A/ Définition et délimitation de « l’exclusion » comme démarche de légitimation de la cause « des plus démunis »

Qui peut ou doit être considéré comme « exclu » ? Jusqu’où peut-on étendre la notion « d’exclu » ? Les organisations de lutte contre l’exclusion qui composent les collectifs Alerte et CPE peuvent être qualifiées « d’entrepreneurs de cause » 306 dans la mesure où les « exclus » apparaissent comme « des groupes minoritaires » 307 , éclatés etdisposant de faibles ressources à même de favoriser la mobilisation spontanée de ces publics. La légitimité des groupes qui se positionnent comme défenseurs de la cause des plus démunis semble d’autant plus réelle que ces entrepreneurs de cause se positionnent comme « porte-parole d’une population dont ils ne partagent pas les mêmes caractéristiques » 308 . Nous pensons, dès lors, que l’émergence des groupes de défense de cette cause dans l’espace public peut se justifier par la faiblesse de moyens de mobilisation qui caractérise les « exclus ». En effet, selon Jean Baptiste de Foucauld, président du groupe de cause Solidarités Nouvelles face au Chômage ,

‘« Les exclus, (…) ne s’expriment pas ou peu. Il y a un problème de citoyenneté des exclus qui doivent passer du silence à la parole, de la parole à la représentation, de la représentation au partenariat » 309 .’

Comme pour toute cause, la défense de la cause « des plus démunis » peut être présentée sous deux formes possibles pour reprendre la classification de Michel Offerlé : soit, sous l’aspect d’un « travail d’affirmation : nous sommes » 310 , soit plutôt sous forme d’un « travail de dénégation : nous ne sommes pas » 311 . Les groupes de défense de la cause des plus démunis ont fait le choix de justifier leur engagement pour la cause des « exclus » en se plaçant dans une dynamique affirmative : « Nos associations agissent tous les jours sur le terrain de la prévention, de l’accompagnement, de l’insertion, de la citoyenneté, du partenariat avec les plus démunis » 312 . Les groupes de cause membres du collectif Alerte revendiquent parfois leur posture de défenseurs de la cause des plus démunis par la dénonciation. Car, selon eux, « la situation [l’exclusion ] dans laquelle se trouve un nombre croissant de personnes et de familles » 313 est tout simplement « inacceptable ».  Quant aux membres du collectif CPE, ils affirment être les représentants des « principaux secteurs de la société civile : lutte contre la pauvreté, insertion et réadaptation sociales, solidarité avec les étrangers, logement, santé, emploi, éducation et formation… » 314 .

Les deux collectifs construisent leur statut de défenseurs de la cause « des plus démunis » grâce à la place et au rôle qu’ils peuvent jouer dans les institutions publiques tel le Conseil économique et social. La posture des groupes de cause se trouve légitimée par le répertoire discursif des leaders de ces groupes de cause, par les diverses formes de mobilisation qu’ils adoptent et le sens qu’ils donnent à leur engagement. Ce travail de légitimation de la cause des « exclus » est une démarche qu’entreprennent les membres de la Commission Lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale depuis la création de celle-ci en 1985.

Au cours des années 1980, les membres de la Commission Lutte contre la pauvreté et l’exclusion de l’Uniopss ont participé à la réflexion sur le revenu minimum d’insertion 315 et ils ont eu des échanges avec les représentants des pouvoirs publics sur cette question 316 . Les groupes membres de la Commission de l’Uniopss ont même participé à la préparation des décrets d’application de la loi sur le revenu minimum d’insertion 317 . Les responsabilités que les pouvoirs publics confient aux groupes de défense de la cause des plus démunis témoignent bien des fonctions sociale et politique que ces derniers jouent. Nous pouvons ainsi penser que c’est l’accumulation de l’expérience sur le terrain et la reconnaissance de la qualité du travail des groupes de cause qui persuadent le Premier ministre Edouard Balladur d’attribuer le label Grande cause nationale  à six grandes organisations caritatives : Secours catholique, Secours populaire, Emmaüs, ATD Quart-Monde, Fnars et Setton 318 .

