Section I : La loi contre les exclusions : une loi humaniste et « novatrice » ?

En quoi la loi relative à la lutte contre les exclusions est-elle le reflet du double apport des groupes de cause et des décideurs politiques ? Cette interrogation peut renvoyer à des questions « pratiques », en se demandant notamment si le contenu des politiques publiques de lutte contre les exclusions résulte du résultat de la réflexion des groupes de défense de la cause des plus démunis ou plutôt des volontés, voire des « calculs » électoraux, des décideurs politiques ? Quels sont les principes que les organisations de défense de la cause des plus démunis souhaitent voir ériger en axes essentiels de cette loi ? Et surtout quel est le sens que le gouvernement donne en définitive à la loi contre les exclusions ?

La détermination du « fait  générateur » des politiques publiques se fonde le plus souvent sur deux questions fondamentales 1039 : « Does politics determine politicies ? » et « Do policies determine politics ? ». Ces interrogations qui portent sur le processus de « sécrétion » des politiques publiques sont au cœur même de l’analyse des politiques publiques. Elles renvoient, en définitive, à des problématiques sur le sens et le contenu des politiques qui sont conçues et mises en œuvre. En réalité, ces interrogations suggèrent deux approches, deux philosophies et deux conceptions relativement distinctes de l’analyse des politiques publiques.

Concrètement ces deux questionnements mettent en rapport les résultats de la réflexion que les groupes de défense de la cause des plus démunis réunis au sein des collectifs Alerte et CPE ont pu mener et l’action publique qui relève de la décision des autorités gouvernementales et parlementaires. Nous nous trouvons dans une dynamique d’analyse entre la « connaissance » produite par les groupes de défense de la cause des plus démunis et la « prescription » 1040 des décideurs politiques.

En effet, la loi relative à la lutte contre les exclusions est un acte législatif qui incarne par ailleurs la volonté des groupes de cause. Elle tente de saisir globalement la problématique de l’exclusion par l’affirmation du respect de la dignité humaine et par l’effectivité des droits fondamentaux de l’Homme. Cette approche de la lutte contre les exclusions devient une exigence « populaire » avec la mobilisation des organisations de défense de la cause des chômeurs de décembre 1997 et janvier 1998. Les « manifestations-actions » de ces organisations radicales confortent l’exigence d’une loi d’orientation contre les exclusions maintes fois réclamée par les collectifs Alerte et CPE. Cette demande sociale relayée par les collectifs semble liée à l’augmentation du nombre de chômeurs, de personnes en détresse sociale et à la montée du nombre de personnes qui vivent dans la misère 1041 .

Dans la section I, nous nous interrogeons pour savoir en quoi la loi relative à la lutte contre les exclusions peut être qualifiée de loi humaniste et « révolutionnaire » (I) et en quoi elle propose le traitement du problème « exclusion » par l’accès aux droits fondamentaux (II).

Notes
1039.

Yves Meny et Jean-Claude Thoenig Politiques publiques, op. cit., p. 63-64.

1040.

Philippe Garraud, « Contribution à une sociologie des politiques publiques », L’année sociologique vol. 40, 1990, PUF, p. 228.

1041.

Op. cit., discours de Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité à l’Assemblée nationale. Journal Officiel. Assemblée Nationale – 2ème séance du 5 mai 1998, p. 3393.