4.3 Valorisation de l’expérience et de la formation professionnelle des acteurs éducatifs

Deux questions (14 et 11) se rapportent au septième et dernier fondement : valoriser l’expérience, effectuer la formation et la professionnalisation de l’ensemble des acteurs éducatifs,

La question 14 (Vous sentez-vous préparé à répondre aux nouvelles exigences éducatives et pédagogiques que cela implique? Si oui, pourquoi et comment? Si non, pourquoi?) s’intéresse à la formation reçue par les professeurs et a été posée aux groupes 1 et 2. Les résultats sont les suivants:

Tableau 71 – (1) Professeurs travaillant avec les enfants à BES
Question 14. Vous sentez-vous préparé à répondre aux nouvelles exigences éducatives et pédagogiquesque cela implique? Si oui, pourquoi et comment? Si non, pourquoi? Quant.
oui  
- j’ai les capacités de travailler 1
- je me suis spécialisée pour travailler avec les sourds. Mais je ne me sens pas prête à travailler avec les enfants qui ont d’autres déficiences. (...) Je m’y sens préparée à condition que l’élève ne reste pas étranger à ce qui se passe. 1
- oui je me sens prête 1
Sous-total des réponses 3
non  
- il est difficile d’affirmer que nous sommes préparés 1
- je ne crois pas que je puisse dire que je suis prête 1
-j’ai besoin de plus de bases pour ça. 1
- je pense que pas encore (...)on manque de formation et d’outils pour surmonter certaines difficultés 1
-je n’y arrive pas, par exemple, un sourd qui souffre de déficience intellectuelle (..)réclame plus de préparation 1
- Je pense ce n’est pas suffisant par rapport aux BES, (...) il y a eu une formation organisée par le secrétariat la semaine dernière,mais j’ai trouvé ça léger 1
Sous-total des réponses 6
Total des réponses 9
Pas de réponses  
TOTAL 9
Tableau 72 – (2) Professeurs travaillant exclusivement avec les classes régulières, sans élèves à BES
Question 14. Vous sentez-vous préparé à répondre aux nouvelles exigences éducatives et pédagogiques que cela implique? Si oui, pourquoi et comment? Si non, pourquoi? Quant.
oui  
Sous-total des réponses 0
non  
- pas toujours. Je pense que je dois encore étudier, lire et apprendre beaucoup sur l’éducation spécialisée 1
- je ne trouve pas.(...) Je pense qu’une formation devrait nous être dispensée. Pas seulement une formation pédagogique et didactique, mais personnelle également (...) ça nous aiderait à réussir à surmonter ces difficultés. 1
-non, car la formation qu’on a reçue était assez limitée 1
- non, car avec la formation que j’ai reçue, je ne suis pas en condition de travailler avec les enfants qui ont des déficiences 1
- je ne suis pas professionnellement préparée à travailler avec des enfants qui ont des déficiences 1
Sous-total des réponses 5
Total des réponses 5
Pas de réponses  
TOTAL 5

3 interviewés du groupe 1 disent avoir reçu une formation adaptée. Cependant 11 des 14 interviewés affirment ne pas avoir reçu de formation adéquate ou suffisante pour répondre au défi de l’inclusion.

Certains disent éprouver une difficulté d’un point de vue émotionnel et souhaiteraient une formation qui ne travaille pas uniquement le côté technique et pédagogique mais qui leur confère également un appui émotionnel afin d’être préparé à travailler avec la diversité dans la classe. C’est le cas de la professeure PC2:

‘« Je ne pense pas. Parfois, je dis à Miriam : Jamais je ne réussirais à travailler avec ton groupe, mais ça s’apprend. Mais je dis que je ne me sens pas préparée parce que parfois tu te retrouves avec un élève qui a des difficultés et tu...tu penses, mon Dieu, je ne sais pas quoi faire de cet élève. On a suggéré cette année, au cours de la première rencontre avec l’équipe du secrétariat, que les rencontres soient formatrices pour nous aussi. Pour notre auto-estime. On en a besoin. Souvent on dit: “cet élève n’a pas une bonne estime de soi”. Mais nous non plus. Je pense qu’une formation devrait nous être dispensée.. Pas seulement une formation pédagogique et didactique mais personnelle aussi. Je pense que ça contribuerait à ce que l’on réussisse à mieux surmonter ces difficultés et à savoir travailler cette diversité en classe. »’