La vocation de ces groupes à défendre les plus démunis peut aussi se justifier par la participation de ces derniers aux campagnes « pauvreté-précarité » réalisées au cours des années 1980 319 . Les résultats de ces campagnes ont certainement éclairé la mise en l’application de la loi sur le Revenu Minimum d’Insertion ( présentés à M. Bertrand Fragonard, délégué interministériel au RMI ) 320 , ou même grâce à la participation de ces derniers à la création, à l’échelle européenne, d’un comité des organisations non gouvernementales de lutte contre la pauvreté 321 . La qualité de défenseur de la cause des plus démunis peut aussi trouver sa justification dans l’initiative du collectif Alerte d’organiser, en mars 1995, un forum baptisé « Vaincre l’exclusion ». Ce forum avait pour but de convaincre les décideurs politiques de faire adopter une loi cadre contre les exclusions.

Les groupes de défense de la cause des plus démunis révèlent leur statut ou leur qualité de défenseur de la cause des plus défavorisés en recourant à un répertoire discursif spécifique et approprié à la défense de cette cause. En effet, les groupes de cause utilisent régulièrement la première personne du pluriel, c’est-à-dire « nous », pour s’identifier à la cause qu’ils défendent. L’usage de « nous » tend aussi à indiquer l’unité de leur démarche : « nous, associations de solidarité… » 322 » nous sommes unanimes pour dénoncer… » 323 , « nous voulons uns loi pour garantir les droits (…) pour combattre et prévenir les mécanismes producteurs de pauvreté, de précarité et d’exclusion » 324 . L’usage du « nous » n’apparaît pas comme un simple effet mécanique du fait de parler au nom de plusieurs groupes de cause.

Ce terme semble également traduire « la communion » que les groupes de cause établissent entre eux et les « exclus ». Le recours au « nous » vise à justifier la représentativité des groupes de cause qui se positionnent comme défenseurs de la cause des plus démunis. Le « nous » exprime le mandat de représentation qui lie les « exclus » aux responsables de groupes qui ont la charge de négocier la défense de leur « cause » auprès des décideurs politiques. L’emploi du « nous » semble clairement indiquer que ces organisations exercent le monopole exclusif de la représentation des plus démunis. Elles incarnent la cause des plus démunis auprès des pouvoirs publics.

Et, la philosophie d’action des groupes de défense de la cause des plus démunis, membres du collectif Alerte a toujours reposé sur la négociation « légale » avec les pouvoirs publics. Le choix de ce mode opératoire peut s’expliquer par l’orientation et la philosophie d’action de l’Uniopss. Depuis sa création, cette structure est considérée par tous les gouvernements comme un interlocuteur privilégié puisque c’est une organisation qui « exerce un rôle prépondérant dans l’évolution des politiques sociales » 325 . Elle incarne une posture de collaborateur « civil » des pouvoirs publics. En effet,

‘« Depuis le début de la quatrième République, l’Uniopss a toujours été sollicitée par les différents ministères qui se sont succédés chaque fois qu’ils avaient à publier un texte de loi. Ils ont toujours demandé à l’Uniopss de donner son avis. On est toujours consulté par l’Etat, c’est pour cela qu’on a toujours appelé l’Uniopss, le ministère privé, le ministère bis des affaires sociales parce qu’on a un peu cette fonction de parler au nom du monde associatif et donc le gouvernement préfère nous avoir avec lui que contre lui d’une certaine manière » 326 .’

La posture du collectif Alerte en tant que représentant des plus démunis s’est aussi construite et affirmée grâce à l’action de reconnaissance de l’Etat. Ce collectif accède à ce « statut » par la volonté du gouvernement d’Edouard Balladur qui décerne le label Grande cause nationale aux organisations qui animent la Commission Lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Pour les pouvoirs publics, les membres de la Commission de l’Uniopss qui se mue en collectif Alerte apparaissent comme desinterlocuteurs pertinents. Ces organisations sont en effet à la fois vecteurs d’expression des « exclus » et constituent en même temps des lieux de production de normes relatives à la lutte contre les exclusions. Ces organisations jouent donc le rôle de porte-parole des plus démunis et adoptent une relation de collaboration et s’abstiennent de créer des rapports conflictuels avec les décideurs politiques et la puissance publique,

