2.2 Des ruptures déstructurantes à la continuité éducative

Une des grandes difficultés à laquelle la famille d’un enfant à BES doit faire face est la question de la continuité scolaire. Si aujourd’hui la loi garantit leur accueil dans toutes les écoles, nous savons que dans la pratique, les parents rencontrent de nombreuses difficultés au moment d’inscrire leurs enfants. Dans les école populaires étudiées, la réalité est la même : chaque école prend en charge l’éducation jusqu’au niveau ou cycle de sa compétence, et ensuite, c’est à la famille de trouver une école où l’enfant pourra poursuivre ses études.

Les nombreuses interruptions dans le parcours scolaire de l’enfant à NEE montrent qu’il n’obéit pas à une organisation cohérente. En vérité, il ne suffit pas de réserver des places dans telle ou telle école. Le mouvement de l’inclusion n’est pas encore effectif dans toutes les écoles. Il y a également une grande diversité de visions et de méthodologies qui finissent par déstructurer le parcours scolaire de l’enfant à BES.

Comme nous l’avons vu, dans les écoles populaires de Chapecó, cette préoccupation est une réalité, puisque ces derniers constatent que les efforts réalisés vers l’inclusion ont échoué lorsque l’enfant atteint le dernier niveau de l’école. Bien que certaines actions aient été réalisées pour aboutir à un rapprochement avec les écoles voisines dans lesquelles les élèves iront probablement, elles en sont encore à leurs débuts.

Il ne s’agit pas simplement de trouver une école pour poursuivre les études, la question est également la continuité d’un point de vue méthodologique. Tout effort fourni pour trouver le meilleur chemin pour l’apprentissage de l’enfant est détruit lorsqu’il quitte l’institution.

La continuité éducative et méthodologique est uniquement assurée pour les élèves dits « normaux ». Il n’existe aucune action au niveau municipal, régional ou national qui traite de cette question spécifique. Dès lors, comment assurer une éducation inclusive si nous provoquons toute sorte de ruptures et de pauses dans le parcours de l’élève ? Existe-t-il une continuité dans l’enseignement de base, secondaire et supérieur pour l’enfant à BES qui quitte la maternelle ? Ces ruptures retardent le parcours scolaire de l’élève en le fragilisant et en rendant son inclusion sociale encore plus difficile.

Les données du recensement scolaire 2005 montrent que la participation à l’accueil inclusif au Brésil est passé de 24,7% en 2002 à 41% en 2005. 298

Figure 14. Évolution des inscriptions inclusives dans l’Éducation Spécialisée
Figure 14. Évolution des inscriptions inclusives dans l’Éducation Spécialisée
Figure 15. Évolution de la politique d’accueil dans l’Éducation Spécialisée
Figure 15. Évolution de la politique d’accueil dans l’Éducation Spécialisée

La baisse du nombre d’élèves inscrits dans des écoles exclusivement spécialisées et l’augmentation des inscriptions dans des écoles régulières sont visibles. Au delà de l’augmentation du nombre total des enfants à BES dans les écoles (total de 640.317 enfants inscrits en 2005), il y a un pourcentage élevé de ces enfants inscrits dans des écoles régulières (262.243 élèves). Cependant, cette même enquête montre que la majorité des inscriptions concerne l’enseignement de base.

Figure 16. Distribution des inscriptions dans l’Éducation Spécialisée en 2005
Figure 16. Distribution des inscriptions dans l’Éducation Spécialisée en 2005

Le nombre d’élèves inscrits dans l’enseignement secondaire et dans l’enseignement professionnel (technique) est très faible en comparaison avec celui de l’enseignement de base. On observe le même phénomène concernant l’évolution des inscriptions de 2003 à 2004 dans l’Enseignement Supérieur. 299

Figure 17. Évolution des inscriptions d’élèves dans l’enseignement supérieur
Figure 17. Évolution des inscriptions d’élèves dans l’enseignement supérieur

Les chiffres montrent que la grande majorité des élèves à BES n’étudient pas au delà de l’enseignement de base. Dès lors, comment parler d’accès aux savoirs scolaires ? Le manque d’actions effectives d’inclusion scolaire favorise ce cadre d’exclusion. Cela ne sert à rien d’assurer l’inscription de l’élève à BES dans l’enseignement de base si aucune action n’existe pour assurer sa continuité.

Ce problème étant un problème structurel dont l’amplitude dépasse l’autonomie de l’école, cette question n’est pas traitée par les Secrétariats et les Ministères.

Même les écoles étudiées dans ce travail présentent cette lacune. L’école CAIC, comme la majorité des écoles, reste concentrée sur le défi de l’inclusion dans sa propre école. Ce défi exige déjà en soi un immense effort de transformation de l’école elle-même. L’école SC a pris l’initiative d’instituer un partenariat entre L’Etat (la région) et la municipalité afin de garantir la continuité de l’éducation pour les enfants sourds :

‘« Il y a un groupe qui est en dernière année, alors nous discutons de la mise en place d’un partenariat avec l’Etat( la région) pour faire un groupe d’enseignement secondaire ici même, à São Cristóvão. La Municipalité va nous fournir les locaux et l’Etat les professeurs. » 300

Chaque école, peut et doit, sans l’ombre d’un doute, aller dans ce sens. Cependant, sans l’appui des institutions municipales, régionales et fédérales, l’avancée sera réduite et lente. Assurer une éducation à la personne à BES implique de proposer un parcours scolaire consistant mais aussi flexible, qui offre la possibilité à la grande majorité des élèves à BES d’un passage de niveaux et de cycles sans interruption.

Le manque d’intérêt face au parcours et au futur scolaire de ces élèves reflète la non reconnaissance de leurs droits.

Notes
298.

MEC/INEP. Números da Educação Especial no Brasil, janeiro 2006. Disponible sur : <http://portal.mec.gov.br/ seesp/arquivos>

299.

MEC/INEP, Op.cit.

300.

PES3, ANNEXES pp. 06-169