Conclusion partielle :

Suite à l’étude de certains documents, nous remarquons que la profusion des méta dans le corpus oral est loin d’être annonciatrice d’une quelconque performance scripturale dans le produit final. Certes, le recours aux méta dénote une certaine réflexion de la part de l’apprenant qui s’opère que ce soit au niveau linguistique, discursif ou même procédural (celui-ci pense ses actes et ses mots, surveille les différentes étapes de son entreprise), mais cela ne préfigure pas de la qualité du texte produit vu l’écart considérable que nous notons parfois entre le dire et le faire des étudiants. Nous pouvons également corroborer nos propos en signalant que les binômes qui s’affichent avec un nombre élevé de négociations méta occupent, curieusement, des places différentes dans le classement se rapportant à la qualité des produits écrits. Ainsi, le groupe 4A avec un total de 171 méta occupe la dernière et 16ème place, le groupe 4B avec 73 méta occupe l’avant-dernière place, le groupe 7A avec 69 méta se place quant à lui à la cinquième place, le groupe 6A avec 56 méta est le deuxième sur la liste et la groupe 5A avec 50 méta occupe la dixième place du classement.

La manière dont certains étudiants parlent de tel ou tel phénomène langagier ou même leur utilisation occasionnelle de certaines structures linguistiques ne préfigurent en rien leur capacité à s’en servir à bon escient. Le savoir existe mais l’apprenant doit faire ses preuves au niveau du savoir-faire.

Le recours au métalangage est intéressant dans la mesure où l’étudiant porte un regard sinon critique du moins observateur sur ces différentes compétences scripturales. Le recours plus ou moins fréquent au métalangage favorise une meilleure interpellation du texte et préfigure une prise en compte des différents mécanismes langagiers mis à contribution dans l’acte d’écriture. Les apprenants prennent conscience de ce qu’ils écrivent, orientent leur réflexion sur ce qu’ils sont en train de produire et ne cessent d’améliorer leur produit. Pour cela, ils s’interrogent sur la langue utilisée, le discours énoncé et les stratégies structurelles élaborées.

Le métalangage auquel ont recours les étudiants au cours de leur exécution de la tâche scripturale qu’il ait pour cible la langue utilisée, les faits textuels ou ceux procéduraux, ne peut que nous conforter dans l’idée que cela a tendance à aider le scripteur dans la résolution de la situation-problème proposée. En « interrogeant » son texte et en s’interrogeant sur les opérations linguistiques et procédurales à adopter, ce dernier fait en même temps intervenir sa mémoire à long terme afin d’y puiser des informations susceptibles de l’aider dans son entreprise et tend, de ce fait, à mobiliser une quantité de connaissances qu’il a tendance à déployer en vue d’arriver à présenter le travail rédactionnel requis.

Toutefois, nous nous demandons si l’utilisation massive des compétences métalinguistiques n’est pas le fruit d’une sollicitation continuelle de la part des enseignants pour le recours à ce genre de compétences au détriment d’autres. Nous nous identifions, pour cela, aux propos de Mohamed Miled (1998) qui déclare que « les savoirs sur le texte ou sur les procédures d’écriture contribuent à accélérer l’apprentissage. Toutefois, l’excès d’information constaté dans certaines pratiques pédagogiques ne peut que nuire à cet apprentissage transformé souvent en activités de lecture à dominante réflexive. » . Il soutient, en outre, qu’  « il est difficile de prouver qu’analyser un texte, faire apprendre les règles de cohérence ou expliciter les types de progression thématique produisent un effet immédiat sur l’amélioration des productions écrites ».

Ce que nous constatons c’est que les réflexions faites sur la langue, le discours ou autres sont bien présentes chez les différents groupes observés et l’étalage des savoirs l’est également, mais il est important de constater aussi que ces savoirs ne sont pas toujours accompagnés par des savoir-faire. Certains étudiants font montre de connaissances déclaratives qui ne correspondent pas toujours à leurs connaissances procédurales. Ils étalent des savoirs acquis sans pour autant pouvoir les appliquer à bon escient. C’est ce qui expliquerait l’écart considérable existant entre la fréquence de leur recours au métalangage et la qualité des productions écrites fournies par ces mêmes étudiants.

D’autre part, les étudiants enregistrés ont recours aux reformulations et ce à des périodes diverses de l’interaction, que ce soit pour reformuler un mot, un groupe de mots ou une phrase toute entière. Ces moments de reformulation dénotent une certaine insatisfaction vis-à-vis de leurs énoncés ; celle-ci les incite à repousser leurs limites et à chercher à se surpasser sans cesse en tentant de réaliser des améliorations successives sur leur produit. Ces tentatives sont réussies par certains d’entre eux mais rencontrent un échec chez d’autres. Bien qu’ils fassent preuve d’une volonté certaine de parfaire leurs formulations et de ce fait leur écrit, ces derniers se heurtent inévitablement à leur manque de maîtrise de la langue française qui influence négativement leurs essais reformulatifs.

Ces problèmes de langue dont souffrent les étudiants sont manifestes au niveau de l’oral et sont repérables – pour certains groupes – au moment de l’écrit puisqu’ils sont reproduits tels quels ne pouvant pas alors être apparentés à un moment d’inattention. En effet, pour le binôme 4A, par exemple, les problèmes locutoires se manifestant à l’oral engendrent des erreurs au niveau scriptural. La prononciation erronée d’un terme, s’ajoutant à une insuffisante maîtrise de la langue ou à une incertitude des connaissances, génère ipso facto une inscription erronée de ce terme. Plusieurs exemples se présentent à nous : « la coiffire » en W 139, « matrialiste » en W 273, « dimographique » en W 543, ou encore le mot machiavélique qui est repris à plusieurs reprises mais jamais prononcé ou écrit correctement : il est prononcé « michavélique » en K 654 et « mechiavélique » en K 666 et inscrit automatiquement d’une manière inexacte dans le texte définitif : « machevalique ».