2-5-Les reformulations :

Au cours de cette situation-problème à laquelle ils se trouvent confrontés, les étudiants sont amenés à collaborer en dyade afin de fournir un travail scriptural défini. Cette collaboration entre deux individus certainement différents avec des univers de croyances divergents, et ce même s’ils peuvent partager éventuellement des similitudes dans certaines pratiques scripturales, ne peut que les induire à se confronter de temps à autre et à confronter de ce fait leurs façons de voir les choses, leurs idées et leur manière de concevoir le texte écrit.

Nous notons, en effet, que même si le choix des arguments est quelquefois similaire entre les différents groupes (ce que nous allons traiter plus en détail dans une partie postérieure) et que nous retrouvons pratiquement les mêmes idées chez les uns et les autres, la disposition de leurs idées et surtout la langue à laquelle les étudiants ont recours pour rendre compte de leurs pensées et des choix lexicaux et syntaxiques opérés demeurent belle et bien spécifiques à chaque binôme.

Toutefois, ce que nous pouvons constater c’est que chez la plupart des binômes enregistrés, il existe souvent un souci de formulation. Ces derniers se soucient de l’interprétabilité de leur produit et c’est ce qui les incite à reconsidérer sans cesse leur énonciation voulant ainsi faire en sorte que l’écrit présenté soit aussi satisfaisant que possible aussi bien pour eux que pour le lecteur potentiel. Pour ce faire, ils n’arrêtent pas d’agir sur leur texte en tentant d’améliorer autant que faire se peut leur production. Ces tentatives d’amélioration peuvent être exécutées par un scripteur sur sa propre énonciation (nous parlerons alors d’auto-reformulation) comme elles peuvent être accomplies par un des deux scripteurs sur l’énonciation de son partenaire (nous parlerons alors d’hétéro-reformulation). Elles peuvent être réussies comme elles peuvent ne générer que des complexifications phrastiques sans résultats probants.

Ainsi, les produits des scripteurs subissent des changements tout au long de leur inscription. La fréquence de ces modifications diffère d’un binôme à un autre. Dans notre description de ce phénomène de reformulation, nous choisissons de faire part de quelques exemples extraits des transcriptions de certains groupes. Chaque groupe est formé de deux étudiants qui confrontent leurs connaissances et leur savoir-faire, évaluent leur travail et ce à des moments divers. En effet, l’évaluation peut se faire aussi bien au moment de la planification, au moment de la mise en texte ou lors de la révision du texte. Comme nous l’avons précédemment signalé, ces trois processus s’enchevêtrent tout au long de la tâche rédactionnelle et l’évaluation est, de ce fait, autant présente dans l’une des trois étapes que dans les deux autres. La présence de moments de reformulation plus réguliers chez certains binômes plutôt que chez d’autres est liée à leurs comportements scripturaux et est tributaire de leur volonté d’effectuer des améliorations de plus en plus assidues ou non sur leur production.

Nous choisissons, pour parler des reformulations effectuées, d’en montrer quelques unes extraites des interactions de quelques étudiants en essayant d’observer les modifications produites et leurs répercussions sur le texte présenté.

Nous avons signalé, précédemment, lorsque nous analysions le passage de la planification au texte définitif que les étudiants recouraient souvent à des modifications multiples en ajoutant, supprimant, déplaçant des éléments phrastiques et ce dans le but d’améliorer leur produit. Ces observations ont été faites sur les productions écrites des étudiants. Toutefois, il est indéniable que les changements mélioratifs effectués se sont produits lors d’une étape transitoire entre le plan et le texte final qui a permis aux scripteurs de développer, améliorer ou carrément modifier leurs idées ainsi que la façon de les formuler. Au cours de leur inscription des idées formulées, les étudiants tentent continuellement de parfaire leur travail et c’est ce qui les amène à reformuler à plusieurs reprises leurs énoncés. Les opérations reformulatives auxquelles les scripteurs ont recours sont souvent des opérations d’addition, de soustraction, de substitution, de permutation ou de transformation. Nous retrouvons les traces de ces modifications au sein du corpus oral qui nous renseigne sur les étapes par lesquelles sont passés les scripteurs dans leur reformulation de certains énoncés et les transformations qu’ont subi certaines phrases jusqu’à l’aboutissement final et leur inscription définitive.

Pour rendre compte de ces reformulations, nous avons décidé de mentionner des exemples appartenant à quelques-uns des groupes enregistrés qui nous semblent être assez représentatifs de l’ensemble des étudiants concernés. Nous essayons, ce faisant, de voir les conséquences de ces rectifications sur leur texte tout en étudiant la manière avec laquelle se déroule tout ce processus de reformulation.