Le professeur PES4 souligne l’importance de la recherche constante pour affronter la diversité des situations:

‘« Je pense que pas encore. Tout d’abord tu ne sais pas ce que c’est, ensuite tu te poses des question sur ton travail et puis, tu fais des expériences et tu réussis à surmonter certaines choses mais il y a encore de nombreuses choses que tu n’arrives pas à surmonter : comment vais-je travailler ce problème? Par exemple, l’élève sourd est très, très agité, agressif, est-ce que si je le secoue, je le punis ça va s’arranger? Non... On manque de formation et d’outils pour surmonter certaines difficultés qui apparaissent au fur et à mesure et quand on en surmonte une, une autre apparaît. On cherche à construire en permanence et on tente de surmonter les difficultés parce qu’on n’a jamais le même groupe, il y a toujours des problèmes différents. » ’

De manière générale, tous semblent désirer une formation plus complète sur le sujet, c’est pourquoi nous pouvons conclure que cette question ne valide pas le thème.

La question 11 (Avez-vous le sentiment que cette union école populaire / inclusion a changé votre pratique professionnelle? Si oui, pourquoi? En quoi?) se réfère à l’expérience du professeur qui travaille avec les enfants à BES au sein de l’école populaire. Nous avons cherché à comprendre si ce contexte est formateur, s’il favorise la formation continue du professeur à travers l’expérience quotidienne.

Tableau 73 – (1) Professeurs travaillant avec les enfants à BES
11. Avez-vous le sentiment que cette jonction école populaire/inclusion a changé votre pratique professionnelle? Si oui, pourquoi? En quoi? Quant.
oui  
- Je pense que la recherche doit être attractive pour les professeurs. (...)à l’école populaire et dans l’éducation spécialisée, il y a une recherche constante. 1
- je vois qu’avec l’éducation populaire nous avons d’autres alternatives. Du matériel différent, des ateliers (...) Dans les écoles d’etat on n’en avait pas. Là-bas on n’y arrivé pas et on faisaient redoubler les élèves. 1
- je n’arrive plus à faire la classe de manière traditionnelle. Ca a changé dans le sens où nous avons besoin d’écouter davantage l’autre, pour, à partir de là, para, redonner du sens à la réalité. 1
- oui car ça te donne une autre vision (...) on voit l’élève différemment, on cherche à mieux comprendre sa situation, on regarde de quelle manière est faite son insertion, on prend tout ça en compte (...)certains ont plus de difficultés, d’autres de facilités, mais vont apprendre, je pense donc que ma vision de l’élève, ma manière de travailler, d’évaluer a changé. 1
- il est vrai que je ne saurais plus travailler de manière traditionnelle. Je fais plus attention à chacun. 1
- Je pense que les professeurs restaient fortement prisonniers du contenu et aujourd’hui notre savoir va au delà des sujets. On s’organise mieux par rapport à l’élève parce qu’on connait mieux l’élève. 1
Sous-total des réponses 6
Non  
-Non ça n’a rien changé car c’est mon premier travail et je ne peux pas faire de comparaison. 1
Sous-total des réponses 1
Total des réponses 7
Pas de réponses 2
TOTAL 9
Tableau 74 – (2) Professeurs travaillant exclusivement avec les classes régulières, sans élèves à BES
11. Avez-vous le sentiment que cette jonction école populaire/inclusion a changé votre pratique professionnelle? Si oui, pourquoi? En quoi? Quant.
oui  
- ça l’a changé,car au travers des lectures et des discussions, j’ai vu que ces enfants avaient une manière différente d’apprendre et qu’ils réussissaient à apprendre (...)ici il faut étudier davantage (..)ça change donc notre manière de penser, d’explorer les choses. 1
- cette vision qui veut que tous les élèves doivent être identiques, tous parfaits a changé. Et c’est pas comme ça, on a des élèves différents, des niveaux différents mais on doit apprendre à travailler avec ces différences. 1
- oui, au moment où je travaille sur les contenus spécifiques, scientifiques en partant de la réalité de l’enfant, et non sans lien avec son environnement, qu’il a l’opportunité d’avoir un espace et du matériel qui facilitent son apprentissage, qui proposent des alternatives diversifiées d’apprentissage. 1
- au niveau de la connaissance et de l’usage de la langue des signes, au niveau de la cohabitation et de la communication entre les entendants et les sourds. 1
Sous-total des réponses 4
Non  
- non car voir le fait que les sourds soient ici, fait partie de mon rêve. 1
Sous-total des réponses 1
Total des réponses 5
Pas de réponses  
TOTAL 5

