1-2- Le marquage énonciatif :

Le texte argumentatif se caractérise par le recours des scripteurs au marquage énonciatif et aux jugements subjectifs qu’ils peuvent émettre au moment de rendre compte de leur opinion.

1-2-1- Prise en charge énonciative et polyphonie :

Adam (1990) a évoqué les espaces sémantiques ou les phénomènes de prise en charge et de polyphonie comme faisant partie des six plans d’organisation textuelle que nous présentons, par ailleurs, dans une partie antérieure de notre recherche. Nous avons, néanmoins, choisi d’insérer ce plan, non pas à côté des autres plans précédemment cités plus en amont, mais dans cette partie consacrée à l’étude de l’argumentation. Notre choix est guidé par l’adaptation de ce plan au type d’analyse que nous allons effectuer lors de notre étude du marquage énonciatif établi dans les différents produits écrits. Tout au long du texte, le scripteur tente de défendre ses idées mais aussi de montrer la faiblesse de celles qu’ils récusent. Pour ce faire, il prend en charge son discours afin de montrer la perspective qu’il veut suivre dans son raisonnement et le point de vue qu’il cherche à légitimer. Il revendique ses propos et sa vision des choses. Il peut, également dans une autre partie du texte, attribuer le discours à autrui, dans une volonté de montrer deux visions différentes d’un même sujet ou de démontrer son incompatibilité idéelle et sa démarcation d’avec les énoncés et les idées que « d’autres » défendent. Ce plan est utilisé par le scripteur afin de servir ses intérêts textuels et d’orienter le produit écrit vers une optique précise puisque c’est à lui que revient la charge d’attribution des rôles (qui prendra en charge une certaine thèse et qui se verra attribuer la défense de la thèse adverse) et donc de la responsabilité d’être l’auteur ou le rapporteur de tel ou tel énoncé.

L’essai, que nous avons choisi comme genre de texte à faire élaborer par les étudiants, est caractérisé par la réflexion personnelle, le « je » du scripteur qui, peut être plus ou moins présent au sein du texte. La parole est, ainsi, prise en charge par le scripteur qui présente ses idées et ses propres convictions, récuse certaines opinions adverses en tenant à faire adhérer un lecteur potentiel à sa vision des choses. Le scripteur s’implique, alors, dans son texte en essayant, en même temps, d’impliquer son lecteur et de le faire réagir.

Le discours argumentatif se construit en relation avec l’autre. Cette prise en compte du scripteur de l’existence éventuelle d’un autre, qui est amené à lire son produit et à le juger, représente certainement un défi qu’il essaye de remporter grâce à la présentation d’une argumentation étudiée.

C’est une sorte d’échange implicite qui s’installe entre le scripteur et son lecteur.

A travers cet angle d’approche personnel du texte, le scripteur aspire à convaincre son auditeur (ou la personne à qui il s’adresse ou est supposé s’adresser) de l’opinion qu’il a du problème traité.