclusive Education – Consensus, conflict and challenges », in II Jornades sobre les Necessitats Educatives Especials a l’Aula , UNESCO, 1999. pp. 1-19

96.

BONJOUR,(P.) ; GARDOU, (Ch.) ; POIZAT, (D.), « Situations de handicap : aménagements des concepts ou ruptures ? », ,in Reliance , n°8, Lyon : CRHES, 2001. p.1

97.

AINSCOW, (M.), « Educação para todos :Torna-la uma realidade », Comunicação apresentada no Congresso Internacional de Educação Especia l, Birmingham, Inglaterra, 1995. p.13-14

98.

MITTLER, (P.), Educação Inclusiva. Contextos Sociais, Porto Alegre : ARTMED, 2003. pp. 25-34

99.

ARMSTRONG, (F.), op.cit., pp.87-96

100.

CORBETT, (J.) ; SLEE, (R.), « An international conversation on inclusive education ». Cité par ARMSTRONG (F.), Ibid.

101.

GARDOU, (Ch.) ; DEVELAY, (M.), « Ce que les situations de handicap, l’adaptation et l’intégration scolaires ‘disent’ aux sciences de l’éducation », in Revue Française de Pédagogie   : Situations de handicaps et institution scolaire , n°134, INRP, 2001. pp. 15-24

102.

CONFERÊNCIA MUNDIAL SOBRE NECESSIDADES EDUCACIONAIS ESPECIAIS. Declaração de Salamanca, Conferência Mundial sobre necessidades edicacionais especiais : acesso e qualidade, Salamanca, 1994. pp. 1-47 Disponible sur <http://portal.mec.gov.br/seesp/ arquivos/pdf/salamanca. pdf>

103.

UNICEF. Declaração Mundial sobre Educação para Todos, Conferência de Jomtien, 1990. Disponible sur : < http://www.unicef.org/brazil/jomtien.htm>

104.

ONU.Declaração de Nova Delhi sobre Educação para Todos, 1993. Disponible sur : <http://www.direitoshumanos.usp. br/counter/Onu/Educacao/texto/delhi.html>

105.

UNESCO. Declaração de Salamanca.Op.cit., p.6

106.

BAUMEL, (R.C.R.) ; SEMEGHINI (orgs.), Integrar/Incluir. Desafio para a escola atual, São Paulo : FEUSP, 1998. pp.36-41

107.

PORTER, (G.), « Organização das Escolas : Conseguir o acesso e a qualidade através da inclusão. » Propects . Vol XXV, n°2, Junho 1995, UNESCO, p.45

108.

AINSCOW, (M.), « Towards inclusive schools : some lessons from the UNESCO project ‘Special needs in the classroom », II Jornades sobre les Necessitats Educatives Especials a l’Aula, UNESCO, 1999. pp. 20-33

109.

AINSCOW, (M.), op.cit. pp.20-33

110.

AINSCOW, (M.), « Educação para todos :Torna-la uma realidade », Comunicação apresentada no Congresso Internacional de Educação Especial, Birmingham, Inglaterra, 1995. p. 18

111.

AINSCOW, (M.), op.cit., pp.19-20

112.

Ibid., pp.22-23

113.

LESAIN-DELABARRE, (J-M.), « L’intégration scolaire en France : une dynamique paradoxale » in Dossier documentaire. L’intégration scolaire des élèves en situation de handicap : I Politiques et dispositifs. N°13, CTNERHI/CNEFEI, 2004. pp.41-46

114.

AINSCOW, (M.), op.cit,p.27

115.

CONVENÇÃO INTERAMERICANA PARA A ELIMINAÇÃO DE TODAS AS FORMAS DE DISCRIMINAÇÃO CONTRA AS PESSOAS PORTADORAS DE DEFICIÊNCIA. Disponible sur : <http://www.bancodeescola.com/guatemala.htm>

116.

Ibid.

117.

ONU. Declaração de Dakar. 2000. Disponible sur : <http://www.direitoshumanos.usp.br/counter/ Onu/Educacao/ texto/texto_4.html>

118.

Ibid.

119.

DECLARAÇÃO INTERNACIONAL DE MONTREAL SOBRE INCLUSÃO. Disponible sur : <http://www.apaedf.org.br/ inter_montreal.htm>

120.

DORÉ, (R.) ; WAGNER, (S.) ; BRUNET, (J-P), « L’intégration scolaire au Québec : les principales conceptions, les défis et les facteurs de réussite au secondaire », in Reliance, n°7, Lyon :CRHES, 2002. pp.3-7,

121.

MITTLER, (P.), Educação inclusiva. Contextos sociais, Porto Alegre : Artmed, 2003. pp. 163-165

122.

PHILLIPS, (S.) et al., cité par MITTLER, (P.), op.cit., p.166

123.

MITTLER, (P.), o p.cit., pp.170-173

124.

ARMSTRONG, (F.), op.cit.,pp.87-96

125.

DORÉ, (R.) ; WAGNER, (S.) ; BRUNET, (J-P.) o p.cit. pp.3-7

126.

ARMSTRONG, (F.) « Les paradoxes de l’éducation inclusive en Anglaterre », in CHAUVIÈRE, (M.) ; PLAISANCE, (E.), L’Ecole face aux handicaps, Éducation spéciale ou éducation intégrative ? , Paris : PUF, 2000. pp 117-132

127.

BONJOUR, (P.) ; LAPEYRE, (M.), Handicaps et vie scolaire. L’intégration différenciée , Lyon : Chronique sociale, 1994. p. 159

128.

MINISTÈRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ ; MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. Rapport sur l’accès à l’enseignement des enfants et adolescents handicapés,1999. Vol. 1 et 2. Passim.

129.

BELMONT, (B.) ; VERILLON, (A.),  « Intégration scolaire d’enfants handicapés à l’école maternelle : partenariat entre enseignants de l’école ordinaire et professionnels spécialisés », in Revue Française de Pédagogie, n°119, 1997. pp.15-26

130.

SALEH, (L.) ; VÄYRYNEN, (S.) o p.cit., p. 1-19

131.

BONJOUR, (P.) ; LAPEYRE, (M.), o p.cit, pp.159-160

132.

CONGRESO EUROPEO SOBRE AS PERSONAS CON DISCAPACIDAD. Déclaration de Madrid.  Non-discrimination + action positive = l’inclusion sociale., Madrid, março de 2002. Disponible sur < http:/www.madriddeclaration.org>.

133.

PARAGUASSU, (L.), « Brasil é 71° em qualidade da educação. Relatório da Unesco assinala a precariedade do ensino no País, que tem maior taxa de repetência da América Latina », Journal A Tarde, 10 nov. 2005, Salvador. Disponible sur <http://www.meb.org.br/noticias/ unescoalfabetizacao>.

134.

UNESCO, “Cuidados e educação na primeira infância, o elo esquecido na corrente da educação”, 26 oct. 2006. Disponible sur: <http://www.unesco.org.br/noticias/releases/reportefa2006/mostra documento> .