Les auto-reformulations auxquelles a recours l’intervenant lui permettent de garantir la complétude interactive et ce afin que l’échange puisse progresser. Cette attitude rétrospective que le locuteur a vis-à-vis de ses propos dénote une volonté de sa part de prévenir toute réaction négative qui proviendrait de son interlocuteur. Il cherche par là à éviter le déclenchement de négociations. Le locuteur s’auto-corrige avec l’intention d’améliorer son énoncé. Il peut présenter, ainsi, plusieurs versions d’un même énoncé jusqu’à ce qu’il arrive à une production qui soit pour lui la plus satisfaisante possible. En effet, la première formulation d’un énoncé est généralement rarement définitive. Elle subit plusieurs remaniements qui semblent suivre la pensée du locuteur, celle-ci ne cessant jamais d’évoluer et d’appeler inévitablement des changements sur le discours produit.

Au cours de ce processus d’organisation discursive, les changements sont produits au niveau syntagmatique et au niveau paradigmatique de la phrase. Ils sont utilisés par les co-scripteurs dans le but d’atteindre une expression de leur pensée qui soit la plus fidèle et la plus correcte possible. Ces derniers s’efforcent, tout au long de leur travail scriptural, de repenser leurs formulations. Des opérations reformulatives d’ajout, de suppression, de substitution…sont effectuées. Nous étudierons quelques-unes d’entre elles en essayant de déceler les différentes étapes par lesquelles passe un énoncé à partir du moment de sa première formulation jusqu’à son inscription définitive et essayer de voir s’il existe, dans les verbalisations des étudiants, des justifications et des explications se rapportant aux changements réalisées.

Les hétéro-reformulations sont des corrections que l’un des deux interlocuteurs opère sur le discours de l’autre. Ce type de reformulations peut se présenter d’une façon explicite avec le recours au métalangage, à des reformulatifs (plutôt, en fait…) qui annoncent un changement de perspective énonciative, ou encore par l’expression manifeste de l’opposition et ce par l’utilisation de la négation ; comme il peut se manifester d’une façon plus tacite en sous-entendant l’objection sans pour autant l’exprimer ouvertement. Cette attitude est assez répandue chez certains interlocuteurs.

Nous tenons à faire remarquer que nous n’allons pas consacrer de sous-parties séparées pour l’analyse des auto-reformulations et des hétéro-reformulations car nous avons remarqué qu’elles se manifestent presque toujours dans les mêmes échanges. Il nous est donc plus simple de les traiter en parallèle.

D’autre part, nous nous décidons à faire part de plusieurs catégories de reformulations. En effet, les reformulations sont multiples et diverses. Elles sont utilisées par les scripteurs sous différents aspects : des auto-reformulations, des hétéro-reformulations comme nous l’avons précédemment précisé, mais ces deux aspects renferment également des reformulations sans métalangage, des reformulations avec négation de la forme proposée et sans métalangage, des reformulations avec négation de la forme proposée et avec métalangage (comme le montrent Anna Camps, Oriol Guash, Marta Milian et Teresa Ribas (2001, P : 304)). En outre, ces différentes modifications peuvent s’avérer parfois avantageuses pour le texte comme elles peuvent ne faire que menacer l’équilibre des phrases et compliquer davantage la cohérence/cohésion du tout textuel.

Nous allons essayer d’approcher de plus près ce genre de « phénomènes » :

Pour commencer, intéressons-nous à la phrase (10) 26 du texte définitif du groupe 8A qui correspond aux tours de parole L 111 → L 123. Les reformulations sont tantôt des auto-reformulations tantôt des hétéro-reformulations, mais elles sont émises sans métalangage. La négation de la forme proposée par l’intervenant est tacite.

Nous assistons au cours de cet échange à des modifications qui sont élaborées au fil de l’énonciation. Les propositions affluent de la part des deux intervenantes qui collaborent à la construction d’une phrase. Au cours des deux interventions (l’intervention initiative de CH 112/l’intervention réactive de L 113), nous notons une recherche de précision dans les propos présentés puisque L refuse toute généralisation et introduit ainsi l’adjectif possessif « notre » qui situe le texte dans un contexte précis. De par cette attitude, L indique qu’elle refuse l’intervention initiative de CH. Elle n’a pas recours au métalangage pour réfuter la proposition de son interlocutrice mais son refus est implicite. A travers la présentation d’une formulation différente et le recours donc à une opération de substitution, elle fait comprendre à son interlocutrice qu’elle s’oppose à son choix et qu’elle suggère une autre alternative. Cette attitude influence les réactions postérieures de CH qui, devant l’hésitation de L en L 115, s’empresse de reformuler ses propos en tentant d’éviter une hétéro-reformulation. Toutefois, L accepte la suggestion de CH non sans y introduire une modification. En effet, elle effectue un changement d’adverbes et bien qu’elle ne justifie pas ce choix, nous pensons que la raison qui l’a poussée à reconsidérer le choix de l’adverbe est le fait que l’adverbe «trop » s’apparente davantage à la forme orale qu’à la forme écrite. De ce fait, et étant donné que la tâche consiste à rédiger un produit écrit, L semble attentive au mélange qui peut se produire entre les deux registres oral et écrit. Elle semble veiller, autant que sa maîtrise de la langue française le lui permette, à ce qu’il n’y ait pas d’entremêlement entre ces deux registres langagiers.