‘« (…) On entretient de très bonnes relations avec les pouvoirs publics, c’est-à-dire avec les administrations et avec les gouvernements (…) On travaille ensemble. (…) On se doit d’être crédible, c’est-à-dire que quand on avance quelque chose, il faut qu’on soit vraiment représentatif, c’est pourquoi l’Uniopss essaye toujours de ne pas parler en son nom propre, mais au nom des associations. C’est notre crédibilité et notre représentativité et c’est ça notre légitimité » 327 . ’

Ainsi, le collectif Alerte paraît bien tirersa légitimité de représentant des « exclus » de son aptitude à théoriser et à donner sens à la thématique de l’exclusion et de la pauvreté. C’est la raison pour laquelle les gouvernements et les institutions tel le Conseil économique et social accordent, lors des négociations, un temps d’écoute plus important aux groupes de cause de ce collectif par rapport à ceux du collectif CPE parce que « le collectif Alerte est un « partenaire naturel » 328 .

Les soixante groupes de cause qui organisent régulièrement des conférences de presse se positionnent comme porte-parole de la cause des plus démunis 329 . Ils considèrent comme « exclus » : « les sans emploi, les sans logis » 330 , les personnes qui vivent dans la « précarité » 331 , dans la « misère » 332 , les « personnes démunies » 333 , les « chômeurs 334 , les personnes qui vivent dans la « détresse sociale » 335 . « L’exclu » est celui qui a « le sentiment de ne compter pour personne, de n’être rien, de ne servir à rien » 336 , ou celui qui a le sentiment « de ne plus être reconnu comme un homme » 337  : ce sont « les laissés pour compte de la société » 338 Nous pouvons également qualifier de « plus démunis », les personnes qui n’ont pas accès « à la santé et aux soins, à l’éducation et à la culture, à l’emploi, au logement, aux ressources, aux droits civiques, au droit de vivre en famille (…) » 339 .

La capacité des groupes de défense de la cause des plus démunis à donner des représentations, à définir des images des « exclus » permet d’affirmer que ces groupes de cause méritent d’être considérés comme porte-parole de la cause des plus démunis. Car, ainsi que l’affirme Hassenteufel, on reconnaît un groupe de cause par la capacité de celui-ci à fixer « l’identité du groupe représenté en délimitant les contours, en légitimant l’existence (…), bref, [ à faire ] exister [ les « exclus » ] comme collectif unifié » 340 .

Nous pouvons nous appuyer sur la définition émise par Michel Offerlé pour conforter la qualité de porte-parole de ces groupes de cause puisque pour celui-ci, les porte-paroles « investissent des mots existants, imposent des regroupements (les handicapés), inventent de nouveaux labels, (« le quart-monde », les « exclus ») font labelliser le groupe comme communauté, minorité, totalité » 341 , ce qui semble être le cas en l’espèce. Il suffit de se référer à la déclaration que fait Hugues Feltesse 342 , représentants des groupes de défense de la cause des plus démunis du collectif Alerte lors du forum « Vaincre l’exclusion », l’exclusion n’est pas le résultat de la contingence. Elle est plutôt l’expression d’une construction sociale puisque,

‘« Depuis une quinzaine d’années, la société prend la forme d’un sablier : en haut les catégories privilégiés, en bas et toujours plus nombreuses les personnes au rebut : chômeurs de longue durée dont le nombre continue à augmenter malgré la reprise économique, allocataire du RMI, dont l’objectif d’insertion paraît le plus souvent passé au second plan, exclus du logement dont l’opinion ne se préoccupe vraiment que lorsque le thermomètre descend au-dessus de zéro et qui sont toujours plus nombreux à hanter nos rues et nos moyens de transport collectifs » 343 .’

