Conclusion générale

I : Les groupes de cause en médiateurs et promoteurs de la cause « des plus démunis »

A: Les groupes de cause comme médiateurs et défenseurs de la cause « des plus démunis »

Dès le milieu des années 1980, les groupes de cause créent la Commission Lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Ils se positionnent comme des acteurs sociaux dont la mission première est d’articuler les doléances des personnes « exclues ». Il en est de même du collectif CPE. La posture de médiateurs et de promoteurs de ces groupes est d’autant plus plausible que les bénévoles de ces groupes partagent souvent au quotidien la vie des « exclus ». Les groupes de défense de la cause des plus démunis mobilisent en effet un important personnel constitué de bénévoles et de permanents. Par cette présence physique au côté des plus démunis, ils ont su construire et consolider leur statut de médiateurs des « exclus » : ils recueillent les revendications des plus démunis sur le terrain et les transmettent aux décideurs politiques. En agissant ainsi, les groupes de cause participent effectivement à une démarche de construction des politiques publiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, et peuvent se positionner valablement comme des interlocuteurs « crédibles » et donc légitimes pour les pouvoirs publics.

Les collectifs Alerte et CPE ne se lancent pas dans une logique concurrentielle. Ils inscrivent plutôt leurs actions dans une logique de complémentarité bien que leurs membres s’adressent à une même catégorie de population : les « exclus ». En fait, ils servent de « lieu » de construction discursive et stratégique commune. La mise en place des deux collectifs Alerte et CPE est directement liée à l’explosion de la pauvreté dans le pays, ou à ce qui a été ressenti en tout cas comme tel.Le collectif Alerte est constitué de grandes organisations caritatives tels le Secours catholique, Emmaüs, le Secours populaire français, etc. Ces groupes ont une longue tradition de dialogue et de négociation avec les pouvoirs publics et dans les institutions publiques. Cette expérience et cette proximité leur permettent de se présenter tout de suite comme des partenaires légitimes des acteurs politico-administratifs. Mais contrairement au collectif Alerte, les principaux membres du collectif CPE ne peuvent revendiquer le même privilège de la part des pouvoirs publics. En dehors de certains groupes qui se sont « détachés » momentanément d’Alerte tels Médecins du Monde, la Fnars, La Coorace…, les autres à l’instar du MNCP, de l’APEIS sont difficilement reçus voire entendus par les autorités politico-administratives.

Ces collectifs sont toutefois bien des « espaces » de concertation. Ils permettent aux groupes de cause qui les constituent d’aller à la rencontre des autres. Grâce au collectif, ils peuvent confronter leurs expériences, leurs savoirs, leurs visions de la lutte contre les exclusions. La qualité de membre de ces collectifs donne la possibilité d’être reconnus par d’autres groupes comme un des leur, c’est-à-dire de revendiquer une « existence » et une reconnaissance publique et médiatique de défenseurs des précaires, des pauvres et des « exclus », et surtout d’être reconnus comme porte-parole des « exclus ». Les groupes de cause recueillent les « doléances » des « exclus » et en débattent dans l’espace politique. C’est en cela que nous les qualifions de médiateurs sociaux et de promoteurs de la cause des plus démunis.