VII/ Annonce et justification du plan

Nous avons choisi de scinder notre thèse en deux grandes parties. Chaque partie comprenant deux chapitres, subdivisés en deux sections. Les deux parties portent respectivement sur La construction sociale de la loi relative à la lutte contre les exclusions : les collectifs de groupes de cause comme médiateurs et interlocuteurs des pouvoirs publics (I), et sur « Politisation » et institutionnalisation de la lutte contre les exclusions : les groupes de cause comme acteurs du système politico-administratif (II).

La première Partie permet de comprendre comment les groupes de défense de la cause des plus démunis se rassemblent pour organiser et construire une réflexion approfondie sur la question de l’exclusion. Le chapitre premier analyse les collectifs  Alerte et CPE comme médiateurs et promoteurs de la cause « des plus démunis » auprès des pouvoirs publics. Il s’agit d’analyser les enjeux de la constitution des deux principaux collectifs sociaux et le positionnement des différents acteurs à l’intérieur des regroupements Alerte et CPE, bien quece dernier se soit mué, dès mars 1998, en un autre collectif dénommé Groupe de travail et d’échange interassociatif 96 . L’intérêt de cette interrogation réside dans la compréhension de la capacité des groupes de lutte contre les exclusions à s’affirmer comme médiateurs de la demande sociale et à se constituer en groupes de pression vis-à-vis des décideurs politiques. Quant au deuxième chapitre, il porte sur les collectifs  Alerte  et CPE en tant qu’interlocuteurs pertinents des autorités gouvernementales et Parlementaires.

La deuxième partie de notre thèse porte sur « Politisation » et institutionnalisation de la lutte contre les exclusions : les groupes de cause comme acteurs du système politico-administratif (II). Il s’agit de s’interroger sur le processus de politisation de la thématique « Lutte contre les exclusions » et d’institutionnalisation des groupes de défense de la cause des plus démunis en tant qu’acteurs des politiques publiques de lutte contre les exclusions. Cette interrogation doit nous amener à comprendre l’importance que les pouvoirs publics ont joué tout au long du processus de construction de la loi, notamment en termes de légitimation des groupes sociaux qui se positionnent en défenseurs de la cause des plus démunis. Le premier chapitre aborde la problématique de « La politisation » de l’exclusion en tant que problème public et le pouvoir exclusif d’identification des médiateurs par les institutions gouvernementales et Parlementaires. Quant au second chapitre, il nous permet de nous interroger sur l’institutionnalisation de la lutte contre les exclusions, celle-ci se faisant principalement autour de deux aspects : la dimension « novatrice » de cette loi et la participation des groupes de cause aux institutions locales.

Le projet d’élaboration d’une grande loi contre les exclusions semble bien être une idée qui émane de la société civile et plus particulièrement des organisations de défense de la cause contre les exclusions 97 . Les groupes de cause portent leur demande sociale sur la place publique et réussissent à obtenir gain de cause en 1995 avec « l’appropriation » par les décideurs politiques de cette question sociale. Les candidats à la présidence de la république en font une « offre politique » 98 lors du forum organisé par la radio publique France inter et le quotidien catholique La Croix, et prennent l’engagement de faire adopter une grande loi d’orientation contre les exclusions.

L’idée d’une loi globale contre l’exclusion émerge donc des milieux des groupes de défense de la cause des plus démunis, avant que les décideurs politiques ne l’adoptent. Le plan de notre thèse s’appuie sur cette évolution chronologique, sans pour autant mettre une barrière entre les champs social et politique 99 , car l’intérêt de l’étude de cette loi réside largement dans la prise en compte des groupes de défense de la cause des plus démunis non plus comme « relais » des décisions publiques auprès des plus défavorisés, mais plutôt comme acteurs majeurs des politiques publiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. C’est la nouvelle posture qu’adoptent les groupes de cause qui nous fait dire, ainsi que l’affirme Michel Chauvière, que « ce partenariat porte donc en lui la tentative d’une révolution des légitimités dans l’action » 100 .

En effet, l’idée d’une loi globale contre l’exclusion est née de l’espace des groupes de défense de la cause des plus démunis, puis s’est imposée progressivement dans le champ « politique ». C’est cette trajectoire qui justifie le choix que nous avons fait de compartimenter notre thèse en deux grandes parties.

La première partie traite justement du processus de construction sociale de la loi tandis que la seconde aborde la problématique du processus de construction politique de la loi avec notamment la mobilisation des groupes de défense de la cause des plus démunis, la longue maturation de l’exclusion et de la pauvreté, leur capacité à réfléchir ensemble, à confronter leurs pratiques, leurs actions, à concevoir une pensée commune, à agir ensemble pour une cause qui leur paraît commune et qui finalement constitue le socle même de leur engagement dans la société ou de leur action militante.

Il s’agit donc, de s’interroger d’abord, sur les groupes de cause en tant que médiateurs et interlocuteurs des pouvoirs publics (Partie I), pour ensuite analyser l’action des groupes de cause en tant qu’acteurs du système politico-administratif (Partie II).

Notes
96.

Ce collectif a eu une durée de vie assez courte. Nous avons trouvé très peu d’archives qui traitent de son organisation et de fonctionnement. Il a été créé en mars 1998 et a été dissous à l’adoption de la loi, soit trois mois après. Il semblerait que ce collectif ait été animé par des organisations «  radicales  » notamment par AC !, le MNCP, l’Apeis, le DAL et Droits devant.

97.

Archives Uniopss. Le collectif Alerte justifie sa position de pionnière de la loi contre les exclusions : «  D’où est venue l’idée d’un pacte contre l’exclusion sociale et la pauvreté ? L’idée d’un pacte contre l’exclusion n’est pas venue des « hautes sphères » de l’Etat ». Cette phrase indique bien la détermination des acteurs sociaux à revendiquer eux-mêmes la paternité de l’idée de la loi contre les exclusions. Document dossier de presse du 2 mars 1998 : lutte contre la pauvreté et l’exclusion. p. 4.

98.

Philippe Garraud, « politiques nationales : élaboration de l’agenda », L’Année sociologique, vol.40, 1990, p. 30.

99.

Nous justifions le choix de ce plan par le parcours de cette idée et par la nécessité de faire d’abord un état des lieux de la maturation sociale du projet de loi avant d’aborder la construction politique de la loi.

100.

Michel Chauvière, « Secteur social et Médico-social et formes successives du partenariat public-privé en France ». Source : http: www.cersa.org