2-2-1-d- Remplacement ou substitution :

La conclusion élaborée, dans le plan, par le groupe 2B est reprise telle quelle par la suite, hormis le changement de « sous cet angle » en « cela dit » que nous trouvons plus approprié et c’est certainement le même avis qui a poussé les scripteurs à recourir à cette rectification. Comme nous l’avons mentionné plus en amont, c’est notre analyse du corpus oral et des négociations qui s’y sont produites qui vont nous éclairer sur les différentes raisons qui ont poussé les scripteurs à effectuer leurs divers choix.

Plusieurs éléments textuels ne sont pas retenus tels quels au moment de la rédaction mais au contraire transformés au gré des idées qui surviennent au fur et à mesure que le travail de production avance. La décision de déplacer, supprimer, ajouter ou de substituer ces éléments textuels à d’autres n’est certainement pas arbitraire. Elle est sûrement conséquente à une réflexion de la part des étudiants sur la meilleure manière de formuler leurs idées et de présenter leur produit écrit et peut-être même à de longues négociations entre les deux « collaborateurs » dont la finalité est, et reste avant tout, de réussir la tâche qui leur incombe.

« L’importance de la jeunesse dans la société. » « Les jeunes sont très importants dans chaque société. » : Le groupe 6A effectue un remplacement en passant dans cet exemple d’une nominalisation à une dénominalisation avec une volonté de spécification. Dans un autre exemple, une phrase déclarative se transforme en phrase interrogative qui clôt l’introduction et prépare le passage au développement : « Les jeunes dans la société tunisienne d’aujourd’hui » → « Dans quelles mesures peut-on juger les jeunes de la société tunisienne actuellement ? ».

Contrairement au binôme précédent, celui-ci opte, au premier abord, pour un inventaire laconique des idées ou arguments sans essayer de les développer, reconduisant cette tâche au moment de la mise en texte où il élabore de nouveau une sélection des arguments à utiliser et change de ce fait leur disposition dans le texte.

Le remplacement peut ne pas toujours être judicieux : « qui se rebelle qui se rebèle ; tout ce qui normal pour être anormal tous ce qui est normale pour être anormale » : Nous remarquons parfois le passage d’une inscription erronée à une autre correcte (ce qui est dans la normalité des choses), mais nous pouvons assister également, comme c’est le cas ici, à l’opération inverse. Ceci nous renseigne sur l’instabilité linguistique des scripteurs qui, et nous le remarquons à travers ces exemples, souffrent des mêmes problèmes linguistiques puisque l’erreur est commise par l’un d’eux mais est passée sous silence ou demeure inaperçue par l’autre.

Le remplacement peut également induire en erreur : l’erreur d’accord de « ne cessent pas » s’explique par le changement produit et le passage d’un nom pluriel à un nom singulier : « les etudiants qui ne cessent pas d’agir » devient « une catégorie qui ne cessent pas d’agir » et nous pourrions imputer cette erreur à une absence de relecture « attentive » ou la qualifier de faute d’inattention si la révision a été effectuée. Ce sont les verbalisations des étudiants qui éclairciront ce point.

Nous distinguons, donc, une multitude de moyens de remplacement qui existent chez ce binôme :

Le passage du plan à la mise en texte n’est pas toujours dépourvu de complexité. Les scripteurs se retrouvent, parfois pour certains et souvent pour d’autres, incapables de développer l’idée énoncée dans le plan et commettent, alors, des irrégularités syntaxiques qui génèrent des complications sémantiques menaçant la réception / compréhension du texte par un lecteur potentiel.

Le passage, cité en aval, est accompagné par des erreurs qui persistent tel, par exemple, l’accord du verbe avec le sujet au pluriel. Cet accord est noté erronément dans le plan et est reproduit tel quel au sein du développement bien que nous n’assistons pas à une reproduction intégrale de la phrase. Il y a une reformulation de la phrase avec une subsistance de l’erreur et ce au même niveau phrastique.

Nous remarquons aussi que l’orthographe de certains mots dans le plan apparaît différente au moment de la mise en texte. Cela s’expliquerait par un changement de scripteur et nous retrouvons ce phénomène dans d’autres extraits textuels appartenant à d’autres groupes d’étudiants.

Nous devons signaler à ce stade de l’analyse l’existence d’un rapport assez contigu entre la suppression et le remplacement. En effet, une suppression suivie d’un ajout n’est autre qu’un remplacement dans le sens où l’acte du scripteur ne se limite pas seulement à une suppression d’un mot mais inclut dans une seconde étape l’inscription d’un autre mot qui vient remplir le vide de celui déjà éliminé. Cet agissement est défini tel un remplacement d’un terme à la place d’un autre. Dans notre analyse des écrits des étudiants, nous avons constaté certaines de ces actions :

Nous remarquons, en effet, cette forme de suppression chez le binôme 6A. Elle apparaît au début du produit écrit, où des éléments graphiques disparaissent en faveur de phrases rédigées qui mettent à profit les idées du plan pour organiser une introduction exhaustive présentant les deux grandes parties du texte.

Le groupe 4A use également à plusieurs reprises de ce procédé de suppression. Il supprime quelques termes comme « limite, racines, traditionnel, religion » et opte pour le choix d’une phrase courte exprimant l’idée apportée dans la plan avec un autre choix de termes : « une jeunesse qui respecte … » au lieu de « une jeunesse limite par …». Dans un autre extrait, il ne garde de la phrase du plan que deux termes : duel et existence et sa reformulation s’accompagne d’une réduction phrastique ; comme il peut ne supprimer qu’un élément syntaxique comme le superlatif « très » dans : «  rythme très accelère rythme accelerè » quirenvoie probablement à une volonté de sa part d’éviter toute emphase phrastique qui pourrait nuire à l’interprétabilité de son texte d’une façon ou d’une autre.