10 des 12 réponses données affirment qu’un changement s’est opéré dans la pratique quotidienne depuis l’apparition de ce nouveau contexte.

Les changements les plus cités se réfèrent à la recherche constante, à la vision de l’élève, à une plus grande connaissance et préoccupation de l’élève.

La réponse de l’enseignante montre clairement en quoi consistent les exigences d’une nouvelle pratique pédagogique:

‘“ici, il faut davantage étudier. Avant j’avais des connaissances en mathématiques et pas plus. Maintenant il faut que je réfléchisse en permanence : le discours est le suivant, le thème c’est ça et la réalité ça. Que dois-je travailler pour surmonter ça...”ça change la manière dont on pense et on réfléchit sur les choses. Ça change, car au travers des lectures et des discussions, je vois que ces enfants ont une manière différente d’apprendre et qu’ils réussissent à apprendre.” ’

Ce discours réaffirme l’importance de la pratique des thèmes générateurs, qui, en partant de la réalité de l’élève, donne un sens à l’éducation. Il s’agit d’un élève réel, qui a des problèmes réels. C’est vers cet élève que l’école se tourne.

De manière évidente, cette pratique exige une plus grande implication du professeur qui doit travailler sa pratique pédagogique. L’enseignante PC2 donne son point de vue:

‘“Ecoute, il y a des moments où on a envie de tout envoyer valser. Quand par exemple, tu vas faire une activité avec un élève et tu vois qu’il éprouve encore des difficultés à écrire, dans l’interprétation, dans la manière de s’exprimer... mais après tu fais un certain travail qui est plus proche de lui et il te montre qu’il arrive à apprendre. Je pense que ça a changé. Traditionnellement, on s’arrêtait beaucoup sur le comportement, un cahier bien tenu, parce qu’un élève qui avait un cahier organisé et bien tenu avait des connaissances. Aujourd’hui non. Cette vision qui voulait que tous les élèves soient identiques, parfaits, a changé. Ce n’est pas comme ça. On a des élèves différents, des niveaux différents mais on doit apprendre à travailler avec ces différences.” ’

Le témoignage de PES4 confirme également la modification de sa pratique professionnelle:

‘“On voit l’élève de manière différente, on cherche à mieux comprendre sa situation, voir comment s’effectue son insertion, prendre tout ça en compte. Quand il a un problème et qu’ici dans la classe il commence à avoir une réaction violente, à balancer et à casser les chaises, on se dit qu’il y a une cause, et avant on ne pensait pas comme ça....Il a 7, il a 5 et c’est tout. Il est mauvais, il a 2...et maintenant (...) certains ont plus de difficultés, d’autres plus de facilités, mais tous vont apprendre alors je pense que ça a beaucoup changé ma vision de l’élève, ma façon de travailler, d’évaluer.” ’

Pour PES1, le savoir du professeur a considérablement augmenté grâce à la proposition populaire:

‘“Je pense que les professeurs restaient fortement prisonniers du contenu et aujourd’hui notre savoir va au delà des sujets. On s’organise mieux par rapport à l’élève parce qu’on connait mieux l’élève. Ce qui est mieux pour lui, comment l’amener à comprendre ça? Sur ce point là, on étudie plus, on s’organise, on s’investit plus. On élabore des textes, des exercices... Le professeur grandit beaucoup. Je pense qu’on peut répondre beaucoup mieux aux élèves.”’

Les réponses affirment clairement que l’école populaire favorise le développement professionnel de l’enseignant. D’un côté ces derniers affirment ne pas recevoir de formation pour travailler avec les élèves à BES, mais d’un autre, ils font partie d’une école où l’enseignant apprend beaucoup au quotidien sur sa pratique pédagogique. Nous pensons que ces deux aspects sont fondamentaux et complémentaires. La professionnalisation du professeur est aussi bien issue d’une formation consistante externe à l’école que de celle développée et actualisée quotidiennement à l’école. Ainsi étant, le thème n’est que partiellement confirmé.