La représentation consensuelle de l’exclusion sociale qu’établit Hugues Feltesse est partagée par la ministre Martine Aubry. Cette dernière, en tant que coordinatrice du projet, et donc principale responsable politique de la construction de la loi au sein du gouvernement de Lionel Jospin, affirme que :

‘« La montée du chômage a multiplié les situations de détresse (…) 15% de nos concitoyens connaissent la pauvreté (…) 2 millions de personnes ne vivent que grâce au RMI, 6 dépendent des minima sociaux et 1 million de nos concitoyens sont au chômage de longue durée. (…) Plus de 50.000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucune qualification, 200.000 personnes au moins vivent dans la rue et 2 millions sont mal logés. Enfin un Français sur quatre déclare avoir renoncé récemment à se soigner pour des raisons financières. J’ajoute que plus de 600.000 ménages sont surendettés » 344 .’

La ministre Martine Aubry dresse ainsi une représentation « chiffrée » de l’exclusion sociale. Cette description apparaît comme un véritable « cri de détresse ». Elle se situe alors sur la même longueur d’onde que les groupes de cause. Car, la description ministérielle correspond aux principales images que les groupes de cause dégagent, à savoir que l’exclusion se décline principalement en termes de chômage, de sans-logis, de mal-logés et de non-accès aux soins de santé. La reprise de ces différentes représentations de l’exclusion par la ministre Martine Aubry légitime la cause « des plus démunis » et conforte ainsi la stature et la posture des collectifs Alerte et CPE en tant que porte-paroles des plus démunis et interlocuteurs légitimes des pouvoirs publics.

Les différentes images que dégage la ministre Martine Aubry correspondent à celles que les responsables de groupes de cause avaient déjà indiquées. Ces représentations révèlent qu’il n’y a pas un public « d’exclus », mais bien des publics « d’exclus ». Le manque de « frontière », expression de la pluralité des publics « d’exclus », pose le problème théorique de la définition et des limitations de la notion « d’exclu ».

A priori, les « exclus » sont difficilement quantifiables et identifiables. On peut penser que l’usage du terme « exclusion » sert justement à palier la difficulté qu’il y a à chiffrer ou à indiquer distinctement les exclus. D’où l’emploi du mot « exclusion » qui présente la vertu d’englober des situations aussi nombreuses que variées puisque finalement c’est un terme fourre-tout. Pour Martine Xiberras, par exemple, « la notion d’exclu est en train de subir le sort de la plupart des termes qui ont été consacrés de nos jours par la médiocrité des modes intellectuelles et universitaires : elle est saturée de sens, de non-sens et de contre-sens ; finalement, on arrive à lui faire dire à peu près n’importe quoi, y compris de dépit de celui qui ne peut obtenir tout ce a quoi il prétend » 345 .Ensuite, les personnes « exclues » ne peuvent facilement se mobiliser elles-mêmes à cause de la faiblesse de leurs ressources.

Il convient de préciser par ailleurs que l’éclatement des publics « d’exclus » ne favorise ou ne facilite non plus leur mobilisation spontanée, car comme le confirme Serges Paugam, « la généralisation du terme « d’exclu » a pour effet d’ignorer l’hétérogénéité des trajectoires sociales menant à la pauvreté et à l’exclusion » 346 . Pour faire face à toutes ces difficultés liées à la multitude de trajectoires qui conduisent à l’exclusion, les groupes de cause semblent se résoudre à définir et à limiter l’exclusion en se référent aux critères éthiques et juridiques. Ils analysent donc la problématique de la lutte contre les exclusions, en référence au respect de la dignité humaine et à l’effectivité des droits fondamentaux 347 .

Pour les collectifs Alerte et CPE, la lutte contre l’exclusion doit ainsi se matérialiser par « la contribution de tous à la vie économique, sociale, culturelle et politique, chacun étant acteur du développement » 348 et par l’effectivité « des droits fondamentaux de chacun des résidents (…) sans discrimination de sexe, d’origine, de mode de vie ou de statut administratif… » 349 . Car, comme le proclame Alerte « une solidarité en panne, c’est une société en panne. Abandonner les droits des exclus, c’est abandonner ses propres droits » 350 . Cette vision de la lutte contre l’exclusion en termes d’exercice effectif des droits fondamentaux a été inspirée, en premier lieu, semble-t-il, par le groupe de cause ATD Quart-Monde. En effet, Selon Bernard Lahire,

‘« ATD Quart-monde va constituer un laboratoire unique et original d’élaboration de problématiques, de thématiques, de manière à voir, de penser et de dire le monde social et, en particulier, le monde des plus « démunis ». Ce mouvement va élaborer une sorte de fonds discursif auquel vont abondamment puiser les professionnels des discours sur les problèmes sociaux. Pour un observateur de la vie politique française de la fin des années quatre-vingt-dix, il paraît tout à fait évident que le champ des discours publics sur les « questions de société » ( « précarité », « exclusion », « pauvreté », « illettrisme » ) est très largement dominé par les manières de voir ( et de dire ) mises en forme par ATD Quart-monde depuis les années soixante » 351 .’

