D/ La lutte contre les exclusions : une offre politique à l’épreuve du calendrier politique, de la promesse à l’action concrète

Les Premiers ministres Alain Juppé et Lionel Jospin placent donc la lutte contre les exclusions au centre de leurs actions politiques. Alain Juppé s’engage à faire de la lutte contre les exclusions «  la première exigence de l’action collective »  911 . Il en est de même de Lionel Jospin 912 .Et, d’ailleurs la nomination de certaines personnalités « socio-politique » 913 aux fonctions ministérielles des affaires sociales traduit la volonté des deux gouvernements de construire la loi en faveur des plus démunis 914 . Cette loi avait été promise aux groupes de défense de la cause des plus démunis par les candidats à l’élection présidentielle de 1995 915

Les projets de loi de Renforcement de cohésion sociale et de Lutte contre les exclusions sont le reflet de l’engagement des candidats à l’élection présidentielle. La dissolution de l’assemblée nationale (1) apporte toutefois une dynamique nouvelle à la construction de la loi contre les exclusions (2).

Notes
911.

Jérôme Fénoglio, « l’Assemblée nationale souhaite modifier le projet de loi contre l’exclusion », Le Monde, 15 avril 1997, p. 7.

912.

Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre Lionel Jospin déclare que « la solidarité doit s’exercer au bénéfice de tous sans exception. Une loi contre les exclusions sociales sera à cette fin présentée au Parlement ». p. 3 : Archives Uniopss. Reprenant les propos du Premier ministre Lionel Jospin, la ministre Martine Aubry déclare “Il y a dans notre société quelque chose d’aussi absurde qu’injuste. Nous n’avons globalement jamais été aussi riches et pourtant des milliers de personnes dorment dans la rue, renoncent à se soigner faute d’argent, des enfants ne peuvent même plus fréquenter les cantines scolaires. La crainte de l’avenir se fait toujours plus forte. C’est cette spirale qu’il faut briser. C’est ce changement là que les français attendent. C’est à cette aspiration que nous voulons répondre ». Source : discours de la ministre Martine Aubry à l’Assemblée nationale, 5 mai 1998.

913.

Nous pensons en particulier au Secrétaire d’Etat à l’Action Humanitaire Xavier Emmanuelli.

914.

Archives Contemporaines de Fontainebleau. Fonds d’Antoine Durrleman, conseiller auprès d’Alain Juppé, Premier ministre, côte n° 20010533, art. 14 : préparation du projet de loi contre l’exclusion (05/1995-08/1996). Note de M. Antoine Durrleman au Premier ministre Alain Juppé, « mon sentiment est que sur le plan politique tout abandon de ce projet sera vu comme le « signe » de l’abandon définitif de toute volonté de « réduire la fracture sociale » Jacques Barrot, [...] est convaincu désormais qu’il faut faire cette loi « de manière raisonnable ». Xavier Emmanuelli, avec la passion qui le caractérise, en fait une affaire personnelle. En cas d’abandon de ce projet dont il s’estime porteur, je suis fondé à penser qu’il remettra sa démission ». Paris, 4 mai 1996.

915.

« Parce qu’elle avait été promise aux associations ! [...] et que ... et que le gouvernement a pris l’habitude de faire ce qu’il disait, donc on avait promis une loi de lutte contre l’exclusion, on a fait une loi de lutte contre l’exclusion mais on aurait très bien pu faire des diverses mesures d’ordre social un peu partout euh en nourrissant le code de la santé, le code de la famille, le code du travail, euh, etc.., le code de la justice, pour donner....donner une existence légale au projet qui était contenu dans le programme, et la loi, elle aurait tout aussi été opérationnelle, une fois que la loi est faite, elle vient alimenter chacun des codes, de la même manière, bon, euh ça n’aurait pas été compris, euh, et, à juste titre, par les associations, je pense principalement par ATD Quart–Monde. Entretien réalisé par Eric Cheynis, « Usages et enjeux associatifs de la construction du champ de l’exclusion », op. cit., p. 86