Particularités :

Les deux groupes précédemment cités présentent des textes plus ou moins similaires du point de vue de l’organisation générale et de la microstructure mais assez particuliers tout de même puisque chaque texte a ses propres caractéristiques qui le différencient un tant soit peu de l’autre.

Le texte du groupe 6 A renferme plusieurs spécificités qui s’apparentent à la planification que les scripteurs veulent suivre dans leur réalisation de la tâche d’écriture et à la visée qu’ils cherchent à atteindre par le biais de procédés qui leur sont propres.

Tout d’abord, ce binôme a choisi de présenter une introduction plus détaillée que celle de l’autre binôme. Son introduction comporte cinq phrases contrairement à celle de l’autre groupe qui n’en affiche que deux. Elle renferme des phrases simples et d’autres plus complexes ainsi qu’une phrase interrogative dont l’objectif est d’annoncer le développement. En outre, dès le début de l’essai, le lecteur est au courant de la tournure que va prendre le texte et de la manière dont le sujet va être traité puisque la vision dyadique du texte est annoncée dès le commencement :

-« Cependant la société renferme des jeunes qui ont bien pris de bon sens et participent à l’amélioration de la condition socio-économique de leurs pays, et tandis que d’autre forment une classe débauchée, marginalisée et rejetée, ce qui est le cas des jeunes tunisiens. »

C’est une représentation manichéenne de la société tunisienne qui est traduite tout au long du produit écrit par l’existence de deux facettes de jeunes tunisiens qui est explicite dans l’exemple proposé ci-dessus.

A côté de cette vision binaire véhiculée par le texte, nous remarquons l’existence d’un rythme ternaire qui accompagne le texte du début à la fin. Une étude approfondie du corpus oral, que nous effectuerons plus en aval, nous renseignera sur les raisons qui ont poussé les scripteurs à choisir un tel aménagement du texte. Toutefois, il est possible que cet agencement soit le fruit du hasard et qu’il ne soit pas du tout étudié ni effectué à bon escient. C’est l’observation des verbalisations des étudiants qui va nous révéler si cet usage est le fruit d’une recherche élaboré et le résultat d’un choix précis ou le contraire. Par ailleurs, nous décelons le rythme ternaire dans les phrases suivantes :

-« …tandis que d’autre forment une classe débauchée(1) 17 , marginalisée(2) et rejetée(3). »

-« Certains sont cultivés, ils mènent une vie scolaire (1), d’autres n’ont pas terminé leurs études, et qui sont allés chercher le travail (2) et une autre jeunesse qui a préferé l’oisiveté(3). »

-« Ils respectent les mœurs(1), les coutûmes(2) et les traditions(3)… »

-« notament les étudiants(1), les enseignants(2) et les chercheurs(3)… »

-« tel est le cas des jeunes qui s’habillent selon la mode(1), qui fument(2) et qui boivent(3) sans conscience. Ces derniers nuisent à leurs santés(1), leur religion (2) et leur existence(3). »

A travers cette masse d’exemples réunis ça et là dans le texte nous décelons une certaine sonorité réalisée grâce à la cadence se dégageant de la composition ternaire des phrases. C’est cette « musicalité textuelle » qui constitue la spécificité de ce travail écrit.

Ce texte présente aussi une autre caractéristique qui se place au niveau du choix de la répartition des parties contradictoires du texte. En effet, ce groupe a choisi de suivre un cheminement argumentatif tout à fait divergent de celui du groupe 2 B. Certes, notre analyse de ce point précis du texte sera approfondie davantage dans la partie de notre recherche consacrée à l’étude de l’argumentation au sein des divers corpus analysés, mais nous ne pouvons actuellement ne pas signaler le choix argumentatif de ces étudiants. Ces derniers préfèrent faire du développement le siège continuel des contradictions, c’est-à-dire qu’ils optent pour une continuelle présentation d’une idée et de son contraire au lieu de présenter une thèse avec des arguments pour et une antithèse avec des arguments contre. L’argument et son opposé se côtoient inlassablement du début jusqu’à la fin. Cela fait partie encore une fois, on pourrait le supposer, d’une rythmique que les scripteurs cherchent à attribuer à leur texte.

Ce cheminement argumentatif est différent de celui arboré par le groupe 2B qui, lui, met en exergue les deux parties antinomiques du texte en les liant par une phrase de transition qui fait basculer le lecteur d’un regard vers un autre en passant, ainsi, d’un point de vue négatif à un autre positif.

Ces remarques seront plus explicitées dans une partie ultérieure consacrée à la démarche argumentative suivie par les différents binômes observés.

Un autre trait marquant chez le groupe 6A c’est la profusion des ratures qui sont inhérentes à leur volonté d’améliorer leur produit écrit en essayant de trouver des reformulations à des tournures qu’ils jugent peut-être inadéquates par moment. Nous étudierons ces reformulations/réadaptations du texte plus explicitement dans la partie qui leur sera consacrée par la suite.

Notes
17.

Les numéros 1, 2 et 3 marquent les trois phases du rythme ternaire existant dans la phrase