Le recours systématique aux droits fondamentaux peut être conçu comme la démarche que les groupes de cause puis les pouvoirs publics ont choisi pour définir et délimiter le phénomène « exclusion ». Le groupe de cause ATD Quart-Monde a été le précurseur de l’approche de l’exclusion en termes d’atteintes aux droits fondamentaux puisque celui-ci considère que les plus démunis,

‘« doivent pouvoir vivre dans la dignité. Pour une personne qui n’a pas de logement, qui ne peut pas se soigner… les droits de l’homme, ça veut dire quoi ? Le combat contre la misère donne du sens à des textes fondamentaux comme la déclaration universelle des droits de l’homme « 352 .’

Concrètement, les acteurs des collectifs Alerte et CPE 353 délimitent l’exclusion sociale en se référent à quatre secteurs : l’économie, la culture, le social et les droits civiques ou politiques. Ces quatre domaines constituent, par ailleurs, la « colonne vertébrale » de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions puisque cette loi se fixe pour objectif de rendre effectif les droits fondamentaux. Car, pour les groupes de cause, la loi cadre doit permettre,

‘« de garantir les droits économiques, sociaux, politiques et culturel des millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, privés d’emploi, de logement, de citoyenneté, de soins, marginalisés de la vie politique, économique, culturelle, relégués dans la catégorie des assistés sociaux. Une loi permettant de combattre et de prévenir les mécanismes producteurs de pauvreté, de précarité et d’exclusion » 354

Les groupes de cause réalisent un travail d’identification des « frontières » de la notion d’exclusion sociale. Cette activité consiste à la délimiter et à la légitimer. Ceci sert à faire prévaloir leur statut de représentant de la cause en question. Ainsi les groupes de cause donnent à l’objet, c’est-à-dire à la cause « des plus démunis », une meilleure visibilité, dans la mesure où ils confèrent à cette cause « sa » configuration, précise ses formes, ses manifestations, ses représentations et énoncent les mécanismes qui permettent de construire cette cause.

Lors du processus de construction de la loi, les collectifs Alerte et CPE puis GTI se positionnent régulièrement comme des groupes de cause qui s’expriment au nom et pour le compte des plus démunis. Ils affirment représenter les « exclus », rendent la cause « défendable » et sensibilisent l’opinion publique sur la pertinence de leur « cause ». Toute cette « activité » a en fait un objectif majeur : « faire appel à l’adhésion ( dans le sens le plus large ) publique du public, montrer, démontrer, obtenir le label de représentativité qui autorise à parler et à être entendu, sinon écouté dans les différents espaces de représentation » 355 .

Le travail de définition et de délimitation de la cause des « exclus » permet de contribuer à une meilleure visibilité et lisibilité des publics « d’exclus ». L’identification de ces publics apporte une distinction entre les « exclus » et d’autres types de publics. Ainsi, nous pouvons affirmer que les « exclus » sont distincts, par exemple, des prisonniers, des sourds-muets, des handicapés, des clandestins et des sans-papiers. Cette distinction semble paraître nette même si les groupes de cause radicaux 356 soutiennent et participent souvent aux manifestations publiques organisées pour la défense de la cause des sans-papiers par exemple. Le travail de bornage des « frontières » de l’exclusion semble avoir un effet certain : il apporte une certaine clarté sur la délimitation du « périmètre » d’action de ces groupes et conditionne leur engagement en faveur de la cause.

Notes
306.

Siméant Johanna, La cause des sans-papiers, Paris, Presses de Science-Po, 1998, p. 53.

307.

