II/ La construction de la cause « des plus démunis » comme processus de légitimation de la cause des « exclus »

Nous souhaitons nous interroger maintenant sur les mécanismes de mise en forme de la légitimité et de la représentativité de la soixantaine de groupes qui se proclame défenseurs de la cause « des plus démunis ».

Les organisations de défense de la cause des plus démunis revendiquent en effet une démarche et un projet « politiques » sur lequel elles se fondent pour légitimer leur « cause » et donc justifier leur engagement : « en effet, le processus de construction et de légitimation des savoirs associatifs s’accompagne ainsi nécessairement d’un processus de production de discours sur le savoir des « savants » sur les méthodes et les pratiques, les résultats et les finalités de la recherche » 304 . La démarche de légitimation de la cause des plus démunis se caractérise donc par une série d’actes : la présence sur le terrain au côté des personnes en difficulté ; la capacité à rendre exemplaire cette lutte contre la pauvreté et l’exclusion ; la mise en œuvre d’un savoir-faire spécifique en matière de lutte contre l’exclusion ; l’édification d’un cadre de travail collectif entre groupes de cause 305 de l’U niopss ; et enfin une collaboration avec les pouvoirs publics.

Au-delà de ces caractéristiques,les groupes de cause doivent, pour jouir du statut de défenseurs de la cause « des plus démunis », réussir d’abord à construire et à faire admettre cette cause. C’est bien cette opération de légitimation qui donne un sens à leur action et à leur engagement. La construction de la cause « des plus démunis » oblige ainsi les groupes à définir les représentations de cette cause et à justifier la pertinence de leurs actions. Cette activité « intellectuelle » vise à légitimer l’objet de leur engagement social et politique.

Nous allons, pour cela, analyser les mécanismes dont usent les groupes de cause pour légitimer leur « cause ». Il s’agit de s’interroger sur la capacité des groupes de cause à définir et à délimiter « l’exclusion » (A). Ensuite, nous analyserons comment les engagements et les philosophies d’action que les groupes revendiquent autorisent ces derniers à légitimer leur statut de défenseurs de la cause des démunis (B).

Notes
304.

Yves Lochard et Maud Simonet-Ciset ( Coord.), L’expert associatif, le savant et le politique, Paris, Editions Syllepse, 2003, p. 11.

305.

Archives Fédération Entraide protestante : compte-rendu des réunions des 10 février et 11 mai 1998 à l’Uniopss. Les organisations sociales la Fédération Nationale des Associations de Réinsertion Sociale, ATD Quart-Monde, le Secours populaire français, Médecins du Monde et l’Union Nationale Interfédérale des Oeuvres et organismes Privées Sanitaires et Sociaux sont celles dont la contribution au sein du collectif Alerte sont certainement la plus significative.