Josette Rey Debove (2003, P : 109) déclare que : « Les corrections orales sont très coûteuses : ou bien elles nécessitent un discours métalinguistique autorégulateur permanent, ou bien elles font figure d’accumulation redondante. » Cet état de fait prouve que les scripteurs fournissent généralement des efforts considérables afin de rendre compte des modifications qu’ils opèrent sur leur produit. C’est grâce aux discussions orales que nous avons la possibilité de les suivre dans leur raisonnement dans le but de comprendre leurs choix qu’ils soient organisationnels, linguistiques ou autres. Les reformulations opérées traduisent l’insatisfaction du scripteur face à un discours qu’il a déjà élaboré et sa volonté de le remanier afin qu’il comble ses propres attentes et peut-être également celles d’un lecteur potentiel duquel ces mêmes scripteurs se soucient. Néanmoins, ces interpellations orales, ayant pour objectif l’amélioration du discours produit, ne renferment pas toujours des explications métalinguistiques probantes, mais se présentent également implicitement par des redondances et des tentatives de transformation du discours énoncé par la proposition d’un discours de remplacement sans pour autant recourir à des commentaires sur leur manière d’agir. Certes, certains dysfonctionnements dans les propos de l’un des interlocuteurs peut pousser l’autre à réagir en ayant recours au métalangage, mais il est possible aussi – et même parfois assez fréquent – que ce dernier réagisse en transformant automatiquement l’énoncé proposé sans présenter de justifications à son acte. Cette façon d’agir pourrait s’expliquer comme suit : soit l’étudiant-correcteur possède une compétence linguistique limitée et est donc capable de corriger les propos de son interlocuteur en présentant la formulation adéquate, mais se retrouve dans l’impossibilité de fournir les justifications inhérentes aux changements effectués c’est-à-dire que ce même étudiant possède une connaissance procédurale mais pas une connaissance déclarative ; soit ce dernier décide que les justifications ne sont pas nécessaires et que le seul fait de procéder à un ou des changements sur les propos de son interlocuteur suffisent à montrer à celui-ci que son intervention est erronée. Il suppose, ainsi, que les modifications apportées au discours énoncé sont, à elles seules, susceptibles de faire comprendre son erreur à son interlocuteur. Le discours métalinguistique n’a alors pas lieu d’être. Cependant, l’incompréhension que peut rencontrer le sujet corrigé face aux modifications élaborées sur son énoncé peut déclencher des discussions et des négociations supplémentaires qui susciteront nécessairement des justifications plus détaillées et requièreront, de ce fait, un discours métalinguistique de la part de l’étudiant-correcteur.

De surcroît, nous remarquons que les reformulations se réalisent au fil de l’exécution de la tâche d’écriture et à différents moments du processus. Les co-scripteurs avancent dans leur travail scriptural en passant par plusieurs étapes et au cours de tous ces moments d’élaboration et de création ils ne cessent de reconsidérer leur propos afin d’aboutir au choix final qui leur fait suspendre toute discussion et leur permet d’accéder à la complétude interactionnelle.

Prenons comme exemple le groupe 7B qui construit son texte au fur et à mesure qu’il avance dans la parole et donc dans sa réflexion. Des améliorations successives sont à l’origine de la genèse du produit écrit. Chaque étudiant participe à la formulation du texte en présentant ses propositions tout en aspirant à les faire accepter par son interlocuteur.

La phrase (9) du texte, élaborée par ce binôme, reproduit parfaitement l’idée que nous avons avancée puisque les modifications la concernant s’échelonnent sur l’ensemble du travail scriptural. Nous allons montrer toutes les évolutions par lesquelles est passé ce fragment textuel depuis sa première formulation jusqu’à la prise de décision de son inscription définitive. Pour ce faire, nous suivons l’élaboration de cette phrase au cours de deux étapes différentes : celle de la production du texte intermédiaire et celle de la production du texte final :

Les reformulations, au cours de cet échange, sont présentées tantôt sans métalangage, tantôt avec métalangage. Celui-ci est utilisé dans un moment où les intervenants butent sur un terme proposé par K. Ils s’interrogent, de ce fait, sur son acception et sur sa graphie.

