Chapitre 3. Regard pédagogique

Les écoles populaires d'inspiration freirienne actuellement existantes au Brésil ont connu leur développement au début des années 1980. Avec le retour de Freire d'exil et sa nomination au poste de Secrétaire à l'Éducation auprès du gouvernement de São Paulo en 1980, les premières expériences pratiques fondées sur son œuvre ont vu le jour et ont été appliquées à l'enseignement de base, et pas uniquement à l'alphabétisation des adultes.

Le projet d' « École Citoyenne » peut être considéré comme l'un des premiers projets brésilien d'école populaire, parallèlement à l' « Interprojet ». Tandis que l'Interprojet fut développé et mis en place durant l'administration de Freire lui-même dans la commune de São Paulo, le projet d'École Citoyenne a été conçu par l'Institut Paulo Freire et, de là, implanté dans plusieurs municipalités, prenant des noms et des formes différents sans toutefois s'écarter de ses fondements.

Dans ce chapitre, nous cherchons à analyser quelques-unes unes de ces expériences pédagogiques, en montrant comment elles conservent, dans la théorie comme dans la pratique, les fondements d'une école inclusive.. 224

L'école populaire freirienne suppose une école qui assure la permanence de la scolarisation et qui s'engage sur la qualité globale de l'éducation : qualité de l'enseignement bien sûr, mais aussi de la vie en groupe qui, conjointement, permettent un développement complet et pas uniquement cognitif.

Cette éducation humaniste prend en compte la totalité de l’être humain, au lieu de le fragmenter et de privilégier certains aspects de sa personnalité et de ses potentialités. En ce sens, l’école populaire se veut flexible, adaptable à la diversité des apprenants, respectueuse de la singularité de chacun et de son identité culturelle et promotrice de son auto-estime.

Ce droit à l’éducation sous-tend le droit à la culture. L’école populaire est conçue comme un espace de vie et de production culturelles, car elle favorise l’accès des élèves au patrimoine culturel, mais aussi sa production. La reconnaissance et le développement de la culture populaire sont liées à une école tissée à sa communauté d’appartenance.

Mais la citoyenneté reste un mot vide de sens si les élèves n’exercent pas leur droit à la participation dans le processus éducatif : d’où la notion de gestion démocratique et d’espace de vie démocratique, dans lequel chacun est impliqué.

Les pouvoirs publics, qui coopèrent avec l’école et la communauté, sont responsables des directives générales qui orientent l’ensemble du réseau. Ils répartissent les dotations financières en considérant les besoins propres à chaque localité. Ils veillent à assurer les conditions professionnelles, salariales et promotionnelles des enseignants. Ils évaluent enfin les résultats éducatifs selon des critères de qualité.

L’école, elle définit son propre projet politique et pédagogique et crée des dispositifs, structures et stratégies suscitant la participation solidaire de la communauté à la gestion scolaire. Elle planifie l’utilisation des ressources financières et préserve le patrimoine public, en luttant contre toutes les formes de discrimination et de sélection, notamment lors des procédures évaluatives, envisagées plutôt comme moyens d’identification et de remédiation des difficultés d’apprentissage.

De son côté, la communauté est appelée à collaborer à la réalisation de la Carte Scolaire, au « moment ethnographique », comme à l’élaboration du projet politique et pédagogique. Elle veille à la juste utilisation des ressources et participe au choix des responsables et autres acteurs scolaires aussi bien qu’à la définition des critères d’accès et de permanence à/dans l’école.

On le voit, l’école populaire se définit par son autonomie dans la conception d’un projet éducatif, dit « Projet Politique-Pédagogique » (PPP), en fonction de son contexte local.

Notes
224.

Les experiences citées dans ce chapitre concernent l’Interprojet à São Paulo ; Escola Cabana , à Belém do Pará ; Escola Candanga dans le Distrito Federal ; Escola Plural à Belo Horizonte ; Escolas da Rede Municipal de Sorocaba ; Escola Cidadã à Porto Alegre. Cf. MARQUES, (S.M.), D’une école excluante à une école inclusive : La contribution de Paulo Freire à la transformation de la culture et des pratiques éducatives au Brésil, 2002. 174 p. Thèse (DEA en Sciences de l’éducation). Université Lumière-Lyon2, Lyon. 2002. Passim.