A/ l'Observatoire national ou l’aboutissement d’une demande majeure des groupes de cause dominants des collectifs Alerte et CPE

La création de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion est la concrétisation d’une requête des groupes de défense de la cause des plus démunis 1158 . L’enjeu de cet observatoire est de coordonner et de collecter les données sur l’exclusion et d’éclairer les pouvoirs publics sur les décisions à prendre.

Les groupes de cause réformistes et radicaux ont toujours souhaité que les pouvoirs publics créent une institution qui aura pour missions d’analyser, d’évaluer et d’observer l’évolution des exclusions 1159 . Cette demande prend finalement « corps » avec l’institutionnalisation d’un observatoire national. Le groupe de cause ATD Quart-Monde figure parmi les organisations de lutte contre les exclusions qui se sont le plus illustrées en faveur de cette revendication. Sa présidente, Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz avait longuement insisté, lors de son intervention devant les députés à l’Assemblée nationale, sur la mise en place de cet organisme. Celle-ci avait clairement demandé aux parlementaires de mettre sur pied un observatoire de la pauvreté et de l’exclusion sociale 1160 . La requête de Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz est une demande classique des groupe de cause qui luttent contre les exclusions. Cette demande a aussi recueilli l’adhésion des autorités gouvernementales et parlementaires puisqu’elle constitue une des grandes innovations institutionnelles de cette loi. Il est difficilement concevable de lutter efficacement contre les exclusions sans qu’ait été instituée une organisation qui permet de produire une connaissance vraie et exhaustive sur l’exclusion.

En fait, cet observatoire est un important outil de compréhension du phénomène « exclusion » parce qu’il permet de décrypter l’exclusion, en tant que phénomène social particulièrement complexe comme le rappelle Mr François Landais lorsqu’il dit que,

‘« […] L’exclusion n’est pas une évidence. C’est quelque chose de très complexe. Elle a des aspects très multiples. Pour en parler, il faut que des gens qui sont experts prennent du temps pour réfléchir, travailler, produire des études, des statistiques. Ils travaillent de telle manière qu’il y ait des informations qui permettent de faire le point sur l’exclusion. Est-ce que ça s’améliore ? Est-ce que ça se dégrade ? Est-ce que les formes de l’exclusion dominante se modifient ? Quelles sont les trajectoires des gens ? Des processus d’exclusion ? Ça, c’est important qu’il y ait une institution publique « 1161 .’

Cette institution a pour objet d’organiser la synthèse des informations sur la pauvreté et l’exclusion, de développer la connaissance sur les domaines ou les angles d’approche mal couverts, de recueillir des informations sur les politiques menées au niveau local. L’observatoire prend également en compte la situation des pays voisins et comparables. En effet, la lutte contre l’exclusion nécessite une meilleure connaissance de l’évolution et de la nature des situations rencontrées.

La mise en place de cette institution présente l’avantage de créer un espace de concertation permanent où les préoccupations et les attentes des personnes, familles et groupes de personnes en grandes difficultés d’insertion sont au cœur de la réflexion et de la prospective politique. On ne peut, logiquement, prétendre agir contre un phénomène social de l’ampleur de l’exclusion sans chercher à mieux connaître les « exclus », à évaluer les effets à leur endroit des actions et des politiques initiées au profit des plus démunis, à capitaliser les expériences les plus innovantes pour combattre l’exclusion. L’élaboration d’une telle connaissance nécessite de rassembler un certain nombre d’informations quantitatives et qualitatives détenues par divers organismes, de procéder à des investigations complémentaires, d’analyser les processus d’évolution en cause, de recueillir le point de vue des différents acteurs, dont celui des personnes considérées comme « exclues ». La Mission régionale d’information sur l’exclusion de la région Rhône-Alpes 1162 constitue un bon exemple de ce type de dispositif.

L’observatoire de lutte contre les exclusions prévu par la loi est en effet la « photographie » au niveau national de la Mission régionale d’information Rhône-Alpes. Cet organisme qui a été créé à l’initiative du groupe de cause ATD Quart-Monde Lyon 1163 est entièrement consacré à la lutte contre l’exclusion 1164 . La MRIE se présente comme le premier organisme régional à avoir pour champ d’études, la compréhension de la pauvreté et de l’exclusion. Concrètement, la MRIE se présente comme une institution qui

‘« construit une connaissance des situations d’exclusion ancrée dans le vécu des personnes confrontées à la précarité (…) anime une réflexion sur des sujets spécifiques, à partir de groupes de travail composée de tous les types d’acteurs engagés dans la lutte contre l’exclusion (…) sensibilise les décideurs aux enjeux de la lutte contre l’exclusion en mettant en débat les préconisations issues de ses travaux (…) et procède à une large diffusion, y compris dans l’opinion publique, des enseignements et des recommandation issus de ses travaux … » 1165 . ’

La Mrie assure trois missions : une fonction d’observation et de veille, une fonction d’étude et d’animation de la réflexion, à partir de rapports issus de groupes de travail et enfin une fonction d’appui aux initiatives de formation et d’évaluation. Cet observatoire de la pauvreté et de l’exclusion a été créé à la demande du groupe de cause ATD Quart-Monde 1166 . Il est animé par des organisations de lutte contre les exclusions, de solidarité et d’aide sociale implantées au niveau local, mais aussi par les administrations et les universitaires ou des chercheurs 1167 . Ces différents acteurs insufflent une dynamique de production de connaissances sur le phénomène « exclusion » et d’interpellation des décideurs politiques locaux et régionaux tels le préfet de la région Rhône-Alpes et le président du Conseil Régional 1168 .

Si le principe de la création de l’observatoire est partagé par tous les groupes de cause des collectifs Alerte et CPE, en revanche son orientation met aux prises les groupes radicaux  aux groupes réformistes.

Notes
1158.

Michel Castaing, « Ultimes propositions avant l’annonce de la loi-cadre contre l’exclusion »,Le Monde, 15 mars 1996, p. 10.

1159.

Archives Uniopss, document Alerte, p. 36 : « Pour la participation de tous. Lutter contre la pauvreté et l’exclusion : une priorité nationale », Paris, mars 1996. Réclamé par le collectif Alerte lors de la campagne « Grande cause nationale » en 1994, Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz le réaffirme lors de son audition devant la Commission de l’assemblée nationale consacrée à l’étude de la loi contre les exclusions sociales en avril 1998.

1160.

Selon Geneviève de Gaulle-Anthonioz, « l’enjeu de cet observatoire est de se rapprocher du terrain pour associer en priorité au recueil des connaissances les personnes en grande difficulté ». Source : J. O., Assemblée nationale – 2ème séance du 15 avril 1997, p. 2473.

1161.

Entretien n° 3 avec Mr Landais.

1162.

Dans le cadre de nos recherches, nous nous sommes rendu au siège de cet organisme (14, rue Passet. 69007 Lyon) pour y rencontrer la directrice Mme Geneviève Decrop.

1163.

Entretien n° 39 avec Mme Decrop.

1164.

Archives MRIE : dossiers Ressources 2005, « Connaître avec pour agir ensemble », p. 5.

1165.

Archives MRIE : la MRIE présente un dossier annuel autour du 17 octobre, à l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère.

1166.

Quart-Monde Rhône-Alpes, « La Mission Régionale d’Information sur l’Exclusion », n° 54, p. 18.

1167.

Entretien avec Mme Decrop. Voire aussi, Dossier annuel 2004, Charte de la Mission Régionale d’Information sur l’Exclusion Rhône-Alpes. p. 182.

1168.

Quart-Monde Rhône-Alpes, n° 63, op. cit.