Ibid p. 53.

308.

Ibid.

309.

Archives ATD Quart-Monde : document Uniopss, Grande cause nationale 1994. Cahier des charges, le 8 mars 1994, propos tenus par Jean Baptiste de Foucauld.

310.

Michel Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, Montchrétien, 1998, p. 66.

311.

Ibid.

312.

Archives Médecins du Monde : communiqué de presse des groupes de cause Alerte aux exclusions, 15 juillet 1996. Ce communiqué a été signé principalement par ATD Quart-Monde, Médecins du Monde et l’Uniopss, les deux coordonnateurs des collectifs Alerte et CPE.

313.

Archives Uniopss : lettre que le président de l’Uniopss René Lenoir adresse au Premier ministre Lionel Jospin. Paris, 9 janvier 1998.

314.

Archives Médecins du Monde : communiqué de presse du collectif CPE  sur l’analyse de l’avant-projet de loi-cadre de renforcement de la cohésion sociale, Paris, 10 octobre 1996, p. 2.

315.

Archives Fédération Entraide Protestant : réunions Commission Lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Paris, 2 mai 1988 ; 26 mai 1988 ; 7 juin 1988 ; 1er juillet 1988 et 25 juillet 1988.

316.

Archives Fédération Entraide Protestante : réunions Commission Lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Paris, 2 septembre 1988. 

317.

Archives Fédération Entraide Protestante : réunions Commission Lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Paris, 7 novembre 1988 et compte rendu de la réunion Uniopss. Paris, 25 novembre 1988. 

318.

Le groupe de cause Setton a été «  fondé en 1992 par Jacky et Lilli Setton, déclaré grande cause nationale en 1994, a pour vocation de distribuer des sacs de couchage aux plus démunis qui souffrent du froid par l'intermédiaire de nombreuses organisations caritatives… ». Source : http://www.pioneer.fr

319.

Archives Fédération Entraide Protestante : Uniopss, Commission Lutte contre la pauvreté et l’exclusion, réunion du 5 juin 1989.

320.

Ibid.

321.

Archives Fédération Entraide Protestante : Uniopss sur l’ordre du jour d’une réunion de la Commission Lutte contre la pauvreté et l’exclusion du 5 septembre 1989.

322.

Archives Médecins du Monde : communiqué de presse « Des associations luttant contre la précarisation et les exclusions font des propositions au gouvernement concernant le projet de loi-cadre contre l’exclusion », Paris,8 mars 1996.

323.

Archives Médecins du Monde : communiqué de presse, « Loi de cohésion sociale : il faut agir » signé par AC, APEIS, CDSL, CSF, DAL, Droits devant, GISTI, SM, SUD PTT, Paris, 21 mars 1997

324.

Archives Médecins du Monde : communiqué de presse non datébaptisé « réunion de préparation des actions « Loi exclusion », signés par les groupes de cause : AC, AITEC, ATMF, APEIS, etc.

325.

Dominique Argoud, « L’Uniopss » :  un ministère privé des Affaires sociales ? «, Revue française des affaires sociales, n°3 juillet - septembre 1992, p. 93, cité par Eric Cheynis, « Usages et enjeux associatifs de la construction du champ de l’exclusion », op. cit., p. 34.

326.

Ibid.

327.

Entretien n° 11 avec M. Bruno Grouès.

328.

Entretien n° 2 avec Philippe Coste.

329.

Archives FEP, avril 1997 : Les prises de position des groupes de cause : 2/10 /96 ; 12/12/96, etc.

330.

Archives Fnars, communiqué de presse de la Fnars « Un signal d’alerte ! » du 9 janvier 1998.

331.

Archives Médecins du Monde, communiqué de presse CPE : « A l’attention de tous les rédacteurs en chef, concerne : Loi-cadre contre exclusion. Alerte aux exclusions », Paris, 22 juillet 1996.

332.

Ibid.

333.

Archives Uniopss, communiqué de l’Uniopss : « Pour combattre l’exclusion les associations de solidarité demandent aux candidats de s’engager ». Paris, 7 mai 1997.

334.