Les verbalisations K30 → W43 correspondent, au niveau de l’écrit, au brouillon fourni par les co-scripteurs. Ces derniers essayent, par des tentatives multiples, de formuler au mieux leur texte. Nous assistons, alors, à des moments de co-énonciation qui les amènent à entrevoir, progressivement au fil de leurs interventions, l’aboutissement escompté. L’évolution se réalise comme suit : sujet + verbe « penser » au présent → sujet + verbe « penser » au passé composé : changement de temporalité → sujet + auxiliaire avoir au passé composé auquel sont ajoutés un complément circonstanciel et un complément d’objet direct : modification avec ajout.

Ce que nous pouvons remarquer, de prime abord, c’est que ce binôme n’opte pas pour la facilité et la simplicité dans l’élaboration de ses phrases ou du moins c’est ce que nous constatons dans sa conception de celle-ci. Ce dernier s’embrouille, alors, et confond deux substantifs « intention » et « intuition » : il a l’intention de = il projette de ; et dans le cas de la phrase inscrite ce serait « il a l’intention de voyager à l’étranger c’est-à-dire il projette de voyager à l’étranger » ; il a l’intuition = il a le pressentiment ; et dans ce cas le sens est brouillé. Toutefois, nous pourrions envisager le fait que les étudiants auraient pu confondre les deux termes parce que ces deux mots renvoient plus ou moins quelquefois à la même acception. Ainsi, il a l’intention de = il a l’idée de ; il a une intuition = il a une idée : il y a de ce fait un amalgame entre les deux utilisations, lequel pourrait présenter une explication à l’erreur que commet ce binôme. Cette erreur est certainement dûe également à une maîtrise insuffisante de la langue française qui empêche les étudiants de relever ce type de maladresses et ainsi de l’éviter. La suite de l’échange se poursuit avec des hésitations qui ne font que plonger les deux interlocuteurs dans un flou linguistique dont la seule échappatoire que W trouve est de revenir à son premier choix intervenant ainsi en W43 en déclarant : « l’idée d’aller à l’étranger (kahaw : c’est tout) » avec une envie de clore la négociation qui tendait plus à desservir leur travail en y introduisant des énoncés erronés plutôt qu’à le servir. C’est alors que nous constatons que certaines manifestations reformulatives peuvent nuire à la production plutôt que l’améliorer.

C’est ainsi que se construit cette phrase et, comme elle, tant d’autres, à travers des remaniements multiples traduisant les hésitations des scripteurs qui ne cessent d’alimenter leur travail rédactionnel jusqu’à l’obtention d’une version qui leur semble satisfaisante et qu’ils décident de garder comme production définitive.

Les reformulations se manifestent également lors du passage de l’objet intermédiaire qu’est le brouillon à la rédaction du texte final. Les co-scripteurs sont toujours en quête d’une production meilleure. C’est pourquoi, ils ne cessent de reconsidérer leurs choix et de réajuster leurs énoncés.

Les deux interventions, citées ci-dessous, renseignent sur les opérations multiples qu’a nécessité l’élaboration de cette phrase (9) du texte. Elle est discutée et rediscutée par les deux étudiants mais c’est surtout W qui s’investit le plus dans cette entreprise. Il tente, de ce fait, d’effectuer des changements sur le plan syntagmatique de la phrase précédemment validée en y introduisant un nouveau fragment phrastique qui n’est pas sans poser problème par rapport à l’organisation globale de la phrase. Ceci est notable à travers les indécisions de W quant au choix de l’emplacement de ce fragment ajouté. Avec cet ajout, les co-scripteurs opèrent des transformations au sein de la phrase bouleversant, ainsi, à plusieurs reprises sa syntaxe. C’est ce que nous essayons de démontrer en teintant de rouge les différentes modifications apportées à cette phrase en voulant mettre l’accent sur l’évolution que subit la phrase écrite au fil de son énonciation, les scripteurs se trouvant, sans cesse, en train de remodeler leur production jusqu’à l’obtention d’un résultat satisfaisant, du moins à leurs yeux. Les deux extraits, que nous présentons, sont deux interventions appartenant à un seul et même intervenant qui tente – à travers des essais successifs – de trouver la bonne formulation à sa phrase. Ce faisant, il présente des agencements phrastiques différents qui semblent le guider progressivement vers la solution finale. Ces auto-reformulations ne cessent de suivre une progression « frisée » avec des va et vient récurrents sur des propos déjà formulés avec, à chaque fois, une modification qui tend à améliorer le discours.

