2-L’activité réflexive des étudiants : compétences méta

L’intérêt porté aux réflexions méta diffère d’un binôme à un autre. Ces commentaires accompagnant le travail scriptural préfigurent l’importance qu’octroie les scripteurs tant à la procédure suivie dans l’élaboration du texte, qu’à la langue utilisée, ainsi qu’au discours choisi. Le recours au métalangage influence-t-il le travail rédactionnel des étudiants ? Que peut-on constater chez les étudiants qui ont souvent recours au métalangage par rapport à d’autres qui n’en usent que très rarement ? Ce sont des interrogations auxquelles nous tenterons de trouver des réponses à travers notre analyse des productions verbales des étudiants concernés.

Certains étudiants ont recours à maintes reprises à des activités métacognitives. Dans une perspective de résolution de problèmes, ils s’interrogent sur leurs connaissances et plus précisément sur la meilleure manière d’exploiter au mieux ce savoir dont ils disposent. Ils essayent ainsi de faire le tri dans leur mémoire à long terme afin d’en dégager les connaissances les plus adaptées à leur situation-problème (qui répondent aux exigences de la consigne) dans le but de gérer au mieux la tâche qui leur incombe.

L’activité métacognitive dévoile une prise de conscience de la part des scripteurs de l’importance de porter un regard critique sur leurs connaissances à déployer vis-à-vis de la gestion d’un problème précis. Toute tâche requiert la mise en place d’un dispositif cognitif précis. C’est pourquoi, une évaluation de leurs connaissances préalables par les étudiants ne peut que contribuer à les aider dans le choix qu’ils ont à opérer quant à l’efficacité d’user d’un quelconque savoir à un moment déterminé de leur travail productif.

Tout au long de la production textuelle, les étudiants jettent des regards évaluatifs sur le travail fourni. C’est cette évaluation de la pertinence du produit qui contribue à l’avancée scripturale. La vérification continuelle du bon fonctionnement du texte, l’interprétation des idées, les relectures suivies de la validation ou de la non-validation des propos convergent vers une même optique, celle de parfaire le travail écrit.

Tous les groupes observés soumettent leur texte à une évaluation, mais celle-ci paraît plus rigoureuse et plus présente chez certains d’entre eux que chez d’autres. Cette évaluation ou ce regard analytique et critique que jettent les scripteurs sur leur entreprise est révélateur de l’attention particulière qu’ils portent à leur production voulant ainsi, et à travers un contrôle itératif, tenter autant que faire se peut de présenter un travail dépourvu d’erreurs, de contresens, ou d’autres sortes de maladresses scripturales qu’elles soient grammaticales, organisationnelles ou autres.

Au cours de ces moments d’évaluation qui généralement jalonnent tout le travail rédactionnel, les scripteurs émettent une multitude de considérations vis-à-vis du texte qu’ils rédigent. Ledit texte est constamment en proie à des remaniements de la part des scripteurs qui n’ont de cesse de chercher à l’améliorer. Dans cette quête continue d’amélioration, les scripteurs ne cessent de réfléchir (sur l’organisation du texte, sur le discours adéquat à émettre, sur la langue employée).

D’autre part, tout au long de la conversation rédactionnelle à laquelle participent les différents binômes observés, nous décelons plusieurs moments de négociations. En effet, chaque étudiant est amené à coopérer avec son homologue afin d’écrire un texte argumentatif restreint. Cette situation rédactionnelle collaborative oblige ces derniers à travailler en unifiant leurs « forces intellectuelles » et en mettant leurs connaissances et leurs performances au service d’un objectif commun. Toutefois, chacun d’eux arbore une personnalité différente et donc inexorablement des opinions différentes. En effet, l’individualité de chaque étudiant lui confère des connaissances particulières, une certaine façon de voir les choses et le monde autour de lui et une manière personnelle de se les représenter et de les interpréter. Nous pensons qu’il est impératif, alors, de prendre en considération l’existence de ces différences entre les étudiants avant d’entamer l’analyse de leur conversation.

Chaque étudiant va confronter son univers de croyances à celui d’un autre avec qui il est amené à construire une œuvre commune. Cet affrontement idéel et idéologique ne peut que présager des négociations diverses et animées entre les étudiants. La fréquence de ces négociations dépendra vraisemblablement du degré de divergences existantes entre ces mêmes étudiants.

Par ailleurs, les négociations auxquelles les scripteurs ont recours à un certain moment de l’interaction sont, parfois conséquentes à des discordances autour d’un point de vue ou d’une idée concernant le texte à produire et la meilleure façon de le présenter au lecteur. Néanmoins, elles sont également résultantes d’une volonté de l’un des interactants à discuter une idée, c’est-à-dire qu’il la présente ou la suggère à son homologue avec l’intention de la lui soumettre en vue de bénéficier de sa réflexion et de ses réflexions. Ces négociations méta peuvent être d’ordre procédural, discursif ou linguistique mais elles sont toutes, et ce quelque soit leur origine, nécessaires à l’accomplissement de cet acte rédactionnel.

Pour rendre compte de ces négociations méta, nous avons choisi d’extraire des exemples à partir des verbalisations de presque l’ensemble des groupes observés. Ainsi, nous tentons de mettre à contribution tous les binômes enregistrés. Nous tenons, cependant, à signaler que le recours à ces négociations n’est pas de la même équivalence d’un binôme à un autre en raison de l’intérêt différent que ces derniers manifestent face à une action rédactionnelle ou à une autre. Ce que nous voulons montrer c’est la disparité des approches suivies par les étudiants.

En effet, ces étudiants se retrouvent dans cette situation-problème face à plusieurs difficultés à surmonter : la structuration du texte, son organisation syntaxique et sémantique, le choix des termes ad hoc…Pour arriver à surmonter toutes ces contraintes rédactionnelles et à présenter un texte final « satisfaisant » du moins de leur point de vue, ils doivent fournir un travail d’élaboration conséquent. Pour ce faire, ils sont amenés à discuter leurs actes scripturaux et ce sont ces discussions méta qui leur permettront de réaliser leurs objectifs.

Ce que nous devons, par ailleurs signaler, c’est que la négociation peut se manifester sous forme d’échange (qu’il soit long ou court), mais qu’elle est également présente dans une seule intervention et donc un seul et même tour de parole. Nous pensons qu’il n’est pas primordial d’avoir une discussion à bâtons rompus entre les interlocuteurs qui discutent un point ou un autre en s’opposant et en essayant de trouver un terrain d’entente entre eux pour que cela soit considéré comme une négociation. Présenter une idée (son idée) en présence d’un autre qui est susceptible de l’accepter mais aussi de la réfuter, la critiquer ou la modifier, faire part de sa vision des choses à autrui correspond à risquer d’être jugé et par là être soutenu ou bien repoussé. Le fait d’intervenir et d’émettre un message présuppose, selon nous, une prise de risque de la part du locuteur. Ainsi, dans cette seule action consistant en la présentation de sa propre interpellation des choses et sa soumission au jugement de l’autre, le proposant entame d’ores et déjà une négociation.