Archives Uniopss, communiqué de l’Uniopss : « Les chômeurs et exclus doivent être effectivement pris en compte dans chaque décision des pouvoirs publics ». Paris, le 23 janvier 1998.

335.

Laurent Mauduit, « Des mesures immédiates contre l’exclusion en attendant une loi », Le Monde, 26 décembre 1995, p. 5.

336.

Archives Uniopss, lettre que le Président de l’Uniopss René Lenoir adresse à Monsieur Lionel Jospin, Premier ministre, Paris, le 9 janvier 1998.

337.

Archives Médecins du Monde : dépêche AFP « Geneviève de Gaulle compare l’extrême humiliation de la misère à celle des camps de concentration », n° 251023, Mars 1998.

338.

Ibid.

339.

Archives Uniopss, communiqué « Alerte aux exclusions ». Paris, le 15 juillet 1996.

340.

Citation de Patrick Hassenteufel reprise par Simeant Johanna in La cause des sans-papiers, Paris, Presses de Science-Po, coll. Académique, 1998,p. 229.

341.

Michel Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, op. cit. p. 66.

342.

Directeur de l’Uniopss et représentant des groupes de cause, membres du collectif Alerte, lors du forum consacré à la lutte contre les exclusions sociales baptisé « Vaincre l’exclusion sociale » de mars 1995.

343.

Archives Fédération entraide protestante, allocution prononcée par Hugues Feltesse, directeur général de l’Uniopss devant les candidats à la présidence de la République de 1995.

344.

Discours de la ministre Martine Aubry, Assemblée nationale, débats parlementaires, Journal Officiel, compte rendu intégral des séances du 5 mai 1998, p. 3393.

345.

Martine Xiberras, Les théories de l’exclusion, Paris, Méridiens Klincksieck, 1994, p. 11.

346.

Serges Paugam, « Pauvreté et exclusion : le point de vue sociologique ». Communication présentée au colloque Un nouveau contrat social, Florence. Institut Universitaires européen / centre Robert-Schuman, 5-6 octobre 1995, cité dans Siméant Johanna, La cause des sans-papiers, Paris, Presses de Science-Po, coll. Académique, 1998, p. 51.

347.

Archives Uniopss : Alerte : « Pour la participation de tous. Lutter contre la pauvreté et l’exclusion : une priorité nationale ». Propositions de la Commission « Lutte contre la Pauvreté et l’exclusion » de l’Uniopss, Paris, mars 1996. p. 1. et Archives Médecins du Monde : Propositions contre la précarisation et les exclusions du CPE, Paris, Mai 1996. p. 1.

348.

Archives Uniopss : Alerte : « Pour la participation de tous. Lutter contre la pauvreté et l’exclusion : une priorité nationale ». Propositions de la Commission « Lutte contre la Pauvreté et l’exclusion » de l’Uniopss, mars 1996. p. 1.

349.

Archives Médecins du Monde : « CPE » :  « Propositions contre la précarisation et les exclusions », mai 1996, p. 1.

350.

Archives Uniopss : Alerte « Pour la participation de tous. Lutter contre la pauvreté et l’exclusion : une priorité ». Dossier de presse. p. 3.

351.

Bernard Lahire, L’invention de l’illettrisme. Rhétorique publique, éthique et stigmates, Paris, La découverte, 1999, p. 39

352.

Libération du 11 décembre 1998. p. 12.

353.

Archives Médecins du Monde, document « Loi de prévention et de lutte contre les exclusions. Travail interassociatif, Paris, 25 mars 1998. AC !, AITEC, DAL, Droits devant !, GISTI, MNCP, MRAP, OIP, ATD Quart-Monde, ATMF, CDSL, CADAC, Collectif droits des femmes, FASTI, Fédération Mutuelles de France, GISTI, Médecins du Monde, MNCP ? Points cardinaux, RAI, SNC, Solidarité paysans et Terre des hommes.

354.

Archives AC ! : Document : » Loi d’orientation relatif à la lutte contre les exclusions », travail interassociatif, 15 avril 1998. p. 2.

355.

Michel Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, op. cit. p. 70.

356.

AC ! MNCP, APEIS, Droits Devant soutenus par certains syndicats de gauche tel SUD PTT, etc.