Au cours de cette intervention de W 109, qui est aussi celle qui clôt aussi bien l’échange que l’interaction entre les deux étudiants, nous constatons que c’est toujours W qui présente des interventions initiatives et qu’il ne rencontre que rarement une quelconque réaction de la part de son interlocuteur. W est celui qui s’implique le plus dans cette entreprise et celui qui utilise le plus de discours métalinguistique et ce tout au long de l’interaction. Les interventions de K sont souvent succinctes et « timides » dans le sens où ce dernier se contente de lancer un mot ou une idée sans pour autant aller au bout de sa réflexion en développant sa vision des choses. En effet, il déclenche un dispositif et c’est à W, par la suite, de l’accepter et d’aller ainsi au bout de la réflexion de K en essayant de développer l’idée amorcée, ou encore de le réfuter en présentant, à ce moment-là, d’autres suggestions susceptibles de servir au mieux le texte. Nous pouvons alors dire que c’est W qui prend le plus en charge ce travail rédactionnel.

Nous percevons, alors, l’attention que portent les co-scripteurs sur leur texte. Chaque étudiant cherche à présenter un travail écrit qu’il semble vouloir sans cesse améliorer autant que faire se peut. Néanmoins, il est indéniable que cette réflexion, que peuvent avoir certains étudiants sur leur production, qu’elle soit orale ou écrite, demeure relative en raison des disparités des compétences entre les différents apprenants.

Ainsi, les étudiants sont susceptibles d’énoncer des phrases et de les reformuler en ayant pour objectif de les améliorer alors qu’ils ne font en réalité que présenter, au terme de certaines négociations, des reformulations qui sont incomplètes, ambiguës ou même carrément erronées.

Prenons comme extrait un échange entre les deux étudiantes du groupe 8B qui correspond à la phrase (7) de leur texte définitif 27 :

Au cours de cet échange, nous notons la confusion qui règne dans les propos des deux interlocutrices qui ont du mal à formuler oralement leurs pensées et se retrouvent donc incapables de présenter des phrases cohérentes et intelligibles. Les reformulations effectuées se réalisent d’une façon simple, sans méta et sans négation apparente. D’ailleurs, les étudiantes ont la fâcheuse tendance à reformuler des segments de phrases qui, nous semble-t-il, n’en requièrent pas tant ; alors qu’elles délaissent d’autres segments ou phrases entières qui, en l’occurrence, réclameraient des modifications et des « retouches » qui sont nécessaires afin que leur compréhension soit plus aisée et qu’elles obéissent aux règles de cohésion/cohérence sous-tendant tout produit textuel.

Cette mauvaise gestion du travail rédactionnel les amène à fournir un texte contenant beaucoup d’ambiguïtés lesquelles menacent sa compréhension/réception de la part d’un lecteur potentiel. En effet, les co-scripteurs manifestent de l’intérêt pour reformuler certains énoncés :

La reformulation de cet énoncé ne nous semble pas être indispensable. Les co-scripteurs s’y intéressent pourtant et négligent d’autres aspects syntaxiques dont la mauvaise gestion influence négativement le texte produit.

En effet, ces étudiantes ne se rendent pas compte que leur phrase est loin de traduire fidèlement leur pensée. Le sens qui y est véhiculé demeure assez confus. Cette confusion se fait l’écho de l’état d’embrouillement ou de dispersion que nous repérons à la suite de l’observation de l’interaction de ce binôme. Ce dernier paraît indécis, désorienté face à la tâche qu’il est amené à réaliser. Tout au long de ses échanges, nous notons la persistance des moments d’hésitation qui influent sur la concentration de ces étudiantes et sur l’organisation de leur travail.

Toutes ces tentatives de notre part de mettre en exergue certaines manipulations reformulatives entreprises par des groupes d’étudiants, ont pour but de montrer que l’attitude reformulative n’est pas limitée à une seule catégorie d’étudiants mais est constatée chez la plupart d’entre eux. Néanmoins, cette attitude se déploie différemment d’un étudiant à un autre. Ces scripteurs font montre d’une volonté, quasi similaire, de parfaire sans cesse leur produit écrit mais leur maîtrise de la langue française et leur capacité à formuler et à reformuler leurs énoncés demeurent problématiques.

Notes
26.

Le texte mentionné figure en annexe.

27.

La phrase (7) du texte final du groupe 8 Manouba qui figure en annexe.