1- Le statut de la langue française en Tunisie :

« On nous dit : parler deux langues, c’est risquer de perdre son âme. Nous disons : nous devons devenir bilingues, rester bilingues, tout faire pour conserver notre âme contre vents et marées, car il n’est pas interdit de construire sa propre demeure avec un matériau étranger. » Sayah Mansour (1997)

Le français, en Tunisie, est considéré comme une langue seconde, et ceci par comparaison avec la langue maternelle du pays (qui est le dialecte tunisien) d’une part et les langues étrangères d’autre part. C’est l’utilisation de la langue française en milieu extrascolaire (en plus de son utilisation comme langue enseignée et langue d’enseignement en milieu scolaire) qui lui confère son statut de langue seconde. Néanmoins, nous devons signaler que cette appellation de français langue seconde ou FLS n’est pas encore reconnue ni utilisée dans les textes officiels, où le français est toujours défini comme « une langue étrangère privilégiée ». La langue française, comme l’atteste Mohamed Miled (1998) dans La didactique de la production écrite en français langue seconde, « jouit d’un statut social privilégié sans être explicitement reconnue dans les textes officiels (l’expression de « langue seconde » n’est attestée ni dans la constitution des pays concernés ni dans la plupart des programmes d’enseignement des Ministères de l’Education) ».

La situation langagière en Tunisie se définit par la coexistence au sein du pays de deux langues : l’arabe et le français. Nous distinguons deux variétés d’arabe : un arabe dialectal spécifique à chaque pays et un arabe classique qui est la langue commune à toute la population arabe de par le monde mais qui reste essentiellement écrite.

C’est la forme standard de l’arabe que le gouvernement tunisien a décidé de promouvoir depuis quelques années en vue de donner à cette langue la place qu’elle mérite au sein d’un pays arabo-musulman et ce par le biais de l’arabisation de l’enseignement. Une arabisation qui se veut progressive et qui émerge en réponse à un conflit identitaire qui s’est installé au sein de la population.

En effet, l’enseignement des matières scientifiques, autrefois dévolu uniquement au français, est désormais partagé avec l’arabe, au moins dans l’enseignement de base correspondant aux neufs premières années de scolarité. Le français évolue, de ce fait, dans une société où la littératie 3 demeure complexe, aussi bien en arabe qu’en français, à cause de la situation langagière du pays et du rapport du public tunisien avec ces langues en général et avec l’écrit en particulier.

Notes
3.

littératie : « processus de formation par lequel une personne adulte apprend à lire et à écrire et acquiert les compétences pour évoluer de façon autonome dans une société ».