Les réponses obtenues montrent que d’un point de vue pédagogique, les deux écoles étudiées peuvent être considérées comme inclusives. Elles présentent une pédagogie adaptée aux besoins de chaque enfant ainsi qu’une conception nouvelle des réussites et des difficultés de l’apprentissage des élèves. L’expérience de l’enseignant est valorisée bien que sa formation professionnelle soit insuffisante.

Voici un résumé global des résultats de notre recherche:

Tableau 75 – Résumé des resultats de la recherche
Fondement Thèmes et sous-thèmes Confirmation du thème
F1 Valorisation de la diversité confirmé
F2 Lutte contre l’exclusion et l’oppression confirmé
F3 Garantie de l’accès à l’éducation partiellement confirmé
F4
Encouragement à la participation  
- des élèves confirmé
- des professeurs confirmé
- dos parents partiellement confirmé
F5
Curriculum flexible et interdisciplinaire adapté aux besoins des élèves  
- pratiques interdisciplinaires confirmé
- aprentissages à partir du contexte réel
de l’élève
confirmé
- évaluation dialogique confirmé
F6 Les difficultés d’apprentissage sont attribuées à la résultante de l’intéraction élève/ programme scolaire/ stratégies pédagogiques confirmé
F7 Formation professionnelle et valorisation de l’expérience des professeurs partiellement confirmé

La grande majorité des thèmes de notre recherche est validée. L’hypothèse anoncée dans la deuxième partie de ce travail est confirmée dans la majorité des points, comme nous venons de le montrer.

Nous percevons des changements profonds concernant l’attitude, le comportement, le regard et les point de vue des acteurs.

La valorisation de la diversité et la lutte contre l’exclusion sont fort presentes dans leurs discours. Cela montre un changement de regard et une nouvelle attitude par rapport aux enfants à BES, em rupture avec la culture historiquement excluante.

Concernant l’accès à l’éducation, on constate de nombreuses difficultés. Cela reflète la complexité de cette question. Em effet, la garantie de l’accès à l’éducation est quelque chose qui depasse le cadre de l’école. Il est lié à des questions telle que la qualité de l’enseignement et de l’école, la formation professionnelle des enseignants et la continuité du parcours scolaire des enfants à BES. De ce fait, le problème requiert des actions plus amples, au niveau des politiques éducatives dans leur ensemble.

La participation des élèves et des enseignants à la vie scolaire est un autre aspect réel des pratiques scolaires. Cependant, la participation des parents est encore insuffisante. La collaboration de ces divers acteurs éducatifs se construit peu a peu, vers une nouvelle dynamique des relations entre les acteurs..

En ce qui concerne le curriculum, nous voyons des changements significatifs, qui sáppuient sur l’oeuvre de Paulo Freire. Cela represente um progrès vers l’école inclusive puisqu’elles favorisent les pratiques interdisciplinaires, les apprentissages contextualisés et les évaluations plus ouvertes et participatives. Nous voyons ici, des pratiques tout a fait innovantes em faveur de l’inclusion.

La compréhension des difficultés d’apprentissage comme étant une resultante de l’intération élève/école constitue encore um autre changement important. Elle represente une rupture avec la vision stigmatisante de l´élève qui porte en lui la cause de la difficulté.

Dans le domaine de la formation professionnelle des enseignants il y a encore des progrès à faire. Toutefois, dans le cadre des écoles populaires, ce professionnel est valorisé dans un nouveau rôle d’enseignant-chercheur, favorisant l’avènement d’um nouveal profil, en accord avec celui de l’enseignant d’une école inclusive.

Les résultats de notre analyse montrent que la pensée freirienne, susceptible de constituer un réferent, invite aux ruptures et par conséquent aux mutations culturelles qui permettent à leur tour de penser et d’agir à l’inclusion scolaire des enfants à BES.

Dans le prochain et dernier chapitre, nous cherchons à developper et à approfondir um peu plus ces ruptures.