VII – Argumentation (L’argumentation dans les productions orales et écrites des étudiants) :

1- Introduction 

Le choix de placer l’étude de l’argumentation à ce niveau précis de l’organisation de notre travail n’est nullement arbitraire. Il est, au contraire, inhérent à la place que tient le discours argumentatif aussi bien au niveau de la production écrite qu’au niveau de la production orale des apprenants.

En effet, à une argumentation orale, définie par la manifestation de désaccords entre les deux interactants en vue d’aboutir à un certain consensus permettant, alors, le passage à la mise en texte, se substitue ou s’enchaîne une argumentation écrite à travers laquelle les deux interactants, précédemment en conflit, unissent leurs efforts et leurs compétences pour tenter de convaincre une tierce personne qui n’est autre que le lecteur potentiel ayant à juger leur produit écrit. Les différentes décisions que les étudiants prennent sont le fruit d’une multitude de négociations au cours desquelles chacun d’entre eux tente de défendre ses points de vue, de présenter ses idées, de les justifier afin de persuader l’autre du bien fondé de ce qu’il propose. Chaque locuteur est confronté au regard et au jugement de son interlocuteur. Une fois dissipées, les divergences concernant les idées présentées et les arguments qui les étayent, les étudiants affrontent conjointement la réalisation du texte argumentatif en ayant comme difficultés à résoudre la planification des arguments et leur organisation cohérente au sein du texte ainsi que l’assurance de la cohésion entre eux, etc. Les étudiants doivent répondre, en fait, à toutes les contraintes qu’exige ce type de texte, ne laissant ainsi aucune possibilité à leur lecteur de les contredire ou de trouver une faille à leur discours.

L’argumentation apparaît donc aussi bien au cours de l’interaction, où les échanges entre interlocuteurs font naître des oppositions au niveau de leurs idées, de leurs principes et de leurs représentations, qu’au cours des productions écrites présentées au sein desquelles la confrontation des arguments est mise en évidence : est c’est ce double ancrage de l’argumentation dans le processus de production et dans le texte produit qui nous a amené logiquement à aborder maintenant la question de l’argumentation.

Par ailleurs, en choisissant de faire collaborer deux étudiants à la réalisation d’un produit écrit, il nous était impossible de ne pas prévoir l’existence éventuelle de désaccords entre les deux protagonistes en question. Ceci nous a conforté dans l’idée qu’il fallait les amener à rédiger un texte argumentatif, les confrontations pouvant émerger entre les co-rédacteurs seront, de ce fait, mises au profit de l’écrit argumentatif et les négociations stratégiques se mêleront, ainsi, aux négociations sur le contenu (les arguments à choisir ainsi que les exemples illustratifs).

Qui dit argumentation dit également contre-argumentation. C’est sur ce principe dialogal, qui régit toute argumentation, qu’insiste Adam. Le locuteur doit impérativement prendre en compte les arguments de son interlocuteur. Ce dernier peut s’accorder avec les propos déjà énoncés ou bien en formuler d’autres totalement en opposition avec eux. En outre, un écrit argumentatif est loin d’être monologique dans le sens où son auteur ne peut pas y traiter un sujet ou une problématique à partir d’un seul et unique point de vue. L’argumentation implique un discours et un contre-discours. Elle met en situation d’opposition deux visions différentes que les intervenants présentent vis-à-vis d’un même problème rencontré.

Tout texte argumentatif préfigure, alors, l’existence de deux représentations contradictoires qui ne font qu’alimenter ce type de produit formant ainsi la thèse et l’antithèse, les deux parties fondamentales de tout produit écrit à visée argumentative.

L’étudiant qui présente une thèse est susceptible d’affronter les doutes, les objections et le refus d’un opposant qui essaye,à son tour, de contredire le ou les argument(s) présenté(s) par son interlocuteur en tentant de contre-argumenter afin de plaider sa propre thèse.

D’autre part, le but de toute activité argumentative est l’aboutissement à un consensus. L’acharnement qui peut se manifester entre les étudiants dans certaines situations dialogiques n’a d’autre but que de réussir, à travers plusieurs tentatives argumentatives et quelques négociations, à résoudre toutes les divergences d’opinion existantes et de pouvoir, dès lors, aspirer à partager finalement la même optique argumentative pour atteindre un objectif déterminé.

En outre, « Loin d’être suffisamment explicitée, la démarche de formation à la rédaction se réduisait à quelques recommandations formulées en termes de plans plus ou moins stéréotypés à suivre ou de conseils généraux sur les tournures stylistiques ou les procédés d’écriture. A cette carence d’un modèle théorique, faisaient écho des pratiques évaluatives limitées le plus souvent aux corrections de l’orthographe et de la grammaire de la phrase. Une attention excessive portée à la langue se faisait quelquefois au détriment de l’appréciation de la créativité, celle-ci étant une composante essentielle qui caractérise la production écrite »(Miled 1998).

Dans cette partie de notre travail consacré à l’observation des discours argumentatifs fournis par les étudiants enregistrés, nous cherchons, en plus d’évaluer la capacité argumentative de ces étudiants et a fortiori leurs compétences de scripteurs, à nous intéresser à la composante essentielle caractérisant toute production écrite dont parle Miled à savoir la créativité. En effet, les étudiants, en tentant de répondre à une consigne précise, sont appelés à faire preuve, un tant soit peu, d’originalité dans la rédaction de leur produit. Cette originalité étant d’ores et déjà véhiculée par le type de texte lui-même qui se distingue par une certaine variabilité discursive (la polyphonie qui est une spécificité du texte argumentatif).