D/ Le budget Lutte contre l’exclusion comme preuve de l’engagement du gouvernement Jospin ?

En quoi l’affichage du budget alloué à la lutte contre les exclusions sociales est-il représentatif de l’intérêt que les gouvernements accordent à cette cause ? Les projets de loi de Renforcement de la cohésion sociale et de Lutte contre les exclusions  se fondent sur une même philosophie : le respect de l’égale dignité de tous les citoyens et l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux. Les organisations de défense de la cause des plus démunis accordent une attention particulière au budget que les gouvernements d’Alain Juppé et de Lionel Jospin entendent allouer contre les exclusions 1075 .

Si le gouvernement d’Alain Juppé n’avait prévu que « près de 3 milliards de francs » 1076 , celui de la majorité plurielle a mobilisé plus de moyens financiers nécessaires aux objectifs fixés. Selon Martine Aubry, ce projet de loi est l’un des plus « grands chantiers » 1077 du gouvernement Jospin. L’effort financier affiché par le gouvernement de la majorité plurielle avait aussi pour but de rassurer certains partis politiques de gauche dont le Parti communiste 1078 , ainsi que les groupes de défense de la cause des plus démunis. Ces derniers avaient dénoncé l’insuffisance du budget proposé par le gouvernement d’Alain Juppé.

La mobilisation de sommes conséquentes pour la lutte contre l’exclusion est un message fort que le gouvernement de Lionel Jospin adresse aux groupes de défense de la cause des plus démunis 1079 . Le déblocage de la cinquantaine de milliards semble ainsi avoir recueilli l’adhésion de l’opinion publique et celle des personnes directement touchées par l’exclusion. Pour la Présidente d’ATD Quart-Monde Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz et l’ensemble des organisations de lutte contre les exclusions, le projet de loi de Martine Aubry est ainsi « un meilleur projet dans l’ensemble, parce qu’il y a des crédits » 1080 .

La volonté du gouvernement de Lionel Jospin de mobiliser 51,4 milliards pour les années 1998, 1999 et 2000 témoigne de l’intérêt que le gouvernement porte à la lutte contre les exclusions 1081 . Il convient de préciser que sur les 51,4 milliards prévus, le volet « Emploi » engloutit près des trois quart de l’enveloppe budgétaire, soit 33,5 milliards. En revanche 5,7, 5,1 et 1,4 milliards sont alloués respectivement à la santé, à la revalorisation des minima sociaux et à l’action sociale. Quant aux autres secteurs à savoir la justice, la culture, la jeunesse, les sports et les loisirs, ils bénéficient seulement d’un montant de 537 millions. Ce financement disproportionné témoigne bien de l’importance vitale que les pouvoirs publics accordent au volet Emploi par rapport à d’autres 1082 .

Traiter de l’exclusion, c’est-à-dire avoir la volonté de considérer la personne dans sa capacité à mettre en œuvre ses droits, c’est être à l’écoute de ceux qui vivent des situations difficiles, des organisations qui représentent les plus démunis et défendent leur cause ou intérêt. Le projet de la ministre Martine Aubry est novateur en ce sens qu’il constitue une reconnaissance de celles et de ceux qui sont en situation de précarité.

Cette reconnaissance se fait en trois étapes. D’abord, parce qu’elle affirme la nécessité des droits de tous ; ensuite parce qu’elle propose la mise en place des dispositifs individualisés avec des moyens adaptés aux situations personnelles ; et enfin parce que la loi suggère un accompagnement personnalisé, individualisé vers l’emploi, la santé ou la culture. Aussi, les groupes de défense de la cause des « exclus » doivent être intégrés dans les instances de consultation et de médiation aux plans national, régional et départemental parce qu’ils jouent le rôle de médiateur entre l’Etat et les plus démunis.

Finalement, la loi aborde la question de l’exclusion sociale en tentant de rompre avec la logique du traitement sectoriel qui a toujours prévalu en matière de lutte contre la pauvreté et les détresses sociales.

Notes
1075.

Leurs avis diffèrent sur ces projets de loi selon qu’il s’agit du projet de loi de Renforcement de la cohésion sociale ou de Lutte contre les exclusions sociales puisque le volume budgétaire prévu par les deux gouvernements n’est pas le même. Par conséquent, les réactions des groupes de cause à la publication de ces projets de loi n’était non plus les mêmes. Le projet de loi du gouvernement d’Alain Juppé a souffert de critiques très vives de la part des groupes de cause du fait, selon eux, d’absence de moyens financiers conséquents. Source : Actualité Sociales Hebdomadaire, 1er novembre 1996, n° 1995, p. 27.

1076.

Jean-Pierre Gratien» Les regrets de Jacques Barrot », La Tribune 5 mars 1998, p. 3.

1077.

Jean Michel Bezat, « Mme Aubry prend son temps pour préparer la conférence sur l’emploi et les salaires », Le Monde, 3 juillet 1997 p. 7.

1078.

Au cours de la séance des questions au gouvernement, le député communiste Robert Hue avait bien avant l’examen au Parlement du projet de loi demandé au gouvernement de préparer « une grande politique dotée de moyens financiers suffisants pour lutter enfin efficacement contre la pauvreté et l’exclusion ». A l’issue de cette intervention, la ministre Martine Aubry l’avait rassuré, en lui disant que le gouvernement prépare « un programme de lutte contre les exclusions qui sera portée par l’ensemble du gouvernement, qui sera chiffré, qui portera sur plusieurs années… ». Source :Bruno Caussé, « Martine Aubry promet un projet de loi et des crédits pour la lutte contre l’exclusion », Le Monde, 5 novembre 1997, p. 10.

1079.

Ibid

1080.

Ibid.

1081.

Archives Médecins du Monde, dépêche AFP, « Le projet de loi contre les exclusions adopté en Conseil des ministres », Paris, 25 mars 1998.

1082.

Rapport n° 450 du Sénat. Rapport fait au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, d’orientation relatif à la lutte contre les exclusions. Tome I, exposé général et examen des articles par M. Bernard Seillier, sénateur. p. 57–58.

Totaux en millions de francs 1998 1999 2000Coût cumulé

1998 - 2000Emploi 2 637 11 472 19 421 33 531Santé 107 311 5 311 5730Minima sociaux 1 577 1 801 1 801 5 179 Action sociale 126 377 525 1 028Logement 1 135 1 433 1 434 4 002Education Nationale 443 465 498 1 406Justice 22 47 63 132Culture 35 45 45 125